Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [TERMINE]

Traitre - partie 3 (VERSION 2)

ERICH

Voilà deux semaines qu'Erich n'avait pas vu Ixen. Il se sentait apaisé, loin de toutes ces cachotteries incessantes qui entouraient un peu plus son compagnon au fil des jours. Il aurait pu insister, le questionner, mais il n'osait pas. Ixen était la seule raison qui poussait les Askaziens à le laisser libre de mouvement, de participer à cette expédition tel un combattant. Il le savait pertinemment. La curiosité était un vilain défaut, comme le prétendait l'adage, et le jeune homme préférait se voiler la face plutôt que de rentrer dans le lard du magicien.

De se risquer à le vexer.

De perdre le seul ami et repère qu'il comptait.

Ses secrets ne lui avaient jamais nui, au contraire, il lui permettait de refaire sa vie dans une patrie ennemie à la sienne. Les seuls mots d'Ixen, ou peut-être sa présence, il ne savait exactement, suffisaient à convaincre le seigneur des Cieux de lui faire confiance. Il gardait sa sœur encore sous clef, mais la laisser elle aussi arpenter les rues comme si de rien n'était serait bien trop demandé.

Les secrets d'Ixen ne cessaient de lui retourner la cervelle, mais il pensait qu'il valait mieux les ignorer. Cette situation restait confortable... il devait en rester ainsi.

Mais malgré toutes ces questions qu'il tentait en vain de chasser de son esprit, une pointe de solitude lui piquait le cœur sans la présence du magicien. Pourtant, le jeune homme était loin d'être seul. Plus de vingt guerriers escortaient Ahédan jusqu'aux ruines d'un ancien palais qu'ils lui avaient décrit comme un lieu sacré.

Il voyait ce matin-là les pointes blanches de ses nombreuses tours encore debout qui s'élevaient au-dessus des plaines. Des étendues verdoyantes qui n'étaient pas sans lui rappeler son voyage vers Rodürz. Il lui semblait que son départ d'Amira datait, mais seuls quelques mois s'étaient réellement écoulés. En revanche, il allait bientôt fêter sa première année loin de Dorsük... et de son père. Il lui semblait pourtant que ce sale renard le menaçait toujours de son regard haineux.

— Tu es bien pensif, Erich, nota Ahédan.

Encadré de Markhar et de son second lieutenant, il chevauchait une vouivre en tête du groupe. Les guerriers observèrent le jeune homme avec curiosité, comme si son armure d'écailles, en tous points identiques à celle de leur maître, n'avait pas suffi à attirer l'attention. Il bouillait qu'Ixen n'ait point jugé utile de le prévenir qu'il avait créé ses protections à l'image de celle du seigneur d'Askaz.

Encore un secret qu'il avait probablement ajouté à la pile...

— Je suis désolé que mon magicien ait copié votre armure, lâcha-t-il, préférant avouer cette gêne plutôt que le fond de ses pensées s'évadant tantôt sur Ixen, tantôt sur sa patrie.

— Je te l'ai dit, soupira Ahédan. Il n'y a aucun mal. Je n'aurais pas dû être surpris qu'il t'en ait offert une.

— Pourquoi donc ? Vous tenez les écailles de la vôtre d'un dragon, pas d'un magicien.

Mais Ahédan ne lui répondit pas. Il ne le pouvait sans briser sa promesse envers Ixen, le dragon rouge qui l'avait sauvé, lui et les siens, lors de leurs fuites de Dorsük... et qui lui avait aussi fait don de quelques écailles avant de disparaître.

— Nous sommes arrivés, trancha-t-il en reportant son regard vers l'avant. Posons-nous au sud du palais.

Bien que dorénavant habitué au vol en vouivre, Erich regrettait qu'Ahédan et Ixen aient refusé que Syla les accompagne. Mais même le maître d'Askaz avait opté pour une puissante vouivre cracheuse de feu plutôt que son fidèle griffon. Erich ne comprenait pas en quoi il préférait la compagnie de ces reptiles lâches plus que de leurs loyaux compagnons à plumes... Mais il n'était plus l'heure d'y réfléchir.