Chapitre 3

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Tchet

— Quelqu'un peut me tenir ça, en l'air ? Hé le Glock, rends-toi utile, je l'entends me dire.

Je la fusille du regard mais elle m'a parlé sans m'accorder la moindre attention. Elle est concentrée sur ce qu'elle fait, ses gestes semblent mécaniques, automatiques, comme si ses mains agissaient sans qu'elle ait besoin d'y penser. Elle discute avec mon père pour le maintenir éveillé et lui pose des questions dès qu'elle le sent partir. La nana a les mains plongées dans la cuisse en morceaux de mon père et elle prend le temps de tailler la bavette avec lui et lui raconter ses histoires de guerre. Elle me fait bander autant qu'elle m'énerve !

Elle est en train de préparer une perfusion pour poser un cathéter sur l'avant-bras de mon père pendant que le Doc s'affaire à suturer sa cuisse en charpie. C'est vraiment pas beau à voir mais il tient le coup sans trop broncher. Elle continue de discuter avec lui et à le distraire en attendant que les médocs fassent leur effet et le soulagent de la douleur. Ça a été rapide et je l'ai tout de suite vu sur son visage qui se détendait enfin.

Le Doc vient de finir les sutures de notre VP et a demandé à ce que tous les déchets soient brûlés sur le champ. Le Prés fait signe à un des prospects pour qu'il embarque le tout à l'extérieur.

— On a pu extraire la balle, t'as de la chance Jack, ça aurait pu faire bien plus de dégâts que ça, même si ce n'est pas joli à voir. Par contre je te préviens tout de suite : si tu ne veux pas terminer à l'hosto, t'as intérêt à rester au repos et faire ce qu'on te dit. Sinon adieu ta jambe. C'est clair ?

— Compris Doc...

— Merci Doc, encore une fois t'as assuré comme un chef, le remercie notre Prés. Les gars, allez chercher le van, vous allez le ramener chez lui.

— Connor, appelle ta mère. Dis-lui que j'arrive et qu'il faut de la place dans la chambre d'amis.

Je l'aperçois lever la tête aussitôt qu'elle a compris qu'il s'adressait à moi. Je n'aime pas quand on m'appelle par mon prénom, et elle a dû s'en rendre compte à la grimace que j'ai faite. Son petit sourire accroché au coin de ses lèvres pleines et roses ne me dit rien qui vaille.

Notre VP a été conduit jusque chez lui. Mes parents habitent une maison dans un quartier à cinq minutes en bagnole du Club House. J'ai vu ma mère courir vers nous quand on l'a sorti de la voiture, et son visage a l'expression d'une personne restée plus longtemps que prévu sans nouvelles. Je la rassure en la prenant dans mes bras et en lui expliquant ce qui s'est passé avant de l'accompagner à l'intérieur. Leur chambre d'ami a été aménagée de façon à ce qu'on puisse facilement circuler autour du lit.

— Bonsoir Madame. J'aurais besoin d'un manche à balai ou n'importe quoi pour faire une perche et y accrocher la perfusion de votre mari, a demandé l'infirmière à ma mère que je tiens encore dans mes bras. J'apporterai une perche demain matin.

Ma mère s'essuie rapidement les yeux avant de nous quitter pour aller chercher ce qu'il faut dans la buanderie. Eléanor s'évertue à ne pas me regarder et quand nos yeux se croisent, sa concentration n'a toujours pas disparue. Un éclair les traverse sans que je puisse dire ce que c'est, mais ce n'est pas amical.

— Je passerai tous les soirs refaire ton pansement la première semaine, Ellie viendra le matin avant de prendre son service à la clinique. Par contre je te préviens Jack, si jamais je constate que quelque chose ne va pas, ou si Ellie me rapporte quoi que ce soit qui ne me plaît pas, je n'hésiterai pas à appeler une ambulance. Et je compte sur vous tous pour veiller sur le VP les gars.

Le Doc nous fait limite un sermon sur l'état de santé de mon père et nous demande de veiller à ce qu'il ne se fatigue pas ni même ne se lève les premiers jours. Mon père n'est pas con, il saisit tout de suite les propos du Doc et je vois à son regard qu'il n'a pas envie de jouer.

Brothers in ArmsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant