Chapitre 54 (Lucas) - Beretta

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J'ai dû attendre lundi matin pour rencontrer le commandant Delattre à son nouveau QG et j'ai surtout dû la jouer fine lorsque j'ai retrouvé Louise le dimanche soir à l'appartement. Une nouvelle fois, je lui ai caché mes problèmes et je sais au fond de moi que c'est complètement nul.

Louise comprendrait sûrement la situation et serait probablement un soutien, mais je persiste à ne pas vouloir la mêler à tout ce qui touche à mon passé. Alors j'ai fait semblant que tout aller bien, je lui ai passé le bonjour de mes parents et j'ai beaucoup parlé de ma nièce.

Heureusement pour moi, Louise est rentrée fatiguée ce soir-là et elle est allée se coucher tôt sans trop poser de questions.

J'arrive enfin à l'adresse indiquée, une ruelle du centre-ville. Le commandant m'avait indiqué un parking souterrain que j'aurais eu du mal à trouver sans ses indications.

Je rejoins rapidement le petit ascenseur qui m'emmène au 5e étage et lorsque j'arrive sur le palier, une seule porte se trouve à la gauche sur laquelle une pancarte en verre indique sobrement « Agence Primus ». Je sonne et j'attends quelques minutes avant qu'une jeune femme souriante m'ouvre la porte. Je lui indique l'objet de ma venue et elle m'invite à patienter dans le salon d'accueil.

Pendant plusieurs minutes, je ne vois personne d'autre que la standardiste, aucun passage, aucune conversation de bureau, le silence pesant me met un peu mal à l'aise.

Le commandant vient enfin à la rencontre et m'accueille dans son bureau. Il est toujours aussi impressionnant du haut de ses deux mètres, le visage fermé et les traits tirés.

Je lui expose immédiatement les faits : Sofia a repris contact avec moi sur mon téléphone personnel. Je lui rappelle aussi les menaces à mon encontre faites en prison et mon souhait de rester très discret sur cette affaire, car il m'est inconcevable que ma famille et Louise, en particulier, soient prises à partie.

- Je n'ai pas besoin de te rappeler que cette Sofia t'a déjà embobiné Lucas, me prévient le commandant.

J'inspire profondément pour calmer mes nerfs qui commencent déjà à se contracter. Non, pas la peine de me rappeler mes conneries.

- On a enquêté sur elle dès ta condamnation. Et ce que l'on a trouvé n'est pas très rassurant. Elle est bien entourée, respectée et complètement tarée.

Je regarde mon ami, en espérant sentir de l'amusement dans ses propos, mais au contraire, il ne rit absolument pas.

- La femme qui t'a menacé en prison est Katia, sa cousine. Elle joue souvent le rôle de la messagère pour Sofia qu'elle protège coûte que coûte. Il y a tout un tas d'individus qui gravitent autour d'elle, du petit neveu qui passe de la drogue en prison, au tonton qui braque des banques. Bref, une vraie mafia. Tu as toutes les fiches dans ce dossier.

Il me pousse une énorme chemise en carton vert. Des flashbacks de mon ancienne vie remontent à la surface : les nuits passées à éplucher des perquisitions, témoignages et relevés téléphoniques, des dizaines de photos punaisées sur les murs du bureau, reliées entre elles par des fils rouges, des heures à préparer des plans et recouper des informations. Tout me revient soudainement en mémoire et je retrouve mes automatismes. Je feuillète quelques documents et j'essaye de comprendre.

- Mais qu'est-ce qu'elle me veut ? Merde ! Je n'ai plus rien à lui donner.

- On s'est aussi posé cette question et on est arrivé à la conclusion qu'elle était juste dingue de toi.

Je regarde le commandant d'abord surpris, puis j'explose de rire.

- Vous déconnez !? C'est complètement débile. Elle se mettrait en danger juste pour me remettre dans son lit ?

- C'est étonnant, je le concède. Pas que je remette en cause ton charme, précise-t-il avec un rictus, mais pas impossible. Elle est le genre de personne déconnectée de la réalité et quand elle veut quelque chose elle fait tout pour l'obtenir. Tu es bien placé pour savoir qu'on en a déjà vu des cas similaires dans notre carrière.

Il a raison, l'expérience nous a appris à nous méfier de tout le monde et d'imaginer le pire dans chaque individu. On ne peut pas imaginer le nombre de personnes complètement dingues dans ce monde.

Il n'y a vraiment que moi pour être tombé sur ce genre de nana. Une drôle de pensée parcoure alors mon esprit, et si Louise était, elle aussi, une psychopathe ou une tueuse en série ? Mais j'éloigne très vite cette idée complètement débile, Louise est la femme la plus douce que j'ai connue jusqu'à présent, aucune inquiétude à avoir.

- OK. C'est quoi le plan ?

Le commandant Delattre me fixe et inspire longuement.

- On attend.

- On attend quoi ?

- Qu'elle se lasse.

- Mais vous venez de dire qu'elle ferait tout pour m'avoir.

- Avec un peu de chance, elle passera à autre chose.

- Hors de question que je mise sur la chance. Je veux éliminer cette conasse une bonne fois pour toutes, je ne veux pas vivre sous la menace d'une folle furieuse et mettre en danger mon entourage.

- Elle ne s'en prendra pas à ta famille, elle te veut toi. Les autres sont inexistants pour elle.

- Donc on ne fait rien ?

Je m'affale sur le siège désemparé. Ce n'est pas dans mon caractère de rester sans rien faire. Encore moins maintenant. J'ai mis ma vie en pause pendant trois en prison, mais maintenant je suis libre et je redeviens petit à petit le Lucas ambitieux, courageux et téméraire que j'étais par le passé. Je vais me battre.

Michel se lève pour me proposer un café, que j'accepte avec plaisir.

- On va la surveiller et si elle reprend contact avec toi, tu me préviens.

Au même moment, mon téléphone se met à vibrer. Ça doit être Louise qui me prévient qu'elle quitte le centre pénitencier.

- Plus besoin de surveillance. C'est elle !

Je lui tends le téléphone pour qu'il puisse lire le message.

Salut bébé, puisque tu sembles ne plus savoir te servir d'un téléphone, je te propose un rencard demain, au café de la poste du centre-ville, à 10h. Tu te souviens ? C'est là où tu m'as embrassé la première fois.

- C'est une mauvaise idée, Lucas, me prévient-il.

- Je dois y aller. Je dois arrêter cette plaisanterie.

Ok demain 10h.

Elle me répond simplement par un smiley_clin_d_œil_bisous_cœur.

Le commandant me regarde alors avec un air extrêmement sérieux, ouvre le tiroir de son bureau et en sort un Beretta et une boite de munitions.

- Je n'ai plus le permis pour ça, je lui rappelle la tête basse.

- Tu l'as de nouveau.

Il me glisse une carte en carton sur laquelle je découvre mon visage et un nom qui n'est pas le mien.

- Je suis certain que tu sais toujours t'en servir. C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Mais ne fais pas de conneries Lucas, c'est uniquement en cas de légitime défense.

J'hésite quelques secondes, mais lorsque je prends l'arme froide dans ma main, j'ai la sensation de redevenir puissant, plus rien ne peut m'arriver. Demain soir, Sofia sera définitivement sortie de ma vie.

Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant