Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Ombres féroces - partie 4 (VERSION 2)

Le soleil se couchait doucement derrière les pics montagneux quand nous décidâmes de rentrer au Darakan. Dan et ses guerriers nous accompagnèrent, bien que notre compagnie leur fût encore difficile.

— Tu n'es pas un mauvais type, mais je ne peux pas te faire confiance, souffla-t-il avant de nous abandonner sur le pont supérieur de l'aéronef.

Dans un soupir las, Erich haussa les épaules. Je le scrutais sans dire mot alors qu'il observait le dos du guerrier qui s'éloignait.

— Je m'attendais à plus d'animosité quand j'ai accepté de servir Ahédan, m'avoua-t-il alors que je le fixais toujours avec incertitude.

— Alors pourquoi lui être devenu si soudainement loyal ? Je sais que j'ai insisté en ce sens, mais je ne m'attendais pas à te voir changer de main si radicalement.

Le regard sombre, Erich observa la ville en contrebas.

— Entre le dégoût de ma famille à mon égard depuis mon enfance, et la trahison d'Aimeric dans le seul but de récupérer ma sœur, j'ai perdu la force de les servir. Je préfère changer de seigneur et maître avant de perdre la tête. Au moins ici, le mépris de certains m'est compréhensible.

Erich paraissait toujours joyeux et avenant, mais je ne devais pas oublier que Rian avait durement rongé son âme.

Usé et l'estomac encore bien assez rempli du copieux déjeuner offert par Gluiz, Erich décida de sauter le dîner et de rejoindre sa sœur.

Une jeune femme, mandatée par Ahédan, vint nous y retrouver pour nous guider vers une toute nouvelle chambre. En tant qu'invités, nous avions droit à notre propre espace. Il essayait surtout de me brosser dans le sens des écailles...

La pièce était fort similaire à la chambre du maître des lieux. Je posai les yeux sur un espace vaste, qu'une ligne de fenêtres, le long du mur en face de l'entrée, comblait sur une maigre hauteur. À notre droite, je comptai deux lits simples. Éreinté, Erich se laissa choir sur le premier. Je suivis le pas, tout aussi fatigué, et soufflai les bougies de nos deux chevets. La lueur des premiers rayons de lune baignait la pièce sous un voile bleuté enchanteur. Je l'aurais admiré volontiers, si le calme qui nous entourait ne me semblait pas glacial...

— J'ai d'étranges frissons, m'avoua Erich qui me faisait dos.

Allongé sur sa couche, je le pensais endormi depuis quelques minutes.

— Pourtant je n'ai pas froid, ajouta-t-il. Et quelle est cette... luminosité ?

— Je trouve aussi cette nuit étrange.

Un aveu à la fois sincère et mensonger. Je sentais très clairement qu'Erich frissonnait, mais cela n'était pas dû au froid. Un lourd amas de magie se condensait autour de nous et perturbait nos essences. Ce phénomène ne m'était pas inconnu. Il se matérialisait quand le potentiel magique des environs atteignait des sommets extrêmes. À moi seul, sous mes traits humanoïdes, je ne pouvais produire un tel effet.

— Il est difficile de vous rejoindre sans perturber l'environnement.

Malgré ma certitude que le jeune homme et moi n'étions plus seuls, je sursautai à l'entente de cette voix lugubre qui sillonnait mon esprit. Cette nuit bleutée la rendait d'autant plus glaciale.

— Nous avons de la visite, Erich, soufflai-je, le regard rivé sur le barghest qui se matérialisait au pied des fenêtres.

Perplexe, Erich bascula doucement sur le dos... et sauta sur ses pieds en découvrant ce que je scrutais. Une masse ténébreuse dansait doucement au rythme d'une brise imaginaire, à deux mètres de nos lits. Elle forma peu à peu le corps vaporeux d'un loup, assis paisiblement sous les rayons de l'astre nocturne. Sa taille était colossale. Plus encore que les barghests du plateau des vouivres. Une crinière voletait autour de son cou, rendant ses traits brumeux d'autant plus indéchiffrables. Seules ses pattes griffues et ses canines au blanc intimidant donnaient une impression de solidité. Le reste n'était qu'une brume sombre aussi insaisissable qu'effrayante.