Il l'a fait.
Il a pris les devants, il a outrepassé mes injonctions.
Il a osé. Et j'ai aimé ça, j'ai même adoré ça.
Assis dans ma cuisine, le regard dans le vague, je repense à son baiser fort et doux. Ses mains caressant mon visage et son corps pressé contre le mien. J'avais déjà touché son buste, mais là ce n'était pas la même chose, j'avais ressenti toute la puissance de ses muscles et surtout la chaleur qui émanait de lui à travers son T-shirt. Ses mains étaient restées sages, presque intimidées et je m'étais surprise à avoir souhaité qu'elles soient plus entreprenantes.
Je n'avais pas eu peur, je l'avais laissé prendre possession de ma bouche comme si c'était la dernière chose que je vivais en ce monde. J'aurais pu l'embrasser pendant des heures, frissonner sous ses caresses autant de fois que cela m'aurait été possible et aspirer ses lèvres jusqu'à en perdre mon souffle.
J'en avais eu très envie depuis plusieurs semaines déjà et maintenant que j'y avais goûté, j'en voulais encore.
Mais nous avions été dérangés. Un bruit de pas nous avait fait sursauter et il m'avait rassuré en me chuchotant de rester cachée quelques minutes pendant qu'il sortirait de la pièce témoin de notre étreinte.
Il m'avait laissé là, être les balais et les produits d'entretien. Son absence m'avait immédiatement marquée. J'avais attendu quelques minutes puis j'étais sorti à mon tour, rejoignant directement mon bureau pour ne pas devoir affronter le regard des autres. Comme si notre folie allait transpirer sur mon visage. Et cela aurait été sans doute le cas, étant donné toute la passion qu'il avait mis à caresser mes cheveux, en entremêlant des mèches qui avaient fini par former des nœuds. Sa barbe avait frotté sur ma peau et j'avais senti que mon cou avait été rougi par le désir qu'il avait déclenché en moi.
Je crois n'avoir jamais ressenti une telle émotion lors d'un baiser. J'avais eu quelques amants, certains plus doués que d'autres, mais mes souvenirs me laissaient penser que cette fois c'était différent. Lucas avait éveillé en moi une nouvelle sensation qui me perturbait. Est cela qu'on appelle le véritable désir ?
Nous avions eu de la chance de ne pas nous faire prendre. Maintenant que j'étais revenu à la réalité, je me rendais compte de l'énorme risque que nous avions pris, qu'il avait pris. Était-ce un risque calculé ? Il en était capable, mais je ne pensais pas, il aurait fallu établir un plan pour que tout s'aligne. Non, je crois qu'il l'avait fait d'instinct, il était beaucoup plus aventurier que moi, j'étais beaucoup trop cérébrale pour ma part.
Je repensais à ses mots « Vous avez besoin de quelqu'un qui vous fait voyager qui vous fait vivre des sensations extrêmes, qui vous emmènent au septième ciel ». Serait-il cet homme ?
Le bruit de la porte d'entrée me fit sursauter. Jessica rentrait des courses, encombrée de grands sacs bleus.
- Helloooo, chantonne-t-elle en déposant le tout à mes pieds.
- Salut. Qu'est-ce que c'est que tout ça ?
- Ça, ma témoin adorée, c'est ton boulot pour le week-end ! On va finir la déco pour gagner du temps. Mon Dieu, ce mariage va me tuer. Je n'arrête pas de courir partout pendant que Thomas s'inquiète juste de savoir ce que ces potes lui ont concocté pour son enterrement de vie de garçon.
Merde ! L'enterrement de vie de jeune fille !! J'avais complètement zappé !
Devant ma mine déconfite, Jess me rassura :
- T'inquiète ma belle, je sais que tu n'as rien préparé et ce n'est pas grave. Tu as déjà fait beaucoup pour nous et étant donné les évènements que tu as vécus ses derniers mois, je ne t'en veux absolument pas de ne pas avoir eu l'énergie pour t'occuper de ça. Donc j'ai organisé mon propre EVJF en nous prenant deux places pour aller voir le show Magic Mike samedi soir prochain, me dit-elle euphorique en tendant deux billets sous nez.
Cette fille est folle, mais je l'aime tellement.
