Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Caractère bien trempé... - partie 2 (VERSION 2)

C'est ainsi qu'entourés de dix chevaliers, du prince héritier, du roi et de son frère, ainsi que d'une princesse sans intérêt, nous prîmes la route en direction du royaume voisin et de sa capitale : Margus. Le voyage était long, même à cheval. D'après les prévisions d'Alan, deux mois nous seraient nécessaires pour rallier les deux villes. Je restais plutôt surpris que le roi abandonne sa cité aux mains de son conseiller pour une si longue période. Il avait confiance plus que de raison en ce noble imbu de son titre.

Et aux dernières lueurs de notre premier jour de voyage, je craignais que le roi délaisse son royaume plus longtemps qu'il ne le pensait en quittant son château. Non contente de râler tout du long de la journée pour diverses raisons, la princesse fut une vraie épreuve au moment de monter le bivouac. Mademoiselle avait trop mal aux jambes et aux fesses. Alors que je n'eus le temps de m'occuper des affaires du prince, je devais déjà installer une épaisse couverture sur une zone plane pour la princesse.

— Tu n'imagines tout de même pas que je vais m'asseoir par terre ! cracha-t-elle en me jetant la laine au visage. Tu es magicien ! Donne-moi un siège !

— Nessa ! intervint Erich dont la patience s'effritait doucement. La magie est complexe. Nous avons besoin d'Ixen pour protéger le roi en cas d'attaque. Ne le fatigue pas inutilement avec tes caprices.

— Tu as pourtant profité de son don durant trois années sans que personne ne te le reproche. Ne t'invoquait-il pas des fruits quand plus personne ne pouvait en manger durant l'hiver ? N'a-t-il pas rapiécé tes vêtements de soie quand tu les abîmais de ta maladresse incurable ?

Le visage d'Erich virait au rouge. Si je n'intervenais pas, leur dispute prendrait bien trop d'ampleur en présence de tiers, mais surtout de leur père. Je sifflai discrètement quelques mots draconiques et déposai prestement un tabouret, rembourré d'un coussin moelleux, derrière Nessa.

— Prenez place, princesse, souris-je en l'invitant d'un bras tendu vers ledit siège.

Je décelai un furtif air de surprise sur son visage, avant qu'il ne se noie derrière son habituel regard de braise.

— Il suffira, siffla-t-elle d'un air outrecuidant.

Je lui offris une dernière révérence et rejoignis le prince, assis devant le feu de camp.

— Je ne la supporte plus, grommela-t-il en jetant une brindille dans les flammes.

— Pourquoi votre père l'a-t-il emmenée avec nous ? m'enquis-je en prenant garde que seul Erich m'entendît.

— Sûrement pour la présenter à un noble. Je souhaite bon courage au pauvre malheureux.

Si Erich disait vrai, la princesse ne ferait peut-être pas le voyage de retour. Les deux jeunes nobles en avaient-ils conscience ? D'un côté, je doutai que cela ne chagrinât Erich, mais de l'autre, cette perspective annonçait de grands changements dans le quotidien de la demoiselle. Je la trouvais encore bien jeune pour devenir une femme à prendre... même si la vie des humains restait courte.

Plus tard dans la soirée, le dîner fut à son tour une terrible épreuve pour les nerfs de notre troupe. Faute d'avoir une assise confortable, contrairement au reste du groupe qui siégeait à même le sol ou bien sur d'opportuns rochers, la princesse Nessa imposa de souper à table.

— Père dîne autour du feu, grogna Erich qui ne sut réprimer sa colère. Tu ne peux pas prendre exemple ?

— Les dames sont plus distinguées que nous, trancha malheureusement le roi à la décharge de la demoiselle. Que ton magicien lui offre une table et des couverts décents.

Le prince resta bouche bée face au calme de son père à s'aplanir ainsi devant les caprices de sa sœur. Je satisfaisais la demande de Nessa avant qu'il n'eût la stupidité de critiquer la décision du roi en présence des chevaliers. Rian le lui aurait fait amèrement payer... et la princesse, toujours aussi avare en remerciements, gratifia mes services d'un air suffisant avant de me faire signe de déguerpir. Je ne pris mouche et la saluai d'une révérence.