Partie 19

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"Oui j'en suis persuadée, c'est un buvard pour nos coeurs qu'il nous faudrait..."

Ca fait trois jours que la ville rose m'a accueillie. Le sud a ce quelque chose qu'il manque à Paname. C'est clair que la vie est moins speed, mais J'aime les gens dans leur ensemble, ici, ils ont l'air de profiter plus positivement de leur vie... Et puis, le métro est propre ! Sans oublier l'accent... Un kiff ! Si il lui manquait une chose, ce serait la mer ! C'est ma destination préférée des que j'ai quelques jours dont je ne sais pas quoi faire. Je dépose mes valises chez le cousin, et je bouge, livrée à moi même. Je m'arrête à une station, marche, tourne, et puis quand je suis rassasiée, je rentre ; Mouhssin me traite de « botch » (folle en language toulousain), sa femme Mina, elle, me dit que j'ai raison, que c'est la meilleure des manières de connaître vraiment une ville.

Aujourd'hui, j'ai décidé de faire une promenade avec Maman. Mouhssin travaille, et sa femme a un rendez vous. Je l'amène dans un jardin à la sortie de la station Saint Cyprien. Je l'ai découvert par hasard : la vue sur la Garonne est magnifique ! On s'asseoit sur un banc, on parle de tout et de rien. J'en viens à Papa. Elle est étonnée, et me fixe avec un regard interrogateur. Je lui avoue tout. Je suis obligée. Ca me trotte dans la tête depuis trop de temps, et je n'aime pas vivre dans le mensonge avec ma mère. Elle non plus n'aime pas les secrets. Je me dit que ca nous fera du bien de creuver l'abcès de suite. Au moins, elle saura qu'elle peut compter sur moi au lieu de tout prendre sur elle... Je la sens génée et soulagée à la fois. Elle fait la forte devant moi, tout comme j'ai fait l'indifférente en lui racontant l'entretien que j'ai eu avec lui, elle fait comme si cette histoire n'avait pas une grosse importance, mais je sais qu'elle à qu'une envie, comme j'en ai qu'une, c'est d'effacer ce morceau de nos vies, de le griffonner et le jeter. De ne plus y penser...

- Tu sais Nawell, crois pas que je ne t'ai rien dit par manque de confiance en toi. Tu le sais qu'il ne me reste plus que toi ma chérie. Mais je le connais et je savais qu'il voulait quelque chose. Il ne m'a pas appelé depuis un moment, je me suis dit qu'il avait abandonné mais je comprends mieux maintenant...
- Je sais Maman, t'inquiètes pas. J'ai laissé les papiers à la maison. Tu comptes faire quoi ? Lui laisser la maison ?
- T'en dis quoi, toi ?
- Moi j'en dis que ta part te revient, et que si il veut refaire sa vie, qu'il la refasse dans un endroit qui ne porte pas nos marques, nos souvenirs. Je suis contre...
- Oui, mais cet argent nous ferait beaucoup de bien aussi. J'en ai marre de me battre contre lui, regarde comment je suis faible !
- L'argent c'est pas un problème, je travaille, on s'en sort. Les principes et la morale avant l'argent Maman, et s'teuplait, craque pas ! Je suis là, je suis là 'Man !
D'accord. Une fois rentrée, on s'occupera de tout ça. Pour le moment, on est en vacances !

Le bruit de l'eau en arrière son m'apaise ; On reste là, assises et silencieuses, à faire balancer nos pieds comme deux gosses. Et puis, elle passe à autre chose, elle me raconte qu'elle est partie au Pas de la Cas, qu'elle y a achetée une batte avec écrit dessus « Defense personnelle ». Je golri, je lui demande pourquoi elle a acheté ça. Elle me répond : « Ben, pour défendre ma personne ! Plus personne fera sonner l'interphone comme ça ! Elle est terminée ma carrière de portière !» J'éclate de rire. Elle est ouf ! Mina nous rejoint, avec sa petite sœur Sakina. Elle a mon âge, je la kiffe. Elle aussi écrit, je l'ai cramé sur l'ordi de Mina un jour en train de poster un keu-tru sur Facebook, j'ai lu et j'ai été choquée de son talent. Mina et Maman rentrent. Avec Sakina on va faire un tour en ville. On croise notre ami, et l'ami de tous les toulousains, Mister « I Feel good », un rebeu petit de taille qui rend « flou » tous ceux qu'il croise, on le regarde narguer les militaires, il les imite tenant leurs armes. Un gue-din. On passe un moment ensemble, sa mère l'appelle, elle doit rentrer. Avant de partir, elle me demande de checker mes MP sur facebook et de lui dire ce que j'en pensais. Je lui dit OK. Je passe la soirée avec la mife, répond aux sms de Rachid qui devient fou avec son livre « Des chiffres et des litres » et une fois tous au lit, j'allume le Pc. Effectivement, Sakina m'avait envoyé un MP...

« Dans un carton, un vieux cahier bleu et marron, où je reconnus en couverture ma non-assurance sur les arrondis tremblants du prénom. De gauche à droite, avec la concentration d'un sportif sur les starting block. La fierté à l'arrivée d'avoir écrit sans ratures, certes la dernière ... mais ça, je m'en moque ! Je fis défilé en quelques secondes, ces mois d'apprentissage. Et les remarques que j'avais écrites pour ne pas être oubliées, n'étaient à présent plus que des phrases insensées sur les marges. C'était l'un des seuls assemblage de feuilles qu'il me restait, les autres avaient finis en cendre, chaque fin d'année, pour marquer le début des vacances d'été. Je m'étonnais très peu que certaines pages avait été sautées à la fin. Le renouveau m'attirait, alors pour en avoir un autre, je rusais pour le finir « malin » : j'écrivais gros, large, je m'appliquais moins. Histoire d'être déçue, et d'avoir hâte sur le vierge d'en reprendre soin. Un buvard rose était plié en deux à l'intérieur, la disparition de ses coins était due aux chewing-gum expulsés en vitesse, avant une lecture imprévue et périlleuse. Il était imbibé d'encre noire où l'on déchiffrait des lettres, parfois des mots. Victimes malheureuses d'un stylo plume trop généreux par défaut. Ami intime des imperfections trop humaines de l'écriture, il est l'amant aimé des crayons aux couleurs manquant d'allure. Déchiré par endroit, mais toujours vaillant. Un peu pâlit par les froissures, pourtant pour un nouvel affront toujours partant. Plus dur et résistant que les centaines de copies que j'ai pu écrire, où j'étais contente d'avoir été bien notée pour avoir recraché des millions de bêtises. Ce buvard était sans valeur à mes yeux, comme aux vôtres, il est fait pour être exploité, pas pour rendre service avec un intérêt quelconque. Donner sans retour, tracer sans détour, soigner les contours, un buvard pour gommer les fautes et embellir la mise en page d'un dessin rempli d'amour. Un buvard pour les cœurs animés par cette envie de recommencer sans formater .. J' ai changé d'avis. Oui, j'en suis assurée, c'est un buvard pour nos cœurs qu'il nous faudrait. »

Oui, c'est vrai, c'est un buvard pour nos cœurs qu'il nous faudrait...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant