Chapitre 30 (Lucas) - Comprendre ses émotions

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Quand on me sort de ce trou, nous sommes vendredi. 

La lumière des couloirs m'aveugle, je suis à bout de force, on m'emmène directement à l'infirmerie. Pendant quelques secondes j'espère la voir, j'imagine que ces dernières semaines étaient un songe, que je vais la retrouver le nez dans ses dossiers et son joli sourire. Mais non c'est le même médecin que la dernière fois qui m'accueille. Il m'injecte une dose de je ne sais quelle vitamine censée me requinquer et m'explique tout un tas de choses auxquelles je ne prête aucune attention. Mes yeux sont rivés sur son bureau et je remarque le petit porte-clé qu'elle trifouille toujours quand elle réfléchit, mon cœur se sert une nouvelle fois.

- Vous allez voir le docteur Levinski maintenant, Monsieur Moreau.

Je me lève tel un zombie, marche quelques mètres et me pose sur un autre fauteuil.

Le psy consulte un dossier sans dire un mot, prends quelques notes, puis se lève, attrape une chaise et s'assoit devant moi.

- Comment allez-vous ?

Je le regarde sans aucune émotion.

- Choisissez une carte, me dit-il en déposant cinq images sur la table basse. 

Sur la première il y a un dessin d'une femme enlaçant un enfant, sur la seconde un personnage tape avec une massue sur le sol, la troisième représente un ciel pluvieux, la quatrième un pont en ruine et enfin la dernière le visage d'une femme qui sourit. Je choisis la deuxième carte.

- Vous êtes en colère. Qu'est-ce qui provoque cette colère ?

- Vous plaisantez ? lui dis-je

- Non, Lucas, je vous demande de m'expliquer ce qui provoque votre colère.

Il est forcément au courant de ce qui s'est passé et il ne peut pas y être insensible.

- L'.. L'agression du docteur Bartolli.

Il me regarde en attendant la suite de mes explications, mais je sais que si je lui dis ce que j'ai dans la tête, ils me renverront au trou.

- Pourquoi cet évènement vous met en colère, vous n'êtes pas responsable. Vous n'étiez pas présent lors de cette agression.

Comme s'il comprenait que je ne savais pas comment l'expliquer, il m'invite à choisir une autre carte.

- Parce que ça vous rend triste, traduit-il en voyant la carte avec le ciel pluvieux et que vous estimez devoir la protéger, conclut-il lorsque je pousse vers lui l'image de la femme et l'enfant.

Je me repose dans le fauteuil en soupirant.

- Elle va bien, Lucas. Elle n'a aucune blessure physique. Bien sûr elle a été choquée et a pris quelques jours de repos, mais elle a déjà annoncé son retour lundi. C'est une femme forte, vous savez.

Mon pouls s'accélère en entendant ces mots, je bascule ma tête en arrière et passe mes mains sur mon visage.

- Je pense que ce qui lui ferait beaucoup de bien serait de savoir qu'elle peut reprendre le travail en toute sérénité puisque sa personne et son travail sont respectés ici. Elle a beaucoup d'estime pour vous et elle croit ...

- Je sais ce qu'elle a fait pour moi. Ce que vous avez tous les deux fait pour moi, lui dis-je avec un sourire franc. C'est la femme la plus honnête et la plus bienveillante que je n'ai jamais rencontrée. Elle ne méritait pas qu'un connard de l'espèce de Carlos lui fasse du mal.

- Je suis d'accord avec vous. Comprenez-vous que, pour la première fois, depuis que nous échangeons, vous pensez au bien-être d'une autre personne sans vous apitoyer sur votre sort. Je pense qu'on tient quelque chose ici Lucas. Ça mérite une récompense, me lance-t-il gaiement en me tendant une boite de chocolat.

Il est vraiment très bizarre. Je refuse poliment et analyse ce qu'il vient de me dire. Ce sentiment d'empathie me fait du bien, je ressens une poussée d'adrénaline, comme si on m'avait injecté un sérum de puissance. J'ai toujours conscience de là où je suis, mais je ne le vois plus comme un problème. Juste comme une période qui prendra bientôt fin.

- Choisissez une dernière carte.

Je lui tends « la femme qui sourit ».

Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant