Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]

Chapitre 12 (Louise) - Un peu de baume au cœur

— Bonjour Barbané, je peux te voir ?

Mon collègue m'invite à entrer. Son bureau semble avoir subi une tornade, il y a des dossiers et des journaux qui s'entassent un peu partout sur sa table de travail et une bibliothèque pleine à craquer de livre en tout genre semble pouvoir s'effondrer à tout moment. Je remarque aussi un vieux phonographe dans un coin, je me demande s'il fonctionne ou s'il lui sert juste de décoration.

- Une tasse de thé Louise ?

- Avec plaisir.

Les effluves de cannelle me montent aux narines et provoquent une sensation de bien-être, je savais que je frappais à la bonne porte en venant ici.

- Que puis-je pour toi ?

- Je viens te parler de Lucas Moreau. Je suppose que tu le vois en consultation. Je sais que tu ne peux rien dévoiler de vos échanges mais j'ai du mal à le cerner. Enfin, je m'inquiète. Je le trouve tellement agressif et en même temps il ne me parait pas si méchant.

- Que sais-tu sur lui ? me demande Barnabé.

- Qu'il était flic, qui a était pris pour trafic d'influence il y a 3 ans. D'un point de vue médical, il semble plutôt en forme mis à part son diabète. Il n'est pas noté qui a eu de quelconques problèmes depuis son arrivée ici sauf la dernière bagarre en date.

Barnabé se lève et branche son phonographe, une douce musique un peu Jazzy se fait entendre.

- La musique adoucit les mœurs, je l'utilise souvent avec mes patients, me précise-t-il avant de reprendre, Lucas Moreau vit un profond tournant. C'était un excellent flic qui a tout perdu pour une simple erreur. Il n'arrive plus à croire en lui. Il ne rejette pas la punition qui lui est infligée. Il n'arrive tout simplement pas à se pardonner. Son métier était toute sa vie et sans lui il n'est plus rien. C'est aussi simple que ça.

- C'est pour cela qu'il a parfois des réactions si violentes

- Il a été violent avec toi Louise ? Demande Barnabé inquiet.

- Non non pas du tout, violent dans la parole, je veux dire. Il semble constamment sur la défensive même pour se faire soigner.

- Il a perdu le contrôle de sa vie. Tout lui fait peur et l'isolement en prison n'arrange rien. Il vit entre quatre murs depuis 3 ans. Mais grâce à son comportement et à mes comptes-rendus, le directeur lui octroie depuis plusieurs mois quelques privilèges et un peu plus de liberté : apprentissage d'un métier, sport individuel, bibliothèque, parloir ouvert.

- Oh il a des visites ? C'est bien !

- Oui sa famille vient le voir toutes les semaines.

Je ressens soudain une légère honte en repensant à mes pensées obscènes alors que j'imagine sa femme venir le visiter régulièrement.

- Il faut être patient avec lui et apprendre à l'apprivoiser.

- C'est un bon conseil, je te remercie.

- Et toi, comment vas-tu Louise ?

Je ne m'attendais pas à cette question. Je prends le temps de réfléchir, je sais qui se trouve en face de moi et je ne veux pas me faire psychanalyser. Je rassure Barnabé lorsque nous sommes interrompus par un surveillant qui lui annonce une visite. 

Je m'excuse auprès de mon collègue en prenant congé et suis surprise de croiser Lucas Moreau sur le perron de la porte. Il a toujours cet air de mauvais garçon rempli de haine, il ne porte pas sa casquette, il n'est pas rasé, il ne sourit pas mais il est beau à damner. Nous échangeons un bonjour courtois et je quitte les lieux aussi vite que je le peux.

J'ai besoin d'une petite pause, aussi je m'autorise à sortir dans la cour des employés pour prendre l'air frais. Je fais les cent pas en pensant à ce que m'a raconté Barnabé. Je me doutais bien que Lucas Moreau était en souffrance, je peux évidemment soigner son corps mais est-ce que je peux l'aider à soigner son âme. J'en serai capable, j'en suis certaine et probablement qu'il le mérite. Mais si je rentre dans cette option, je vais encore me bruler les ailes.

 Je m'étais promis de m'occuper de moi et de mon avenir et d'arrêter de vouloir sauver tous les gens autour de moi et me voilà en train de réfléchir à la meilleure aide à apporter à ce détenu. 

Qui suis-je pour penser que je lui serai d'une quelconque utilité. Il est déjà entouré de sa femme et de sa famille, de son psy, des gardiens, assistant social et autres personnels du centre. Moi je suis uniquement son médecin, ce n'est pas à moi de m'occuper de ses états d'âmes et crises de colère. Et de toute façon, il semble insensible à mon aide. Barnabé me conseille de l'apprivoiser, je ne sais pas si j'en serai capable, si j'en ai envie. Peut-être me faut-il un peu plus de temps pour le cerner.

En attendant, je dois aussi m'occuper de mes amis et l'organisation de leurs fiançailles. Étant donné que je n'ai aucun rendez-vous cet après-midi, j'en profite pour envoyer le mail d'invitation à la liste de contacts que nous avons rédigée avec Jessica. J'ai également trouvé la salle, il n'y aura pas beaucoup d'installations à prévoir, l'endroit est déjà magnifiquement agencé, il ne me reste qu'à trouver le traiteur. À peine quelques minutes après l'envoi de mon message,  les réponses positives affluent, j'en suis très heureuse. Parmi elles, un mail retient mon attention.

Bonjour Louise, Ravi de faire ta connaissance. Je suis Clément, le meilleur ami et témoin de Thomas. Merci pour cette invitation et l'organisation. Je sais que l'idée vient de toi et je trouve ça super. N'hésite pas à me solliciter si tu as besoin d'aide. Voici mes coordonnées : 06.12.13.14.15. À très vite j'espère. Clément.

Je saute sur mon téléphone. Clément me répond immédiatement, les présentations se font rapidement, il est drôle et semble très sympathique. Je le remercie pour son aide que j'accepte avec plaisir et je lui confie la tâche de s'occuper des boissons, car mis à part le thé moi je n'y connais absolument rien. Nous convenons de nous rencontrer dans deux jours pour faire plus amples connaissances et lui faire découvrir le lieu des festivités. 

Ce bref échange me redonne du baume au cœur, comme quoi ce n'est pas si compliqué d'avoir une vie sociale quand on s'en donne les moyens.