Partie 27

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Amadouer pour mieux attaquer. Attaquer, pour blesser. Etre blessée, et se retrancher. Se retrancher, pour ne pas devoir, à son tour, attaquer. Cercle troublant.

Omar prend la parole...

- "Ce que j'avais à dire à ces trois pédés, je leur ais dit, pas la peine d'en rajouter. Toi Sonia, t'es qu'une salope, mais ca tu le sais ! Une bonne salope, tu leur a raconter à tous, ou pas ? Tu leur a raconter comme t'es bonne qu'à ça ? T'as voulu te venger, me la mettre à l'envers, mais t'inquiètes pas, mon équipe sera en liberté. Je leur donnerais les instructions. Ton tour viendra aussi ! Chienne de la casse va ! Tu mérites même pas que j'en rajoute, tu vaux rien, une beurette sans cervelle, crève ! Et puis toi Nawell, tu vaux pas mieux que l'autre ! Karim non plus ! Un pauvre type ! J'allais dire crève pour lui aussi mais la vie est belle parfois : c'est déjà fait ! Il ressemblait plus à rien, fallait qu'il clamse ! Un... »

J'attends pas qu'il finisse. Redwane lui disait « Ta gueule ! Ta gueule! T'avais juré que tu voulais pas dire ça! Tu l'a juré sur le nom de Dieu espèce d'enculé! » mais il continuait, le sourire sadique aux lèvres. Les larmes coulent sur mes joues, et mes poings sont serrés. Une envie de taper me vient et il faut que je tape! Je saute sur lui et je me mets à lui mettre des droites, des gauches, le mordre, lui mettre des coups de pieds. Une enragée. Il est attaché, je sais qu'il pourra pas riposter et j'en profite ! Hafid et Jalel me détachent de lui pendant que Redwane crie sur Omar. Mais il continue : « Un triso wAllah un triso ! Une erreur de la nature... » Je me débats et leur supplie de me laisser le tuer moi même, mais rien y fait. Hafid me porte comme un sac à patates et je me retrouve quelques instants plus tard dehors, devant la voiture. Je hurle, hurle, hurle ! Je suis en colère contre tous ! Je me mets à genou sur le goudron et je frappe le sol avec mes mains ! Hafid ne dit rien, il me laisse délirer. Je finis par être épuisée et je m'allonge sur le bitume. Vidée de mes forces ! Je veux y retourner et le frapper ! Encore et encore ! Pourquoi ils m'ont fait venir ici ? Pourquoi ! Je pleure, ma couette de cheval ne ressemble plus à rien depuis longtemps, mes cheveux se battent sur mon visage. J'ai froid, j'ai faim, j'ai peur, je suis triste, à vrai dire, je sais même plus ! Jalel finit par arriver avec Sonia... Il me relève, me prend dans ses bras et me fait monter dans la voiture. On se retrouve Hafid moi Sonia et Jalel assis. Je regarde mes baskets, j'ose pas lever mes yeux. Je sais que je vais les haïr, peut être même être injuste dans mes propos ou mes actes... Jalel tape sur son genou, énervé :

- "On lui avait pourtant dit de pas faire ça, s'il voulait pas qu'il prenne encore plus cher, mais il craint personne, même pas Dieu ! On l'amène ce soir emballé de tout ce qu'on a contre lui au comico. Il se démerde ! Il a pas voulu collaborer, qu'il s'explique avec les keufs ! Je suis désolé Nawell, c'était pas prévu, je suis désolé Sonia aussi ! Hafid va vous ramener, des que je peux je passe te voir Nawell. Si t'as besoin de quoi que ce soit Sonia, passe par Redwane. Putain !"

Il sort de la voiture et s'éloigne. Je continue de fixer mes baskets et je ferais ça tout le chemin du retour. Un retour on ne peut plus silencieux. On arrive au quartier devant notre bloc, Sonia dit à Hafid :

- "Pourquoi t'es pas venu nous chercher direct ici ta l'heure au lieu de nous faire trimer jusqu'aux Champs ?
- "Bien vu ! Parce que c'est la voiture à Tarek et que son père était dans le quartier, il taffait pas de bonne heure ! Il m'aurait vu avec, ça aurait fait dégat, on sait jamais. Et comme j'étais près des Champs...
- "Ah d'accord.
- "Ca va aller ?
- "Il a dit n'importe quoi pour me salir. Mais il l'a toujours fait, ces paroles, je l'ai aient bu pendant trop de temps et j'y ait dit « AMEN ». Je me suis sentie conne d'avoir supporter ça en pensant l'aimer. Hamdoullah ce qui compte c'est qu'il puisse plus me faire de mal et que je puisse plus le voir. Que je puisse avancer enfin tranquillement.
- "Oui, t'as raison, c'est l'essentiel. Personne n'a cru ce qu'il a dit t'inquiètes pas. Il faut PAS PRENDRE POUR VRAI CE QU IL DIT ! C'est un MANIPULATEUR ! les gars sont venus hier, tout le monde a dit ce qu'il avait à dire, il s'est bien tenu! Quand il nous a demandé de vous faire venir on a pas dit non, on pensait vraiment que ça se passerait bien! Il a fait le repenti, on lui a laissé sa chance, mais niet, qu'il aille REPONDRE DE CE QU IL A FAIT ET DIT maintenant!"

Il a accentué certains passages de ses phrases pour me faire comprendre que je devais pas l'écouter... C'est raté ! J'ai tout entendu ! Sonia sort, et je commence à sortir aussi. Hafid me retient par le bras. Je lui lance un regard noir, le plus profond que j'avais en stock, et je sors. Je claque la porte. Je lui en veux de m'avoir emmené la bas. Il avait pas prévu ça, mais je m'en fous. Je m'en fous royalement. Il a beau être le pire individu du monde, il a touché ce que j'avais de plus cher. Il m'a fait penser à Karim...

Les jours passent. Je taffe, et rentre directement. Jalel est au quartier, avec tous les autres. Je les évite. Autant que j'évite Hafid et tous leurs coups de fils. Sonia m'a appris via Redwane qu'ils avaient bien livré Omar à la Police. Ils l'ont laissé attaché devant le comico en pleine nuit avec une clé USB dans sa poche. Apparemment, ca a fonctionné. Tant mieux pour eux. C'est vendredi aujourd'hui et comme pratiquement tous les vendredis, je me prépare pour aller au cimetière. Je demande à Maman si elle veut m'accompagner, mais elle refuse. Depuis son hospitalisation et mon retour des States, elle n'y est pas allée. Je me demande même si elle y allait en mon absence... Je galère à me coiffer, elle me demande si je vais bien, je lui réponds que je suis juste fatiguée ces temps ci. Elle me prend la brosse des mains et me fait une natte. Je suis ailleurs... En vérité, depuis qu'Omar a parlé de Karim je me sens mal. Personne m'en parle jamais. Un peu comme si était en voyage et qu'il allait revenir. Ils veulent pas me faire de mal, et surtout je pense qu'ils ne veulent pas savoir les coulisses de ce spectacle désastreux à voir. Parce qu'au fond, personne ne sait ce qu'il a subit. Allah l'a éprouvé au plus profond de lui, il a accepté son sort sans se plaindre, et tout ce que certaines personnes ont retenu de lui, c'est son corps amoindri... Car si la mort s'est présentée rapidement à l'âme d'untel, elle a nargué pendant des mois celle de mon frère...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant