Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Compagnons d'ombre et de lumière - partie 2 (VERSION 2)

— Passez votre chemin ! nous intima l'un des guerriers qui veillaient les travailleurs alors que nous arrivâmes. Les lieux ne sont pas sûrs.

— Je suis magicien, déclarai-je. Et mon ami bon bretteur. Nous venons vous donner un coup de main.

— Un magicien ? répéta l'Askazien en coulant un regard à ses compagnons d'armes. Tu pourrais dégager le chemin des rocs trop lourds pour les hommes ?

Plutôt que des mots, je lui prouvai par les actes que ma maîtrise de l'ancien langage était bien assez suffisante pour soulever chaque pierre et chaque rocher qui bouchaient la route. Une grimace déforma mes traits alors que quatre corps apparurent sous les gravats. Le poids de la roche les avait tant mutilés qu'il semblait difficile de les identifier. Je préférai laisser les Askaziens s'en occuper et fit dos à la scène. D'un simple mot, je transformai les gravats en un tas de poussière que je déposais contre la falaise.

— Tu nous as fait gagner un temps précieux, me remercia un guerrier. Les familles pourront brûler leurs morts sans attendre.

— J'espère que mon acte leur apportera la paix, déclarai-je.

Je lui offris une révérence askazienne, poing sur le cœur, quand un puissant rugissement brisa le silence morbide qui nous enveloppait. Erich sautait à mes côtés, tandis que je n'eus le temps de lever les yeux vers le ciel.

— Un accipitrae ! grogna le guerrier non loin. L'odeur de la mort l'a finalement attiré.

Lance en main, ses appuis consolidés, il était prêt à faire face à ce gigantesque rapace qui tournoyait au-dessus de nous. À vue de nez malgré le soleil qui nous aveuglait, ce spécimen devait bien faire huit mètres d'envergure. Autant j'admirais les oiseaux-tonnerres malgré leur dangerosité, autant les accipitraes me laissaient en horreur. Leur plumage court de noir et de bordeaux rappelait la mort, sans parler de leur goût pour les cadavres frais. Et leur long bec, à l'avant de leur tête dépourvue de plumage, luisait d'un vert pomme dérangeant, comme recouvert d'un poison corrosif.

— C'est ça ton corbeau ? souffla Erich, les yeux ronds.

J'invoquai la hache du jeune homme quand l'accipitrae fondit sur nous.

— Maître ! souffla le barghest caché dans l'ombre d'Erich. Laissez-moi dévorer ce gibier de qualité.

Mais le rapace nous menaça de ses serres avant que le jeune homme n'ait le temps de répondre. Je maudis sa rapidité, incapable d'ériger un bouclier à temps pour protéger le groupe. Le guerrier en première ligne allait recevoir un terrible coup de serres... quand une masse obscure se jeta entre les têtes du groupe.

Je sursautai, tout comme les Askaziens qui tressaillirent alors que la mâchoire du barghest se refermait brutalement sur l'accipitrae. Son sang nous gicla au visage dans un rugissement d'agonie.

Il était mort... en un coup de crocs.

La scène me révulsa. Coincés sous les ailes ballantes du rapace, nos regards ne pouvaient fuir la vue de cette imposante tête de loup brumeux qui se dressait d'entre nos ombres. Des filets de sang nauséabonds dégoulinaient le long de ses babines et ruisselaient sur le sol en de repoussantes flaques rougeâtres.

J'ignorais que les barghests pouvaient matérialiser une partie spécifique de leur corps... la puissance du nouveau compagnon d'Erich était plus grande et sournoise que je le présumais. Et pour couronner le tout, ce chef barghest semblait aussi de nature très sauvage, car bien que son adversaire déjà mort, il claqua subitement sa mâchoire, broyant le torse du rapace telle une simple cuisse de lapin. Les os de l'accipitrae craquèrent dans d'horribles sonorités, tandis que son sang coula à flots. Les Askaziens reculèrent précipitamment, autant par dégoût que par crainte de rouiller les quelques pièces métalliques de leurs armures sous cette cascade sanguinolente. Je les imitai, contrairement à Erich qui fixait son barghest d'un air sombre. Couvert de sang, il était aussi terrifiant que sa bête.