Chapitre 35

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Ellie

Ça fait deux jours que j'ai retrouvé mon cocon, ma cabane comme l'appelle Connor. Cette fois il a fait partie du déménagement et il n'y a rien au monde qui aurait pu me faire autant plaisir. J'ai fait de la place dans mon dressing, ses affaires sont à côté des miennes dans la salle de bain, son bordel a envahi mon espace que je me plais à appeler notre maison désormais.

On a repris nos marques dans ce nouvel environnement, et Connor a vite pris ses aises. Ça me fait sourire parce que je suis heureuse de voir qu'il se sent bien dans notre nouvelle maison, qu'il se sent chez lui. L'extase totale a été lorsqu'il m'a rejoint dans le lit hier soir. Ce moment où tu te détends complètement, la tête enfouie dans un oreiller ultra-moelleux et que tu sens une bouillote humaine se glisser dans ton dos et t'encercler de ses bras amoureux en te serrant contre lui pour ne faire plus qu'un. Là, je me suis sentie enfin bien.

Même si c'est dimanche, il arrive parfois aux Brothers in Arms de devoir honorer leur engagement vis-à-vis du club en effectuant des missions. Connor est parti cet après-midi, en me disant qu'il n'en n'aurait pas pour longtemps. J'en ai profité pour passer mon temps dehors sur le ponton au-dessus du lac, à fixer le vide. Mon esprit est embrumé, et je n'arrive pas à avancer. Pour le moment, j'ai besoin de rester dans ce brouillard, j'essaye de faire le point sur les dernières semaines qui viennent de s'écouler, et parfois je remonte même quelques années en arrière. Mon père me manque, et j'aurai besoin d'un câlin de ma mère et de ses conseils avisés aussi.

Mon horloge indique qu'il est 18h00 à peine lorsque j'entends un premier moteur s'arrêter devant la maison, puis celui de la moto de Connor quelques instants après. Un pressentiment s'insinue au creux de mon ventre lorsque j'entends les pas sur la terrasse du porche passer la porte d'entrée. Je pose mes ustensiles et sors de ma cuisine en m'essuyant les mains sur mon torchon que je balance sur mon épaule avant d'aller à la rencontre de mes visiteurs.

C'est Doc qui est là en premier, et il a l'air soucieux, préoccupé. J'ai l'impression qu'il n'ose même pas me regarder.

— Salut Doc, je m'attendais pas à te voir ce soir. Qu'est-ce que tu fais là ? je lui demande en le serrant dans mes bras.

— Salut Ellie, me répond-il en m'embrassant sur le front. J'ai accompagné Tchet, il avait besoin d'aide pour ramener des affaires ici. Comment tu vas ?

— J'ai connu des jours meilleurs, mais je me sens mieux, je lui réponds avec un sourire timide. Je t'offre quelque chose à boire ?

— Non je te remercie, je dois retourner voir Rory et Jack, on a une réunion avec le chapitre de Portland dans une demi-heure. Tu as meilleure mine en tout cas. Le docteur Mallory t'a contactée pour reprendre tes séances ?

— Oui, on commence la semaine prochaine, il veut qu'on fasse le point, je lui réponds en regardant mes chaussettes.

— Avec ce qu'il t'est arrivé tu vas avoir besoin de ses lumières. Tu risques d'avoir des jours encore compliqués, Ellie. Mais je ne me fais pas de soucis, je sais que tu vas y arriver et que tout ira bien pour toi. Et puis on est tous là pour toi si besoin.

Doc a toujours eu une confiance aveugle en moi et mes capacités à surmonter les épreuves que la vie a mis sur ma route. Lors de notre première rencontre, ça m'avait galvanisée et à l'époque, j'avais rapidement fait d'énormes progrès. Il avait compris que pour me faire avancer, il fallait que je puisse continuer de faire ce qui me tenait le plus à cœur, et il avait fait en sorte de me le donner : la musique et mon travail en temps qu'infirmière. Il avait obtenu de la direction du centre, après une évaluation psychiatrique poussée avec le docteur Mallory, l'autorisation de me faire bosser comme son assistante et à partir de là, ma guérison avait été amorcée. J'avais enfin réussi à sortir ma tête de l'eau et à y voir plus clair.

