Chapitre 19

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« I'm crucified

Crucified like my savior

Saintlike behavior

A lifetime I prayed »

Army of lovers, Crucified

Traduction (par moi) :

" Je suis crucifié

Crucifiée comme mon sauveur

Le comportement d'un saint

Une vie que je priais "



Sans laisser un mot, si ce n'est un morceau de papier tenu sous une statuette pour signaler ma fuite délibérée, sans me retourner ou même regretter de tout abandonner, j'étais partie.

Mon père de cœur était mort, mon père biologique était étouffant et mon troisième père ne m'apparaissait qu'en rêve. Je n'avais plus de famille, même mon deuil m'avait été arraché et interdit. Tout ce que j'avais espéré, tout ce que j'avais souhaité... ce n'était qu'un peu d'attention. Pas à la manière de Colombe ou de l'USRP, qui m'avait considéré tantôt comme une menace avant de m'apprécier en tant que possible arme d'attaque et de défense. Pas à la manière de l'OIPP, souhaitant ma mort à chaque instant.

Ce que je souhaitais, c'était l'amitié comme me l'avait offert Ingrid avant que tout ceci ne devienne un mensonge.

Ce dont j'avais besoin, c'était de ces moments où Giulia avait semblé sincèrement s'intéresser à moi et hésité par moment à faire ce qu'on lui ordonnait. De ces étreintes brûlantes, réconfortantes que m'offraient sans se plaindre Dembe. De cette lumière qu'il m'aidait à voir. Mes ténèbres, ils les portaient volontiers sur son dos. Il connaissait les siennes et comprenait les miennes. Il ne demandait rien en retour.

Sa main se posa contre mon front et pour une fois ce que je me mis à apprécier fut la fraicheur de ses doigts.

— Tu es brûlante.

— Tu exagères sans doute.

Mais au moment de me lever du lit, un vertige m'empêcha de me tenir debout. Dembe me rallongea.

— Nous sommes en sécurité ici. Alors repose-toi.

Deux jours que nous étions parties de chez les Dal Baccia. Et alors que nous avions trouvé un lieu isolé dans les montagnes pour nous cacher, je tombais malade. Une stupide fièvre, des stupides tremblements. Mes vêtements se trempaient de ma sueur...

— J'ai chaud, tirais-je mon T-shirt dans l'espoir de ne pas mourir de chaud.

Dembe m'empêcha aussitôt de retirer mes vêtements.

— S'il-te-plait, non.

— Mais je...

— Je reste un homme, Layla. Ne pense pas que je serai indifférent.

Que racontait-il ?

L'esprit brouillé, tout ce que je souhaitais était d'avoir moins chaud. Et si possible de me débarrasser de la sueur.

— Un bain, réclamais-je en me levant.

Mais Dembe me réinstalla aussitôt.

— Dembe, laisse-moi me laver.

— Tu tomberais dans la baignoire et je suis presque certain que tu t'endormirais.

— Tu ne m'as jamais dit non...

— Jusqu'à présent, tes décisions n'allaient pas contre ta santé.

— Je te déteste...

— Oui, oui.

Finalement vaincue, mes yeux se fermèrent...

Lorsqu'ils se rouvrirent, la nuit était tombée. Il m'avait semblé n'être passé que quelques secondes pourtant...

Deux voix discutaient ensemble. La voix de Dembe restait calme, parlant comme à un ami. Mais l'autre...

— Mais merde ! Elle sera mieux avec moi ! Sors de ton délire Dembe. Derrière tes airs de chevaliers servants tout ce que tu fais c'est la garder sous ta main. Layla ne t'appartient pas ! haussa-t-il la voix.

— Dembe, qu'est-ce qu'il se passe ?

Je m'assise au bord du lit, les membres tremblants par manque d'activité. Dembe ne vint pas m'aider, au contraire de l'autre individu qui le devança. Je m'appuyais contre lui, contre un homme à l'odeur... sauvage.

Mon visage se leva vers lui.

— Ryan, murmurais-je surtout pour me convaincre.

— Salut, ça fait longtemps.

— Pourquoi es-tu là ?

Il fronça les sourcils.

— Tu n'as pas l'air très contente de me voir.

— Ce n'est pas ça.

Il opina de la tête.

— Ton père m'a lancé sur ta piste. Il m'a accueilli et appris à maitriser mon don comme je n'aurai jamais cru être capable de le faire. Et aujourd'hui il m'autorise à revenir vers toi.

— Dorian ?

Autre hochement de la tête. Cette fois, la colère me prit.

— Va-t-en.

Dembe me rattrapa alors que je m'écartais volontairement de Ryan.

— Je suis partie, ce n'est pas pour retourner auprès de lui.

— Layla, ne me rejette pas. Je... J'ai changé. Pour que tu puisses m'accepter.

De quoi parlait-il ? S'agissait-il de cet amour qu'il m'avait déclaré à Colombe ? Pourquoi aller si loin alors même qu'il n'avait pas sa chance, qu'il ne l'avait jamais eu ?

— Je t'aime encore...

— Mais je ne t'aime pas, Ryan ! tranchais-je alors avant d'exploser dans une quinte de toux douloureuse.

Ma vue se troubla... Quelque chose n'allait pas.

Ma main se posa à ma gorge, mes pensées en effervescence troublaient tout autour de moi. Et soudain, des ailes se déployèrent dans mon dos, éjectant Dembe et Ryan. Le feu commença petit à petit à m'envelopper. Autour de moi, des objets se mettaient à flotter, des fleurs fleurissaient de-ci de-là.

— Elle perd le contrôle, comprenait Ryan. J'ai déjà vu ça.

— Quand ? Où ? interrogea Dembe.

Mais Ryan ne répondit pas. Aussitôt, le visage de Dembe se changea pour une expression que je ne lui avais jamais vu. Pour un visage que je ne lui connaissais pas...

Il se saisit de Ryan par le col, sa voix devenant gutturale alors que la fureur assombrissait son visage pour le rendre terrifiant. La Mort en personne lui faisait face, menaçante et impitoyable.

— Ne joue pas à ce jeu avec moi.

— Alors tu montres enfin ton vrai visage, chère Main de la Mort.

Il se tourna vers moi, attristé par ce qu'il voyait. Je tremblais et il me faisait peur...

— Layla, tout va bien.

Il me rassurait. Encore.

Et ça m'apaisait. Encore.

— Elle est en manque, lui expliqua alors Ryan.

— En manque de quoi ?

— En manque des fleurs de Gaïa.

Les Psychiques - Laisse-moi partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant