Toutes mes bonnes résolutions sont tombées aux oubliettes après seulement une minute dans son bureau. J'ai essayé pourtant, j'ai pris mon air le plus maussade, je n'ai pas dit un mot, j'ai évité de la regarder, mais sa seule présence dans mon espace vital a suffit à me détourner du droit chemin. Parce qu'en plus de ses yeux que ma mémoire a enregistrés, je réagis maintenant également à son odeur sucrée et à la douceur de sa voix.
J'étais prêt à baisser ma garde, à accepter cet état que je n'ai pas connu depuis longtemps parce que même si cela reste platonique, ça me fait du bien de parler avec elle.
Elle m'écoute, me fait sourire, me redonne confiance parce que je ne suis pas fou j'ai bien senti qu'elle était autant attirée que moi. Sa façon non assurée de me toucher, son regard fuyant quand je lui parle et la façon dont elle m'observe à la dérober. Je suis certain que je lui plais, je le vois dans ses yeux et dans son attitude, ce n'est pas de la peur. Je connais mes atouts et je sais déchiffrer ce que les gens pensent. J'étais prêt à baisser la garde et à profiter de l'instant présent. Mais mes démons sont remontés à la surface et je lui ai de nouveau fait peur.
C'est ce message qui m'a fait basculer du côté obscur « Prête pour ce soir ? Tu veux que je passe te prendre ? »
Je suis un crétin, évidemment qu'elle a quelqu'un dans sa vie. Une fille comme elle ne peut pas être seule. Et moi j'étais dans ma petite bulle, j'ai cru qu'elle s'intéressait à moi autrement que par l'aspect médical. Lucas, t'as toujours pas compris comment fonctionnaient les femmes ! C'est pas la première fois que tu te fais mener en bateau et la dernière en date ne t'a pas suffi ?me siffle une petite voix dans ma tête.
Je me sens complètement vidé. Je suis là allongé dans mon lit à regarder le plafond et faire un effort considérable pour effacer son visage. J'ai essayé la lecture, la télévision, le sport, les mots fléchés, mais rien n'y fait.
Le vasistas de ma cellule s'ouvre soudainement et me fait sursauter. On m'annonce un appel. Mes premières pensées vont d'abord pour mes parents, j'espère qu'il ne leur est rien arrivé dans l'état dans lequel je suis actuellement, je ne pourrais supporter aucun évènement tragique.
Arrivé dans le parloir, je prends le combiné et j'entends la voix de mon frère :
- Hey salut frérot ! Comment ça va ?
Il a l'air d'excellente humeur, ça me rassure, mais je ne suis pas encore complètement convaincu.
- Bien et toi ? Tout va bien ?
- Oui, super ! Je t'appelle pour t'annoncer que tu vas être tonton ... d'une petite fille !!! hurle-t-il dans le combiné.
J'en reste bouche bée et je respire un bon coup pour éviter de pleurer devant les gardiens qui m'observent de loin.
- Putain c'est génial ! Une pisseuse !
- T'es con !
- Je plaisante, je suis hyper content pour vous surtout et j'ai hâte ! Elle va bien ?
- Oui tout le monde va bien : la maman et le bébé
- Tant mieux
- Et toi ça va ? me demande Antoni en entendant ma voix s'éteindre.
- Je ... je suis un peu fatigué
- Lucas, qu'est-ce qu'il se passe ? Je te connais y'a un truc qui te contrarie.
- Non non ça va.
- Dis-moi sinon j'en parle à Maman ! Me menace-t-il.
Cette dernière phrase me fait réagir immédiatement. S'il fait ça, ma mère me harcèlera jusqu'à ce que je crache le morceau. Je n'ai jamais réussi à lui mentir et je n'ai pas envie de l'inquiéter avec des problèmes d'adolescent prépubère. Parce que c'est bien de ça qu'on parle : un ado qui ressent une attirance pour une copine de classe et ne sait pas comment faire pour le lui dire, à ceci près que la relation en question est impossible.
- C'est compliqué ou plutôt c'est ridicule.
- Ridicule ? Je ne comprends pas ? Un problème avec un détenu, un surveillant, ta cellule ?
- Une femme.
Seul le bruit ambiant flotte dans l'air, Antoni ne parle plus.
- Je comprends encore moins ? T'es sorti en boite et tu as rencontré quelqu'un ? me demande-t-il en riant.
- Ah ah très drôle. Ne t'inquiète pas, c'est tout cet isolement qui me tape sur le crâne. Ça va passer.
- Hum hum ...
- Quoi ?
- Il s'est passé quoi exactement ?
- Rien. Justement. Rien.
- Lucas écoute, en d'autres circonstance je saurais probablement mieux te conseiller, mais là, ça me semble compliqué comme situation, non ?
- C'est impossible, tu veux dire. Je le sais, mais c'est plus fort que moi je n'arrive pas à l'enlever de ma tête. Elle me hante !
Antoni me demande des détails et je lui fais une description parfaite de mon obsession : une brunette aux yeux bleues, de taille moyenne, un sourire doux et apaisant, une peau blanche, des doigts fins et une taille de guêpe. Mon frère tente de me convaincre qu'elle ressemble beaucoup à un fantasme et que même lui, s'il n'était bientôt marié, tomberait probablement sous le charme de cette fille. Mais j'enchaine en lui peignant aussi le tableau d'une femme forte et intelligente. Attentionnée à sa manière. Pétillante et amusante. Antoni ne rit plus :
- Tu n'as plus qu'un an à tirer Lucas, ne fais pas de conneries !
- Si tu savais comme je me sens mal. J'en suis totalement conscient, mais je n'arrive pas à me contrôler. Je te jure j'ai essayé de ne pas y penser, mais à cause de mon diabète je suis à minima obligé de la voir une fois par mois et à chaque fois je fais n'importe quoi. Mais bon je pense que le problème se réglera de lui-même. Elle a quelqu'un.
- Évidemment, Lucas ! Écoute je peux tout à fait comprendre que le temps est long en prison et que cette nana réveille en toi des sensations enfouis depuis des années. T'es un mec c'est normal. Dis-toi juste que ce n'est ni le lieu ni le moment. Qui sait, vous pourrez peut-être vous voir en dehors de la prison quand tu seras sorti. En attendant, tu gardes ta langue dans ta bouche et ta bite dans ton pantalon. Tu finis ta formation et tu restes en bonne santé parce que je te rappelle que tu as déjà une jeune fille qui t'attendra à la sortie !
- Tu as raison, je dois me réserver pour ma petite nièce, je lui réponds dans un sourire. Ne t'inquiète pas, je t'assure. Ça m'a fait du bien de t'en parler. Je vais suivre tes conseils.
- Je t'en prie, je suis là pour ça. Et appelle-moi si tu sens que tu perds le nord !
Nous parlons un peu des parents et il est déjà temps de raccrocher.
Je me sens revigoré, ça tombe bien c'est l'heure du sport, je sens que cette séance va être particulièrement productive.
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Louise et Lucas (Libère-moi) Tome 1 [TERMINÉE]
RomanceLouise est une jeune médecin qui a foi en l'humanité. Son truc c'est d'aider les autres. Elle décide de quitter l'hôpital dans lequel elle travaille depuis son retour de mission humanitaire pour prendre un poste dans un centre pénitentiaire. Les alt...