Plus motivé qu'il n'y parait

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Le troisième étage de la tour était celui que j'attendais avec le plus d'impatience : la taverne ! Derrière moi, j'entendis Erich lâcher un sifflement d'admiration d'entre ses lèvres devant la magnificence des lieux. La salle s'élevait sur quatre étages, qu'un complexe système à chaine reliait par le centre. Des chaudrons fumants montaient et descendaient de balcon en balcon, au rythme lent de la chaine qui les plongeait derrière un comptoir au large rectangle du rez-de-chaussée. Des demoiselles s'y afféraient à la préparation des repas, autour de plans de travail submergés d'aliments frais.

— Allons commander, déclarai-je en m'élançant à travers l'allée principale que formaient les nombreuses tables.

— Ne me dis pas que tu avais de quoi payer depuis notre départ du Darakan ? s'offusqua le jeune homme.

J'ignorai sa remarque, sachant pertinemment vers quelle plainte elle mènerait. Je comptais certes assez de pièces pour nous acheter un bon petit-déjeuner, mais certainement pas une nouvelle hache. Même si cette monnaie n'était que le fruit frauduleux de ma magie...

— Que puis-je pour vous ? s'enquit une brunette du comptoir dans un sourire radieux.

Je toussotai pour attirer son attention alors qu'elle dévisageait Erich sans honte. Contrairement à Dorsük, son joli minois n'était pas gâché par sa mauvaise réputation de prince déshérité. Et son visage inconnu de tous, aussi clair que parfait, laissait croire à un riche askazien en vadrouille dans la capitale.

— Deux grands bols de lait de Namrid et une coupe de pommes, lançai-je.

— Rien de plus ? s'étonna la demoiselle qui reporta son attention sur le jeune homme.

— Ce sera tout, insistai-je d'humeur de plus en plus orageuse.

La brunette n'insista pas et nous offrit un carré de papier sur lequel était inscrit un symbole. J'expliquai discrètement à Erich qu'il s'agissait du nombre quarante-deux en askazien. Le jeune homme l'observa, perplexe, alors que je l'entrainais à nouveau à travers la taverne.

— C'est notre numéro d'arrivée, ajoutai-je en choisissant une table au fond de la salle principale. Malgré l'heure matinale, nous sommes leur quarante-deuxième groupe de clients.

Erich était sidéré. Mais il jugea mes aveux crédibles devant un tel rassemblement. La vue brisée de moitié par le balcon de l'étage supérieur, le jeune homme compta néanmoins plus d'une centaine d'askaziens. Une foule que la taverne de Dahlia accueillait seulement durant les festivals ou célébrations de la couronne.

— Moi qui pensais croiser de simples barbares sur Askaz, sourit Erich gêné. Mais voilà que je découvre finalement un peuple plus évolué qu'à Dorsük.

— Évite de trop faire référence à ton ancienne patrie, lui conseillai-je, inquiet que malgré le brouhaha des lieux, quelqu'un ne surprenne notre conversation. Nous pouvons circuler dans la ville si sereinement, car personne ne peut se douter de nos origines.

Mais Erich n'en semblait guère convaincu.

— Avec nos peaux si claires par rapport aux leurs ? souffla-t-il.

— Quelques jours au soleil et nous serons comme eux. Cela évitera d'ailleurs que les askaziennes ne te confondent avec un jeune homme de bonne famille. Il n'y a que les riches marchands qui peuvent se tenir assez à l'écart du soleil pour garder une peau aussi parfaite.

— Tu dis ça parce que tu es jaloux de mon soudain succès.

— Tu as toujours plu. Mais ici, les gens ne craignent pas que Rian ne les pende au bout d'une corde.

Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant