« Tu peux venir me chercher ?— Bien sûr j'arrive tout de suite. »
Sur le chemin retour, elle a essayé de me parler, me poser des questions, mais s'est vite rendue compte qu'elle s'adressait à un mur. Je n'avais nulle envie d'en parler, et encore moins lui parler à elle. D'une certaine manière, je lui en voulais ; c'était à cause d'elle que je me retrouvais aujourd'hui dans cette situation. Oui, je sais, c'est injuste parce qu'elle n'a rien demandé, elle ne m'a pas forcé au contraire. Mais c'est un sentiment que je ne maîtrise pas, je ne réussis pas à ne pas lui en vouloir. Quand je regarde ses yeux d'amandes, je vois les yeux de ma mère qui ne vacillaient pas, qui me communiquaient tout le rejet qu'elle voulait me faire sentir. Alors non, je n'étais pas d'humeur à lui raconter ma soirée.
Malgré ma distance, elle ne manqua pas d'attention à mon égard. Elle ne disait plus mot mais son langage corporel me montrait qu'elle était là malgré tout, et qu'elle comprenait que ça s'était passé exactement comme je redoutais. Il était déjà dix heures du soir, je n'avais pas spécialement sommeil mais j'étais exténuée émotionnellement, j'avais besoin de me coucher.
« Tu veux que je te laisse dormir dans la chambre ? Elle me demande d'une petite voix.
— Non... Ne t'en fais pas, j'irais dormir en bas dans la chambre d'amis.
— Dans ce cas c'est moi qui ira dormir dans la chambre d'amis, toi tu restes là. »
Elle l'avait dit suffisamment fermement pour que je m'exécute mais néanmoins avec beaucoup de bienveillance, des fois je me demande si elle est vraiment réelle cette fille. Je sens qu'elle hésite à se rapprocher de moi, probablement pour me faire un câlin mais je ne la laisse pas se torturer l'esprit trop longtemps et me dirige vers le lit où je me couvre de la tête aux pieds.
« Bonne nuit Nalini. » Je l'entends soupirer avant d'éteindre la lumière et refermer la porte derrière elle.
Maintenant, je me retrouve seule, avec mes pensées, mes doutes, ma réalité. Les yeux fixés au plafond je reproduis la scène d'aujourd'hui, dans le marbre plat et soyeux je revois les expressions de ma mère, son regard et ses mots. Je revois aussi Nalini d'il y'a quelques heures, plantée là, devant la maison de son enfance à encaisser l'un des coups les plus durs de sa vie. Devant cette porte où elle avait l'habitude d'entrer et venir, de rigoler, de pleurer, d'élaborer des stratagèmes à la James Bond pour sortir la nuit. C'est devant cette même porte qu'on lui disait frontalement qu'elle n'avait plus le droit de la franchir.
Ça fait mal, vraiment mal. Décevoir ses parents est l'une des choses les plus difficiles à vivre dans la vie d'un enfant proche élevé avec le sens de la famille. Et même si, pour rien au monde je ne les donnerais raison, je mentirais si je disais ne pas avoir pensé pendant une fraction de seconde à tout laisser pour qu'ils m'acceptent à nouveau.
Dans un élan de désespoir, je tente une action désespérée. La sonnerie tombe dans le vide et son répondeur s'en suit. Je réessaie une deuxième fois sans conviction, et là il décroche :
« Bro why are you calling me this late ? You better be dying right now !
— J'aurais préféré mourir, ça aurait été moins douloureux...
— Qu'est-ce qu'il y'a ? Tu m'inquiètes la, je suis sensé te hurler dessus pour m'avoir réveillé si tard.
— Je suis passé à la maison aujourd'hui, pour les voir...
— Ow. Ça s'est mal passé c'est ça ?
— Pire. Dis-je en sentant mes larmes remonter. Elle ne m'a même pas laissé entrer tu te rends comptes ? Et son regard... Je ne l'oublierais jamais Nolan.
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Dernier Souffle
RomanceIssue d'une famille de la classe populaire vivant dans les cités noires de New York, j'ai eu la chance d'obtenir une bourse d'étude dans l'université de mes rêves. J'ai travaillé durement pour avoir ma place à Columbia University, l'université la pl...