Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Plumes divines - partie 1 (VERSION 2)

IXEN

Le trajet de retour vers Dahlia fut étonnamment plus calme que l'aller. Nessa se fit discrète, au point qu'Erich et moi-même finîmes par nous en inquiéter. Nous décidâmes d'écouter sa détresse muette quand nous fîmes halte au bord du lac Noris. À mi-chemin entre les capitales nord et sud, il devait son nom à la déesse nymphée que le peuple local vénérait.

— Je n'ai pas besoin de votre compassion ! cracha-t-elle au nez de son frère.

Les chevaliers, quelques mètres plus loin, ne s'étonnèrent pas un instant de l'échange tumultueux entre les deux jeunes gens. Ils semblaient bien trop occupés à profiter de leur ragoût du soir pour se soucier d'une nouvelle dispute.

— Vous n'êtes pas comme d'habitude, insista Erich. Que vous est-il arrivé au château de Domenic ?

— Vous n'en avez pas la moindre idée ? siffla la demoiselle dans un regard assassin.

Personnellement, j'en avais une, mais je n'osai intervenir. Entendre un valet retenir bien mieux que son frère ses dires des jours passés serait certainement vexant.

— Votre promesse de mariage a peut-être été abrogée, mais pas la mienne ! grogna-t-elle finalement en fendant l'air d'un bras.

— C'est malheureusement le lot de tout enfant noble.

Erich avait certes raison, mais ce n'était ni le moment de le rappeler à sa sœur ni les bons mots pour calmer ses nerfs à vifs.

Quel âne celui-là...

— À l'exception que vous n'avez été amené devant votre femme attitrée qu'à quinze ans et qu'elle n'habitait pas sur le continent ennemi ! gronda Nessa. Et vous aviez presque le même âge. Moi, on me jette en pâture à un homme polygame qui pourrait être mon père et qui guerroie en Askaz ! Il paraîtrait même que deux de ses maîtresses seraient mortes de par ses mauvais traitements !

Ses derniers mots se perdirent derrière des larmes, mêlant avec douleur tristesse et crainte. Gêné d'avoir été si rude, Erich tenta de consoler sa sœur. Il enroula doucement ses bras autour de ses frêles épaules et l'attira contre lui. Elle ne résista pas. Son visage enfoui contre le torse protecteur de son aîné, elle pleura sans honte.

— Je ne vous abandonnerai pas, lui assura-t-il. Mes chevaliers et moi-même vous escorterons jusqu'à Askaz. Et je veillerai personnellement que votre époux pourvoie à votre bien être avant de repartir.

— Pourquoi tant de gentillesse ? pleurnicha la demoiselle. Je vous ai toujours crié dessus, à vous comme à votre valet.

— Mais vous avez aussi été là quand père m'a enfermé dans le château de Domenic. Vous avez essayé de me soutenir, à votre façon. Et vous savez que le frère et chevalier que je suis ne peut vous laisser dans une telle détresse.

Nessa lui offrit un maigre sourire.

— Vous êtes décidément un grand guerrier, mais un piètre politicien. Vous me rappelez notre oncle.

— Vous êtes la deuxième personne à me le dire, soupira Erich qui me coula un regard en biais.

Je me passai de le rectifier en lui rappelant que je lui conseillai de suivre le même chemin qu'Alan, et non que je le voyais en lui. Son oncle me paraissait bien moins maladroit.

Durant les jours qui suivirent, Nessa et Erich nouèrent une amitié plutôt étrange à mes yeux. Leur relation restait toujours houleuse au fil de désaccords quotidiens, mais ils se soldaient souvent de sourires amusés par la situation. Leurs disputes devenaient peu à peu des taquineries visant à tester l'autre. Erich était si occupé à veiller sa sœur, tout en se jouant de ses nerfs, qu'il en oubliait presque son précieux œuf de griffon. Heureusement que j'étais là pour le préserver...