Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Complot - partie 3 (VERSION 2)

— Tu en as mis du temps, soupira le prince d'un regard éteint alors que je me ruais dans la pièce.

Le dédale des couloirs était tel qu'il m'avait fallu une bonne heure avant de retrouver la chambre d'hôte d'Erich.

— C'est moi ou tu as les mains vides ? s'enquit-il.

— Je n'ai point trouvé les cuisines, avouai-je en m'avançant. Et il est stupide pour un magicien de chercher quand il peut tout faire apparaître.

Pour une fois, j'aurais volontiers offert au prince une bouteille préparée par les siens, mais les derniers évènements ne me permettaient plus de le quitter.

Comment Valéria prévoyait-elle de tuer Erich ?

Il restait fort délicat de retrouver le cadavre du prince héritier d'un royaume allié dans le château de sa famille. Rian n'était pas sentimental, mais il n'apprécierait guère cet affront. Et bien que d'après ses dires, elle tenait Laurn telle une marionnette, il ne lui serait guère d'un grand secours pour gérer la colère de Rian.

— Tu es bien pensif, remarqua Erich.

Il m'observait d'un air perplexe. Mais il fallait avouer que je paraissais bien étrange, planté devant lui tel un épouvantail. Ma course effrénée dans les corridors avait mis ma tenue sens dessus dessous, tandis que des mèches folles hérissaient mon crâne. Je lissai mes cheveux d'une main maladroite et me rhabillai correctement de l'autre.

— Aurais-tu combattu des domestiques ? s'enquit Erich dans un maigre sourire.

— Je n'aurais pas été si long si j'en avais croisé.

— Ne me dis pas que mon si sage magicien a, pour la première fois depuis que nous nous connaissons, couru dans les couloirs tel un aveugle dans la forêt ?

— Ne vous moquez pas de moi, grommelai-je.

Je l'avais plutôt mauvaise de l'entendre se payer ma tête alors que je me retrouvai dans cet état par égard pour sa vie. Alors que si je me souciais simplement de mon âme, je l'aurais laisser tomber.

Pourquoi donc m'étais-je attaché à lui ? Ce n'était que des soucis supplémentaires...

— Pourquoi cet air sombre ? grogna-t-il en fronçant les sourcils. Toi aussi tu m'en veux maintenant ? Tu ne penses pas que mon père en a assez fait ?

— Ne reportez pas votre frustration sur moi.

— Donne-moi de quoi me calmer les nerfs alors !

J'avais oublié de matérialiser la bouteille ! Ni une ni deux, je lui en offris une remplie d'un alcool fort, ainsi qu'un large verre sur pied en fer. Je le servis et il le vida d'un seul lever de coude... avant de tousser bruyamment.

— Qu'y a-t-il là-dedans ? souffla-t-il entre deux toux.

— Un alcool que les peuples d'Askaz appellent dracignis. En d'autres termes : feu de dragon

Erich se racla la gorge dans un râle profond.

— Ça brûle tellement que j'ai en effet l'impression d'avoir craché du feu !

Peut-être avais-je un tantinet exagéré en présentant du dracignis à un jeune homme de quinze étés... si son œsophage résistait, je craignais que sa tête ne perde rapidement pied au fil des verres.

Ce qui arriva malheureusement un peu avant les coups de midi. Nous ne pouvions rejoindre les nobles au buffet alors que le prince ne marchait pas droit, tel un boit-sans-soif ! Une pareille image serait un affront... que Rian nous ferait amèrement regretter.