Je vois Connor par-dessus l'épaule de Doc qui monte les deux marches pour accéder à la porte d'entrée les bras chargés. Je contourne mon ami pour ouvrir la porte à mon biker et lui proposer mon aide. Mais ce que je vois me fait finalement faire deux pas en arrière, en portant une main à ma bouche pour étouffer un cri de surprise. Il a dans les bras un petit tas de couverture qu'il tient d'une façon particulière. Comme on tient un bébé, je me fais la réflexion.

— Connor qu'est-ce que... Doc c'est quoi ? je lui demande la voix déformée par un sanglot que je n'arrive pas à contrôler.

— Connor va tout t'expliquer, Ellie, il me dit en prenant mes mains dans les siennes pour les serrer. On se voit demain, il faut vraiment que j'y aille. Mais demain promis je reviens te voir.

Connor acquiesce lorsque je l'interroge d'un regard inquiet et Doc m'embrasse une nouvelle fois avant de sortir de la maison, et de nous laisser tous les deux. Ou presque. Connor se rapproche de moi en me tendant les bras pour me donner le petit tas de couverture, et je remarque qu'il a les yeux légèrement plus brillants que d'habitude.

—Je crois qu'il y a quelqu'un qui va avoir besoin de toi, il me dit alors en me regardant avec cette intensité dévastatrice qui me ferait faire n'importe quoi pour lui.

Emmitouflé dans ce petit tas de couverture, je reconnais la chevelure d'un noir de jais et la peau légèrement mate de Ricardo, le fils de Félicia. Mes yeux s'emplissent de larmes lorsque je regarde Connor pour trouver une réponse et quand je vois son air abattu et désemparé, le sanglot que je retenais jusque-là s'échappe de ma gorge et je me suis mise à pleurer sans ne plus pouvoir me contrôler.

J'ai serré ce bébé contre moi, et je suis allée m'installer dans un fauteuil du salon en sentant mes jambes flageoler. Ricardo dort profondément, insouciant. Je l'envie tellement. Même si toutes les épreuves que j'ai vécues durant ma vie font de moi la personne que je suis aujourd'hui, j'aimerai retrouver cette innocence et cette quiétude qui caractérise les enfants.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée à le contempler comme ça, mais quand j'ai relevé les yeux, Connor s'était changé. Il se tient appuyé contre l'embrasure de la porte de notre chambre et me regarde. J'aime lorsqu'il pose ses yeux de cette façon sur moi. Il y a quelques temps, c'était annonciateur d'une soirée torride en perspective.

Je lui souris tristement et il continue de me fixer, presque perdu dans ses pensées. Ricardo bouge légèrement dans mes bras et mes yeux se posent à nouveau sur lui et ses traits doux de bébé. Je souris toujours, une douceur s'insinuant lentement dans mon cœur. Avant qu'il ne s'arrête brusquement pour mieux battre comme un fou lorsque je vois Connor mettre un genou à terre devant moi, les mains légèrement tremblantes lorsqu'il les pose sur mes genoux.

— Epouse-moi.

Je relève la tête vers lui brusquement et le regarde les sourcils froncés.

— Que...Qu'est-ce...que tu viens...de...dire ?

— Epouse-moi Eleanor. Je veux que tu sois ma famille. J'attendais qu'on soit enfin rentrés chez nous pour te le demander, ça fait des semaines que j'ai cette bague sur moi, tout le temps, que j'attends le bon moment. Eh bah je crois que c'est maintenant. Quand je vois ce regard que tu poses sur ce gosse, je me dis que c'est injuste que tu ne puisses pas devenir mère à ton tour et je veux t'offrir cette possibilité d'avoir ta famille, Amour. Je suis prêt à faire n'importe quoi pour toi Eleanor, pour te voir sourire et te rendre heureuse parce que tu le mérites. Et on va commencer par se marier.

Je le vois déglutir avec difficulté et retirer d'une de ses poches un écrin en velours noir qu'il ouvre devant moi. Un magnifique solitaire d'émeraude entouré de diamants qui sertissent la bague qui se met à briller.

— Eleanor Sutherland, me ferais-tu le putain d'immense honneur de devenir ma femme ?

Brothers in ArmsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant