Le soleil mêlé au froid, la brise qui annonçait l'hiver fouettait les pages de mon livre précieusement encadrées entre mes doigts. Je me délecte de la stylistique juteuse de Herman Melville, absorbée par un génie inimitable, une œuvre d'art coincée dans des lignes verticales, un paradis de mots dont je convoite l'accès.« Je t'ai sous-estimé freshman, tu attaques avec Moby Dick. Les néophytes diront que c'est un classique qui n'a plus rien à offrir et pourtant. »
Je n'ai plus besoin de présenter qui vient de m'adresser la parole. Elle s'assied près de moi, plie ses pieds tel un moine avant de sortir à son tour un bouquin de son sac à dos. En un coup d'œil rapide, je reconnais l'ouvrage.
« Hum... Ben-Hur de Lew Wallace, toi même t'es pas simple, je t'ai sous-estimé. » Ma remarque la fit sourire.
Ce furent les derniers mots qui sortirent de ma bouche avant qu'on ne s'engage dans une lecture silencieuse de près de trente minutes.
Assises l'une proche de l'autre, à même le gazon de la cour, on partageait un moment silencieusement agréable, noyée dans nos imaginaires, en totale symbiose. J'aimais ce moment, bizarrement je le trouvais intime, j'avais l'impression qu'on partageait quelque chose.
« — Je sais pas toi mais moi, le soleil ne me va pas au teint et j'en ai marre d'être dans cette position !
— J'te rappelle que c'est toi qui est venu me trouver, tu peux repartir comme t'es venue. Prononçais-je en me replongeant dans ma lecture.
— T'es vraiment pas croyable comme meuf toi, allez viens je connais un endroit tranquille.
— Mais n- »
Je me retrouvais déjà trimballée dans la cour, mon livre sous les aisselles et mon sac lamentablement accroché à mon épaule gauche. J'avais beau crier, tirer le pas mais rien. Et puis c'est quoi cette force surhumaine, me débattre me prenait de l'énergie plus qu'autre chose.
« Là c'est mieux non ? »
Elle m'a traîné jusqu'à un abri près de la fontaine de l'école, c'était l'endroit parfait pour se réfugier dans les livres, tellement reposant. Elle s'assied sur un banc en m'offrant un tendre sourire qui réussit à voler le mien, je la rejoins mais décide d'arrêter de lire pour aujourd'hui. Je ferme mon livre et elle comprend que je veux lui parler de quelque chose, puisque le sien se retrouvera lui aussi au fond de son sac.
« — Je vais y aller direct, t'es en couple avec Mia ?
— En couple ? Couple ? Tu veux dire être en couple genre on sort ensemble et tout ?
Elle se marre mais mon expression ne vacille pas, j'ai besoin d'une réponse.
— T'es dingue toi, reprends Alaïs. Je ne suis ni en couple avec Mia, ni en couple avec x ou y et je ne le serais plus jamais, plus jamais. »
Son sourire se transforme en sourcils froncés et la je sens qu'il y'a un background énorme derrière sa déclaration. Je n'insiste pas mais poursuis :
« — Alors pourquoi vous-
— Bon pour que tu comprennes bien, Mia et moi c'est que du sexe okay ? C'est mon plan cul régulier et ça depuis un bon moment. On avait arrêté parce que justement elle s'attachait et je ne voulais pas qu'il y ait des sentiments dans notre "truc". Quelques mois plus tard elle est revenu gratter à ma porte, me jurant qu'elle n'évoquerait plus quoique ce soit concernant un quelconque amour, j'y croyais pas vraiment mais elle a beaucoup insisté et puis... Tu sais, qui suis-je pour ignorer une demoiselle en détresse ? »
Elle arbore un grand sourire malicieux mais moi je ne partage pas sa joie. C'est évident que Mia fait semblant, mais ça lui importe peu, tant qu'elle a ce qu'elle veut. J'ai un pincement dans le cœur de réaliser qu'elle est totalement tout ce que les couloirs disent d'elle, une playgirl sans remords. Et moi qui croyait que... Et puis bref ce n'est pas mon problème, elle fait ce qu'elle veut de sa vie.
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Dernier Souffle
RomanceIssue d'une famille de la classe populaire vivant dans les cités noires de New York, j'ai eu la chance d'obtenir une bourse d'étude dans l'université de mes rêves. J'ai travaillé durement pour avoir ma place à Columbia University, l'université la pl...