Le doux parfum du thé du matin enveloppe mes sens pendant que je m'attèle à mettre à jour mes dossiers, confortablement installée à mon bureau. Une pause bien méritée me permet de me perdre dans les mélodies enchanteresses de Nina Simone. La récente conversation avec Jessica résonne encore en moi, et ses conseils résonnent avec justesse : je dois retrouver ma combativité et me concentrer sur ma pratique médicale, sans craintes ni doutes. Je suis une bonne médecin, capable de prendre soin de mes patients, indépendamment de leurs origines ou de leur passé.
Le caducée gravé sur mon porte-clés, offert par mon maître de thèse le jour de mon investiture, m'apporte un réconfort symbolique. Un simple objet qui renferme toute la signification de mes années d'études et de dévouement.
Soudain, des voix dans le couloir interrompent mes pensées, et un léger toc à la porte annonce la visite imminente de quelqu'un. Philippe, le surveillant, m'informe sobrement de la présence de Lucas Moreau. Mon regard croise le sien, et un signe de tête poli est échangé. Cependant, une tension étrange s'installe entre nous. Il reste debout, son silence emplissant la pièce, et son regard se pose sur mon porte-clés.
- Aviez-vous rendez-vous ? lui demandé-je, feignant de consulter mon ordinateur.
- Non
- Bien, asseyez-vous. Comment puis-je vous aider ?
Son mutisme emplit la pièce, et je m'imagine soudainement sa réponse : "Je vais vous arracher les yeux et les dévorer". Mais au lieu de ça, il me questionne sur la consultation de son dossier, et ma réponse hésitante dissimule la réalité. Son souhait de récupérer son insuline me soulage, et je reprends contenance.
Pourtant, ses insinuations sur ma négligence apparente à consulter son dossier me poussent à le défier. La situation devient étrange lorsqu'il s'installe sur la table d'auscultation et évoque la vérification de ses hématomes. Mon esprit s'embrouille, et, cherchant une réplique, je découvre qu'il s'apprête à retirer son t-shirt.
- Non ! criais-je un peu trop fort. Ça ne sera pas nécessaire, je reprends plus calmement.
- Vous ne voulez pas vérifier mes hématomes ? Ils sont sur mon torse, vous ne vous en souvenez pas ?
- Bien sûr que si je m'en souviens, mais il ne sera pas utile de vous déshabiller, je lui réponds en soulevant son t-shirt juste ce qu'il faut pour observer ses côtes.
- Vous n'êtes pas très sûre de vous, on dirait. Vous avez quel âge ?
- On ne vous a jamais dit que ce n'était pas une question à poser aux femmes !?
- Vous êtes si vieille que ça !? plaisante-t-il.
Je lui lance un regard glacial qu'il désarçonne immédiatement avec un sourire franc à tomber par terre. Merde.
La réalisation de l'effet qu'il produit me heurte. Louise, ne tombe pas dans son piège, il est ton patient, et nous sommes dans une prison.
Subitement debout, il me toise, bien plus grand, me forçant à lever la tête pour croiser son regard et à reculer jusqu'au mur. Une danse étrange commence, une confrontation physique qui m'alarme. "Qu'allez-vous faire ?", demande-t-il, alimentant une tension palpable. Les paroles s'entrechoquent, mais sa voix et son attitude me troublent.
- Ne jouez pas à ça !
- Vous n'êtes pas joueuse ?
- Nous sommes dans une prison, vous êtes détenu, vous n'avez pas le droit de faire ça.
- De faire quoi ? Empêchez-moi.
J'aimerais le repousser ou le gifler, mais il m'attire irrésistiblement.
- Pourquoi vous faites ça ?
- Je vous fais peur ?
Je reste silencieuse.
- Vous devez apprendre à ne pas vous laisser intimider. Les gars d'ici sont tous des voyous manipulateurs.
- Comme vous ? Reculez sinon j'hurle !
- Oui, comme moi. Si je suis ici, c'est que je ne suis pas un mec bien.
Sa voix s'éteint soudainement et je crois lire dans son regard de la tristesse.
- Peu importe pourquoi vous êtes là, mon boulot est de vous soigner, le reste ne m'intéresse pas.
- Et si j'étais un tueur en série ?
- Vous n'en êtes pas un ! lui répondis-je sèchement.
Il me regarde, interloqué, il sait maintenant que je lui ai menti. Une veine de son front se met à battre et sa respiration se fait plus forte.
- Donc vous savez pourquoi je suis là et qui je suis ?
- Et quelle importance ? Vous croyez que ça va changer quelque chose à la façon dont je vous traite ?
- Vous avez des principes, non ?
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir ? Vous êtes ici pour trafic d'influence, histoire de drogue de ce que j'ai compris. Vous n'avez tué personne, vous n'aviez pas fait de mal à des enfants ou à des femmes. Vous êtes juste comme beaucoup de gens : avide d'argent et de pouvoir. Vous payez pour ce que vous avez fait c'est tout. Je suis médecin, je n'ai aucun jugement à porter.
Son regard change et ses muscles s'affaissent comme s'il perdait toutes ses forces. Je pense un moment qu'il va s'écrouler, mais il cligne des yeux plusieurs fois et déglutit. Il parait perturbé, gêné, je ne comprends pas sa réaction, mais j'en profite pour le pousser et me dévier de sa trajectoire.
- Nous avons terminé. Voici vos doses d'insuline pour la semaine, nous ferons un bilan dans 15 jours pour vérifier votre taux.
Je lui tends une boite et retourne à mon bureau. Il revient à ma hauteur et se penche devant moi, les deux poings posés sur la table.
- Méfiez-vous, c'est tout ce que je dis.
- Je vous remercie pour vos conseils, mais pour votre gouverne vous ne me faites pas peur vous et vos copains. Si vous êtes assez tordu pour menacer les personnes qui prennent soin de vous alors c'est dans un hôpital psychiatrique que vous devriez être pas en prison. Maintenant, excusez-moi, mais j'ai des patients qui m'attendent.
Il tambourine fortement sur la porte vitrée et quitte l'infirmerie sans se retourner.
Son départ me laisse perplexe, oscillant entre l'irritation et une étrange fascination.
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Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]
RomanceLouise est une jeune médecin qui a foi en l'humanité. Son truc c'est d'aider les autres. Elle décide de quitter l'hôpital dans lequel elle travaille depuis son retour de mission humanitaire pour prendre un poste dans un centre pénitentiaire. Les alt...