1 - Départ pour Nice

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Ira Champelier

─ Bon, eh bien, te voilà prêt à partir ! Le bus ne va pas tarder à passer.

Mon père radote, me faisant sourire, car il l'a déjà dit une dizaine de fois alors que la navette n'est pas en retard ! Je pars pour la fac de Nice et je suis censé rejoindre le dortoir de ma meute.

Dans le ciel, Rafaelo vole comme un oiseau de mauvais augure. Il tourne autour de nous en poussant des grands cris de désespoir, des glatissements d'adieu, il pleure mon départ et ne nous aide pas là !

Rafaelo est un changeant-aigle, un aguilafalk.

A Loex, le village sous notre refuge, il ne reste qu'une boutique qui fait café, boulangerie, pharmacie et épicerie. C'est chez moi, le village de mon enfance. Quelques agriculteurs et des artistes y vivent à l'année, ainsi que les moines du monastère des Chartreuses de Loex. Nous les entendons au loin qui psalmodient leurs prières matinales alors que nous guettons tous les deux, le moteur diesel polluant.

Mon père est un homme d'action, les adieux il déteste.

Je le serre dans mes bras, un moment, renonçant à dire quoi que ce soit. Je vais faire au mieux. Je n'ai rien hérité de lui, physiquement, si ce n'est une vague couleur de cheveux. Je suis mince, un visage mobile, je me ronge les ongles au sang.

Je prends encore une bouffée dans mon inhalateur, par réflexe, le faisant grimacer. Effectuer le geste me rassure.

Je regarde ma montre avec angoisse. Certes, j'ai hâte d'entrer à la fac, mais les montagnes et tous les sports que j'y pratiquais me manqueront. J'ai la particularité d'être un loup qui aime faire de l'escalade et voler en parapente. Je suis contre nature, encore une fois, puisque le vide ne m'a jamais posé de problème. J'accompagne Rafaelo dans les cieux avec mon aile, dès que j'en ai l'occasion.

La navette pour la gare d'Annecy arrive. Ce sont des embrassades, des discussions encore. J'ai promis de le tenir au courant de tout ce qui m'arriverait, de profiter de l'expérience. Lui m'a fait le serment de ne pas s'inquiéter, de s'occuper de Liam. J'ai plus confiance dans la deuxième promesse que dans la première.

Chaque membre d'une meute possède un bijou, un collier, un symbole de notre appartenance, doté d'un pouvoir magique intrinsèque : Un soleil sur une montagne pour la meute de l'Est. J'ai le mien, parce que malgré tout, je fais partie de ce groupe que j'ai quitté à l'âge de cinq ans, pour ma sécurité.

Est-ce que je vais réussir à m'intégrer, à me faire accepter ?

─ Mon fils qui devient un étudiant ! Le temps passe si vite ! N'oublie pas que Nice n'est pas loin ! Tu peux rentrer quand tu veux !

─ Promis, ça va aller ! je lui souffle.

En réalité, quand je vois ses traits tirés depuis plusieurs jours, j'ai des doutes.

Notre dortoir pour les étudiants est dans les hauteurs de la ville. Je suis censé m'y présenter, l'idéal serait qu'ils m'excluent. Si notre plan fonctionne, j'ai loué une chambre chez une humaine.

Ça va aller ! Ça va aller !

J'essaie de me rassurer, assis dans la gare déserte d'Annecy, puis dans le train en direction de Gap, puis pendant mon interminable correspondance pour enfin avoir mon train pour Nice.

Ça va aller ! Ça va aller !

La meute de l'Est  - [BL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant