Chapitre 29 (Lucas) - Destruction

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On livre le repas. C'est poulet-petit-pois aujourd'hui, ce n'est pas mon plat préféré, tant pis.

Je m'assois à ma petite table, pour éviter de retourner dans ma tête toutes les bonnes raisons de ne pas faire ce que je m'apprête à faire, j'allume la radio. 

Les informations ne sont pas bonnes comme d'habitude, il prévoit une vague de froid pour les trois prochains jours. J'émets un petit rire narquois, ça n'a pas d'importance pour moi, normalement d'ici demain je ne serai plus là. Je n'ai pas voulu écrire une quelconque lettre justifiant mon acte. Je ne sais pas quoi dire, mon psy saura bien leur expliquer, il me connait bien depuis tant d'années.

Mes pensées vont soudainement vers Louise, je ne veux pas qu'on lui reproche ma mort, car elle aura tout fait pour me soigner. Ils ne doivent pas penser qu'elle aurait oublié mon traitement, aussi j'attrape la boite d'insuline et tire sur l'emballage pour en extirper une ou deux fioles que je vais vider dans le lavabo. Je découvre un petit bout de papier qui ressemble à une feuille de cahier, impossible que ce soit la notice.

Je déplie la feuille et lis les quelques mots écrits au feutre vert : « Je t'attendrais ». Le message n'est pas signé, mais je devine sans aucun doute son autrice. Je relie encore et encore. Est-ce que c'est le manque d'insuline qui commence à faire effet, je dois avoir des hallucinations.

 Comment a-t-elle pu me transmettre ce message, comment savait-elle que j'allais le lire. Elle a pris un risque pour moi, encore une fois. 

Putain, je suis euphorique, mon cœur bat la chamade, je gesticule dans tous les sens. Pour ne pas déclencher l'arrivée d'un gardien, je m'allonge sur mon lit et j'hurle dans mon oreiller. Il faut que j'exprime ma joie. 

Je relie encore les messages : « Je t'attendrais ». Une promesse claire et sans équivoque. Je n'essaye même pas de me faire des films sur la suite. Ça me suffit de savoir qu'elle m'attendra, ça veut dire qu'elle veut me voir à l'extérieur, qu'elle veut tenter un truc.

À force de m'exciter comme un fou, je sens que ma tête tourne, quel connard j'ai voulu me foutre en l'air et je suis sur le point de faire cette connerie au moment où la femme qui occupe mes pensées m'annonce qu'elle pense à moi. Je finis par réussir in extrémis à faire mon injection. Je maitrise calmement mon souffle, j'ai besoin d'air, j'ouvre la fenêtre et à travers les barreaux j'inspire profondément. Je revis enfin.

Au même moment, j'observe une silhouette qui sort par la porte principale. Nous ne sommes pas un jour de visite. Sa démarche est chancelante et elle se jette dans les bras d'une autre femme. Et puis je vois le lieutenant Girard courir vers elles pour tendre un sac. La première femme se retourne et je découvre le visage de Louise.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi quitte-t-elle la prison à cette heure-ci ? Qui est l'autre femme avec elle ?

J'ai un mauvais pressentiment, je regarde mon réveil, il est 13h15, la promenade est dans 45 minutes, je ne tiendrais jamais jusque-là. Mais je n'ai pas le choix, si je veux rejoindre Louise le plus rapidement possible, je dois rester tranquille, je ne dois pas faire d'erreur. Je tourne de nouveau en rond dans ma chambrée en imaginant tous les scénarios possibles, un décès dans sa famille, une amie malade, ...

À 14h, j'attends déjà derrière la porte, mais les minutes passent et rien ne se produit. Cinq minutes, dix minutes. 

Je commence à entendre mes codétenus réclamer leur droit de promenade, aucune réaction des surveillants ne se fait entendre. Il s'est passé quelque chose, j'en suis certain maintenant. 

La pression monte dans mes muscles, je vais devenir fou si je n'arrive pas sortir de là. Je me précipite à ma fenêtre et vois des dizaines de gars en train d'hurler et de jeter des détritus dans la cour.

- Eh mec, qu'est-ce qui se passe, pourquoi ils annulent la promenade ? je demande à mon voisin à travers les barreaux de ma fenêtre.

- Apparemment y'a eu une agression.

- Quoi ? Qui ?

- La toubib.

J'ai du mal à intégrer ce que je viens d'entendre.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Le docteur s'est fait agresser.

- Par qui ?

- Carlos ! C'est foutu pour lui maintenant. C'est bien fait pour ce connard. Moi je l'aime bien le docteur, elle est gentille.

Une vague de chaleur me traverse le corps et sans me maitriser, je fais effondrer une pile de livres par terre. J'hurle à pleins poumons. Il n'en faut pas moins pour voir débarquer les surveillants qui m'extirpent de ma cellule sans ménagement. 

****************

Je finis en cellule d'isolement durant 4 jours. Ma haine me consume de l'intérieur, je passe mes jours et mes nuits à imaginer comment je vais tuer ce salopard de Carlos. Je trouverais un moyen, quitte à finir ma vie en prison. 

Et puis je pense à Louise, j'espère qu'elle va bien, j'espère qu'elle n'est pas seule, j'espère qu'elle reviendra, même si j'en doute fortement maintenant.

J'ai touché du doigt le bonheur. « Je t'attendrais », je sors le petit bout de papier de la poche de mon jogging, ils ne l'ont pas trouvé quand ils m'ont fouillé avant de m'enfermer ici. L'encre commence à s'effacer tout comme l'espoir de la revoir.

Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant