Chapitre 1 (Louise) - Nouveau Départ

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Je réajuste le col de mon manteau lorsque soudain, une bourrasque de vent glacial fait voltiger mes cheveux châtains. 

Je n'avais pas anticipé cette vague de froid. Un vrai temps de rentrée, me dis-je. Mes talons résonnent sur l'asphalte. J'ai stationné ma voiture sur le parking visiteur, et je dois, de ce fait, marcher plusieurs centaines de mètres pour atteindre l'entrée du centre pénitentiaire de Châteaudun. Je note mentalement de venir en baskets la prochaine fois.

J'appuie avec force sur la sonnette. Le boîtier grésille, et une voix répond :

— Oui ?

— Oui, bonjour. Je suis Louise Bartolli, le nouveau médecin. J'ai rendez-vous avec monsieur Marceau, le Directeur.

Enfin, la lourde porte en ferraille s'ouvre sur un couloir étroit menant à un autre tourniquet en fer. À ma droite, je croise un gardien qui me salue de la tête. Plus loin, à gauche, une pancarte indique le bureau d'accueil. Une dame d'une cinquantaine d'années, lunettes perchées sur le bout de son nez, ne prend même pas la peine de me regarder lorsqu'elle me tend un formulaire.

— Bonjour, remplissez ce questionnaire, déposez votre sac dans ce bac et sortez votre carte d'identité, s'il vous plaît.

Je m'exécute comme si j'étais coupable de quelque chose. Cette pensée me fait sourire, étant donné le lieu dans lequel je me trouve.

Une fois les formalités exécutées, la dame me donne un badge et m'indique une autre porte sans plus d'explication. J'obtempère et me retrouve de nouveau dans un couloir mal éclairé et sans fenêtre. Pas de doute, nous sommes bien dans une prison. Un autre portail me barre le chemin, je sonne à nouveau ; un gardien très grand et svelte déverrouille la porte de trois coups de clé et m'invite à le suivre. Enfin, nous arrivons devant le bureau du directeur. Un petit monsieur bedonnant m'accueille avec entrain.

— Madame Bartolli, vous voilà enfin ! s'écrie-t-il en se levant promptement de son fauteuil.

Enfin un sourire ! Depuis mon arrivée, je n'ai croisé que des gens froids et distants, pas impolis, mais franchement pas accueillants. Évidemment, Louise ! Nous sommes dans une prison ! Pas vraiment un lieu de joie et d'allégresse !

— Monsieur Marceau, je suis ravie de vous rencontrer, lui réponds-je en lui serrant la main. Il m'invite à m'asseoir et me demande si mon voyage s'est bien passé.

J'étais arrivée dans la région le week-end précédent et avais emménagé en colocation avec mon amie de toujours, Jessica. Journaliste, webmaster, infographiste, elle avait plus d'une corde à son arc. 

Nous nous étions rencontrées cinq ans plus tôt lors de notre mission humanitaire au Cambodge. J'étais fraîchement diplômée en médecine et avais besoin de changer d'air avant de me lancer dans la vie active. Partie là-bas pour soigner les populations pauvres, j'avais fait la connaissance de Jessica, chargée de la communication de l'association. Son travail était aussi crucial que le mien, car sans couverture médiatique, l'association aurait du mal à survivre. 

Nous nous étions rapprochées dès notre arrivée à l'aéroport. Jessica, malgré ses multiples talents, était une véritable tête en l'air. Au moment de faire notre enregistrement, impossible de retrouver son passeport ! Nous avions alors étalé tous ses bagages devant le comptoir n°6 à la recherche du précieux document. J'avais ainsi découvert sa passion morbide pour les serial killers, cinq livres prenant la moitié de sa valise. Je lui avais suggéré d'investir dans une liseuse, mais elle préférait l'odeur du papier, ce qui était étonnant pour quelqu'un travaillant dans le numérique. Nous avions fini par embarquer après avoir retrouvé son passeport dans la poche latérale de son sac à dos. Cette situation avait marqué le début d'une amitié simple et belle. 

De retour en France trois ans plus tard, chacune avait tracé son chemin, mais nous étions restées en contact. Jessica s'était installée à Châteaudun, sa ville natale, et avait trouvé un merveilleux petit ami, Thomas, avocat pénaliste passionné par son métier. 

Lorsque le poste de médecin au centre pénitentiaire m'avait été proposé, j'y avais vu l'opportunité de retrouver mon amie tout en quittant le centre hospitalier de Limoges, où je commençais à m'encrouter. J'avais besoin de donner plus. En faisant des recherches, j'avais compris que ce poste, réputé difficile, me permettrait d'assouvir mon besoin d'assistance. Ces hommes et femmes ayant commis des délits, des plus simples aux plus criminels, avaient, j'en étais certaine, besoin d'un soutien moral, psychologique et médical.

Monsieur Marceau m'explique rapidement les conditions de travail, m'assurant qu'on en discutera plus en détail plus tard. 

Pour l'instant, il me guide vers le bureau médical, mon nouveau lieu de travail. Nous parcourons une longue coursive, cette fois-ci plus large et éclairée que les précédentes. Après m'être assurée que le directeur me fournira un plan pour éviter de me perdre, il rit et me rassure en soulignant qu'il y a des gardiens partout, et que je saurai bien demander mon chemin. Enfin, nous arrivons devant mon bureau, une pièce dénuée de chaleur, à l'image de la prison. Un désordre apparent donne l'impression que mon prédécesseur avait quitté les lieux en catastrophe. Mon interlocuteur précise que le poste de médecin n'était plus occupé depuis près d'un an, un confrère venant seulement une fois par semaine pour le suivi des traitements des détenus.

Il me tend les clés en déclarant que je trouverai vite mes marques et la porte se referme derrière lui avec un bruit criard. 

Mon Dieu ! Ce bureau ressemble à une scène de film d'horreur. Je m'efforce de penser qu'il ne s'agit que d'une première impression. Au Cambodge, j'avais vu des endroits sales et dénués d'humanité, mais les paysages et surtout la population m'avaient fait aimer ce pays. Ça ne devrait pas être si difficile ici. Je m'assois devant le bureau, observe le plafond et me répète à haute voix que je peux y arriver.

Soudain, on frappe à la porte et je me lève précipitamment. C'est Barnabé Levinski, le psychologue. Il me tend la main et se présente. Nous échangeons quelques mots, et il propose de me faire visiter les lieux. Ce que j'accepte avec plaisir.

Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant