Deux semaines sont passées depuis notre dernière rencontre et je n'ai aucune nouvelle de Lucas si ce n'est qui est bien revenu de sa permission.
Lorsqu'il est venu me remercier dans mon bureau ce jour-là, j'étais complètement perdue. Il m'avait demandé de l'attendre. Je n'avais pas compris sur le moment, mais il avait en quelques secondes remis en doute mon intention de partir.
Lorsqu'il avait compris que je ne pourrais pas lui répondre par la positive, il avait fait un pas en arrière et j'avais soudain eu très froid.
Il avait été tellement proche de moi que j'avais senti sa poitrine monter et descendre. Il m'aurait suffi de monter sur la pointe des pieds pour atteindre sa bouche et gouter enfin ses lèvres.
Depuis il hante toutes mes nuits. Je me suis réveillée de nombreuses fois, prise de panique, car je le voyais s'éloigner et disparaitre dans mes rêves. Jessica était inquiète pour moi, elle ne m'avait jamais vu perdre pied.
Est-ce que c'est l'interdit qui m'attirait irrémédiablement vers lui ? Je n'en étais plus sûre, je sentais autre chose, mais j'avais peur.
Nous étions dans une en prison, il est mon patient, rien n'est normal dans cette relation.
De toute façon il est temps de faire ma demande de mutation, les choses redeviendront normales après ça. Je suis heureuse d'avoir redonné confiance à Lucas et j'espère sincèrement qu'il continuera sa vie sereinement. En me dirigeant vers le bureau du Directeur, je croise le surveillant Philippe qui se précipite vers moi.
- Bonjour Docteur,
- Bonjour Philippe.
- Comment allez-vous ?
- Bien et vous ?
- Oh ben vous savez la routine. On prépare les festivités. J'espère que vous serez des nôtres.
- Euh oui, peut-être.
Il semble tout excité par cet évènement, j'imagine que ce moment doit apporter à tous, surveillants et détenus, un peu de joie dans ce milieu si morose.
- On y sert un bon repas, vous savez et cette année il y aura un petit concert.
Je trouve ça curieux qui me raconte tout ça, là au milieu du couloir, d'habitude Philippe est plutôt introverti et peu bavard, mais peut-être parce que Camille monopolise souvent toute la conversation.
- Philippe, tu viens là, on t'attend.
Je le regarde se précipiter vers ses collègues qui s'apprêtent à ouvrir une cellule. Je vois sortir Lucas et mon cœur s'emballe. Tout le décor autour de moi disparait et je ne vois que lui, il se retourne contre le mur les mains plaquées pendant qu'un surveillant le palpe, puis ils l'entourent et se dirigent vers moi, c'est à ce moment que son regard croise le mien et que je découvre un œil au beurre noir. Que lui est-il arrivé, pourquoi il n'est pas venu à l'infirmerie ? Je panique et je m'apprête à l'intercepter, mais il me fait un signe discret de la tête pour me faire comprendre de ne rien dire. Il passe devant moi sans aucune autre émotion et comme un fantôme il disparait dans le couloir de droite.
Je suffoque. Pour la première fois je ne sais pas quoi faire. Je me précipite dans mon bureau et je fouille frénétiquement dans mes dossiers pour sortir celui de Lucas. Je ne me suis pas absentée, impossible qu'un autre médecin ait pu le soigner à part moi. Rien, aucune note d'intervention. Et puis je remarque qu'il doit renouveler son traitement dans deux jours. Bien je le verrais à ce moment-là et je pourrais vérifier son œil, en espérant qu'il ne soit pas trop tard.
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L'attente fut longue jusqu'à ce que mon rendez-vous, tant attendu, frappe enfin à ma porte, mais je suis surprise de me retrouver face à face avec Philippe.
- Bonjour docteur.
- Bonjour Philippe. Lucas, ... le détenu Moreau n'est pas avec vous ?
- Non, Madame, il ... il ne sentait pas bien, il m'a demandé de venir chercher son traitement.
- Il ... il ne veut pas me voir, murmurais-je.
Les larmes me montent aux yeux. Philippe entre précipitamment dans mon bureau et ferme la porte.
- Ça va docteur ?
- Excusez-moi, je suis fatiguée c'est tout. Il ne se sent pas bien ? Qu'est-ce qu'il a ? je lui demande en essayant discrètement mes larmes
Après un moment silencieux, Philippe me répond avec un sourire : « la même chose que vous je crois ».
- Écoutez, je ne devrais pas me mêler de tout ça, mais j'apprécie beaucoup Lucas et je sais que c'est quelqu'un de bien. Il souffre de la situation que vous vivez, je le sais même s'il ne me dit rien, mais je sais aussi qui essaye de vous protéger. Je n'arrive même pas à imaginer comment vous arrivez à vivre ça. Mais il faut tenir bon, Lucas n'a plus que 5 mois à tirer. Vous devez être forts tous les deux.
J'écoute ce jeune homme de 20 ans me parler d'amour avec beaucoup de maturité et je prends conscience de ce que je ressens. Je ne peux plus faire semblant.
- Je dois lui parler Philippe.
- Je ne peux rien faire, me répond-il avec un air de paniqué.
- Je vais écrire quelque chose et le glisser dans la boite du traitement. Tu lui donneras c'est tout ce que je te demande. Je suis désolée de devoir t'impliquer dans tout ça. Mais c'est important.
- Ne vous inquiétez pas je ferais attention.
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Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]
RomanceLouise est une jeune médecin qui a foi en l'humanité. Son truc c'est d'aider les autres. Elle décide de quitter l'hôpital dans lequel elle travaille depuis son retour de mission humanitaire pour prendre un poste dans un centre pénitentiaire. Les alt...