- Ben quoi, tu n'es pas contente ? Je te rappelle que dans mon cas ce sera la dernière fois que j'aurais l'occasion de reluquer et de toucher, je l'espère, le corps d'un autre homme que celui de Thomas. Donc tu pourrais me soutenir un peu.
- Tu m'impressionnes, lui dis-je en la prenant dans mes bras, et je suis sincèrement désolée d'avoir oublié cette étape importante.
- Arrête, tu sais bien que je ne suis pas du genre à t'en vouloir pour quoique ce soit.
- Pas sûre.
À cette dernière réplique, Jess desserre notre étreinte et me regarde droit dans les yeux en fronçant les sourcils.
- Toi, tu as fait une connerie !
- Peut-être.
- Lou, je crains le pire, raconte moi tout de suite pour savoir si je peux encore te sauver.
- Compliqué.
- Est-ce que tu te sens capable de me parler avec des phrases complètes ou on va devoir jouer à Pyramide* ?
- Lucas. Répondis-je simplement.
Jess me fixe, mais je n'arrive pas à déchiffrer son regard : est-elle anxieuse ou heureuse ? Pour la première fois depuis son arrivée, elle ne dit rien et je me sens obligée de lui donner plus d'explications.
- Il m'a embrassé.
Toujours muette et sans émotion, elle me fait un signe de la tête pour m'inviter à continuer.
- Je ne m'y attendais pas, il a essayé plusieurs fois et à chaque fois je lui ai fait comprendre que cela nous était interdit. Que c'était dangereux. Mais durant la soirée annuelle, nous nous sommes retrouvés tous les deux et ... il s'est jeté sur moi.
J'avais bien choisi mes mots en espérant me faire passer pour une victime sans défense, mais ma meilleure amie n'était pas dupe.
- Et toi, tu es une femme bien trop faible pour pouvoir le repousser ? Et ne me parle pas de ses gros bras musclés sinon je te frappe, prévient-elle.
- J'avoue que je me suis laissée charmer, je finis par avouer. Il a toujours ce regard perçant et il est gentil avec moi et il m'a chanté une chanson.
- Quoi ? Mais quel âge a ce type ? La drague par la sérénade c'était dans les années cinquante !
- Jess, je t'assure que tu aurais craqué aussi. C'est tellement mignon et inattendu.
- Et ?
Je savais où elle voulait en venir.
- Et ... j'ai adoré ça. C'est le meilleur baiser que j'ai reçu de toute ma vie.
- Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?
- Il a tout pour me plaire, Jess, il est beau, charmeur, gentil ...
- Et en prison ! conclut-elle
- Il sort dans 4 semaines.
- Et vous comptez vous voir à sa sortie ?
- Je ne sais pas encore. Je suis un peu déstabilisée, j'ai peur de l'avoir mis dans la catégorie fantasme et que le soufflée retombe.
- C'est un risque effectivement.
Jess me prend la main et m'invite à la rejoindre sur le canapé du salon.
- Louise. Je t'aime. Tu es ma sœur et je ne veux que ton bonheur. Je crois qu'en matière d'amour, il faut faire confiance à son instinct. Si tu ressens quelque chose de vraiment profond, je pense que ça vaut le coup d'essayer. Après tout, une fois libéré, il sera un mec lambda.
Je fais la moue.
- OK un mec lambda et canon ! Mais sois certaine d'une chose, quoiqu'il se passe, je serais toujours là pour toi, je surveille tes arrières et je te rattraperais si tu tombes.
Les larmes me montent aux yeux et je lui saute au cou. Jess n'était pas seulement ma meilleure amie et ma sœur, elle fait aussi office de parent. Si j'ai l'approbation du père et de la mère, alors tout est réalisable.
* Jeu télévisé diffusé dans les années 90 surFrance 2. Il s'agit d'un jeu par équipes où le but est de faire deviner un motà son partenaire en utilisant des synonymes ou d'autres indices.
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Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]
RomanceLouise est une jeune médecin qui a foi en l'humanité. Son truc c'est d'aider les autres. Elle décide de quitter l'hôpital dans lequel elle travaille depuis son retour de mission humanitaire pour prendre un poste dans un centre pénitentiaire. Les alt...