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J'ai tout juste le temps de hurler un sort de protection pour ne pas me faire trancher la jambe. Le sort dévie et atteint cependant mon tibia, entaillé profondément. Je tombe au sol immédiatement dans une grimace de douleur. Je voudrais hurler à quel point j'ai mal, mais je refuse de faire une chose pareille devant cet homme répugnant. Je me tiens la jambe comme une naufragée tiendrait du bois flottant et je retiens des larmes brûlantes de justesse. Me protéger hein ...? C'est vrai que morte, je risque pas grand chose.

Jim est parti pendant que j'agonisais. Le jour est bien avancé maintenant, mais je ne sais pas comment rentrer. Et mon bracelet que j'ai laissé tomber ... comment je pourrais prévenir Draco sans éveiller les soupçons ? Si les Malfoys découvrent qu'un taré me cherche, ils me jetteront comme une malpropre. Ce serait trop de leur faire ce plaisir ...

Moi qui voulait humilier Jane, je crois que c'est moi qui vais me faire ridiculiser. Si je montre bien ma blessure, si je chougne bien, peut-être que j'aurais des soins, comme lot de consolation ...

Un ricanement sinistre m'échappe, tandis que je me lève en grimaçant. Le périple sera long ... ça m'apprendra à aller dans la forêt, on m'avait pourtant prévenu du grand méchant loup !

Je n'en finis plus de marmonner, de grogner, de boiter et de réfléchir pour retrouver mon chemin. J'essaie de me rappeler, encore et encore, en vain. Quitte à me taillader la jambe, il aurait pu m'envoyer une carte du domaine l'autre taré ...

Les heures défilent et pas la moindre brique à l'horizon, à croire que ces arbres se moquent de moi. Je suis épuisée, pas lavée, pas nourrie, ensanglantée et je suis tombée à cause de ce tibias de merde, m'écorchant le genoux et les mains au passage. Cette journée est vraiment merdique. Je n'en peux plus de marcher, tout se ressemble,  j'ai l'impression de faire du surplace. Ma baguette reste complètement muette à mes plaintes, on dirait qu'elle ne marche plus et c'est bien ça qui m'inquiète le plus.

Je marche, je marche, encore et encore, sans que rien ne change. Je suis face à une infinité d'arbres et ma tête tourne tandis que le soleil a bien entamé sa redescente. Pour rester dans le domaine du glam je suis complètement trempée de sueur et cette pute de jambe est définitivement en grève pour le reste de la journée.

Survivre qu'ils disaient ...

Plus tard, alors que le crépuscule s'installe, je tombe pour de bon au sol, à bout de force. Que cette forêt me prenne, j'en ai plus rien à foutre. Je m'allonge sur la mousse volontier et accepte même de fermer les yeux un instant. Juste une seconde ... juste un battement de cil ... et le vide.

"Alors, réveillée ?"

Cette phrase achève de me faire ouvrir les yeux et de faire fonctionner mon cerveau. Je passe lentement une main sur mon visage en soufflant longuement puis regarde autour de moi. Ma chambre au manoir, évidemment. Étrangement, ma première émotion n'est pas la peur, l'angoisse, la tristesse ou la colère. C'est la surprise. Je suis vraiment surprise, en effet, de ne pas trouver comme je le pensais un blondinet inquiet, mais bien une dame aux cheveux parfaitement coiffé, à l'allure absolument irréprochable. Et je crois que ce qui me surprend le plus, c'est de ne pas trouver dans ses yeux du mépris.

"Qu'est-ce que ...?"

Je tente de me lever mais je n'y parviens pas, mes jambes sont complètement paralysée, et pour cause : c'est seulement maintenant que je remarque que Draco s'est endormi sur l'une et l'autre est maintenue fermement en place. Je cligne des yeux plusieurs fois, par pour m'habituer à la lumière (le manoir a repris ses teintes lugubres) mais pour éviter de sourire comme une idiote devant belle maman.

"Vous êtes ensemble, n'est-ce pas ?"

Je réprime un sursaut et me tourne vivement vers Narcissa. Je me doutais bien qu'elle allait le savoir, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle me le dise aussi directement.

"Je ...

- N'essayez pas de mentir, j'essaie tant bien que mal de vous supporter."

Yes.

"Comment ...?

- C'est bien la première fois que Draco s'endort avec quelqu'un."

Elle ignore complètement ce que je pourrais lui dire et garde les yeux rivés vers son fils, toujours assoupi.

"Je savais dès le début. C'était plutôt évident d'ailleurs. Mais je ne pouvais décemment pas l'accepter. Après tout, vous ne constituez aucun avantage pour mon fils, Astoria."

J'oublie toujours que ce prénom m'appartient, dorénavant.

"Je vous ai toléré seulement parce que je voulais que Draco choisisse au moins une fois avec qui il allait sortir. Il n'aurait pas choisi de lui-même Jane, c'est certain, mais je me disais qu'après lui laisser savourer sa petite amourette de jeunesse, il aurait le reste de sa vie pour tomber amoureux d'elle ou au moins l'apprécier."

Est-ce qu'elle compte me regarder un jour ?

"Je dois admettre, et croyez moi ça me coûte, que j'avais tort."

J'essaie de ne pas jubiler publiquement. Pincez moi je rêve...

"Au fil du temps j'ai remarqué. Que Draco souriait un peu plus, était plus ouvert, plus ..."

Elle marque un long silence pendant lequel elle dégage une mèche du front de Draco. Celui ci grogne et s'accroche un peu plus à ma jambe qui, je crois bien, n'a plus une goutte de sang.

"... plus heureux."

Elle retire sa main et la pause sur son genou, calmement. Je suis de plus en plus atérée par ce que j'entends. Cette femme m'a toujours méprisé, et voilà qu'elle me trouve des qualités d'un coup d'un seul.

"J'ai raté mon rôle de mère, bien plus de fois qu'on ne le pense. Je me demande même si j'ai déjà été une bonne mère un jour. J'ai infligé une souffrance telle à mon garçon, que je ne peux même plus prétendre le rendre heureux un jour. Et maintenant il est amoureux. Mon fils tombe amoureux. Je ne raterais pas encore une fois. Je ne peux pas supporter de le voir comme l'année dernière. Je ne pourrais plus jamais. Alors ..."

Putain de merde Narcissa arrête avec tes pauses pour le suspense, je retiens mon souffle depuis 5 minutes.

"... je vous laisse avec lui. C'est une décision difficile à prendre, qui ne sera jamais gravée dans le marbre. A la moindre erreur, à la moindre larme que Draco aura a essuyer, je vous coupe en rondelles et vous donne à manger aux chiens. Mais tant que vous le rendez heureux, je ne m'opposerais plus à vous. Lucius est une autre affaire, en revanche. Je dois y aller, vous empestez les médicaments, vous avez une mine tout à fait minable et j'ai d'autres choses à faire."

Et elle me plante là.
Charmante belle maman, n'est-ce pas ?

𝒜ℯ𝒾𝓅𝒶𝓉𝒽𝓎  (Draco x Oc)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant