𝕃𝕒 ℂ𝕒𝕤𝕥𝕖

Première Chimère

Je m'appelle Hayun, j'ai le pouvoir de "lire" les auras.

Au sein de la Caste, je fais partie du clan des Médiums.

Ainsi commençait mon journal, brisant les règles ancestrales de La Caste en cours depuis des siècles. Celles qui interdisent à chacun de ses membres de parler à quiconque, en dehors du cercle, de son existence ou de mettre par écrit des informations la concernant.

Je mordillais le bout de mon stylo plume, pensive.

J'avais ce sentiment étrange qui vous envahit lorsque vous transgressez les règles. Un mélange de peur, d'appréhension mais surtout une sorte de satisfaction déplacée à l'idée de faire quelque chose que d'autres n'ont pas osé jusqu'alors.

Ce journal serait-il  un jour lu par des non initiés? Je l'espérais secrètement ..

La lumière entrait à flots par la fenêtre entrebâillée de ma chambre. Le temps était encore doux en cette fin d'automne, on pouvait sentir l'odeur de la pluie qui arriverait d'ici quelques heures et le parfum des feuilles en décomposition, venues mourir au pied des arbres.

J'adorais cette saison. C'était comme si la Terre s'endormait pour renaître plus tard à la vie, berçant à chaque fois le Monde d'un espoir de renouveau, comme si les choses pouvaient changer .

Je fermai les yeux et me laissai bercer par les bruits de la nature que je percevais par delà ceux de la maison. Ici un oiseau qui chante, là les griffes d'un écureuil qui grimpait aux arbres, au loin des pas qui faisaient crisser les brindilles sous le poids d'un homme ou d'un animal.

Peut-être Hope qui se promenait dans la forêt jouxtant la maison.

Je baissais les yeux vers le parchemin relié que j'avais trouvé dans le grenier. La couverture était faite d'une sorte de cuir marron dont je n'avais pu déterminer la provenance exacte. Les feuilles étaient épaisses et crissaient sous ma plume. Je l'avais trouvé parfait pour ce que je voulais en faire.

 Écrire pour changer les choses peut-être, pour laisser une trace sûrement, ou juste pour me vider la tête des pensées parasites qui ne cessaient de m'envahir.

J'avais cet espoir tenace de croire que les règles pourraient être abolies un jour et que les personnes comme moi pourraient vivre parmi les autres humains, en paix , sans devoir cacher leurs capacités, sans animosité , sans jugement, sans jalousie.

Utopie d'un monde parfait où la différence est la généralité et non plus l'exception.

Mon regard glissa sur ma main droite qui était posée sur la feuille légèrement jaunie. Elle était nimbée d'une douce lueur bleutée qui tendait vers le violet dans sa périphérie. C'était comme regarder la lumière à travers un prisme de cristal, elle se décomposait et venait voiler ma main d'un filtre coloré.

Ce dégradé de couleurs dénotait un mélange de sérénité teintée de quelque chose de plus fort, comme la foi.

Je soupirais et repris ma plume.

La Caste est une société très ancienne qui a été constituée pour protéger ses membres que l'on appelle les élus .

Il y a plusieurs siècles, nous vivions sans être stigmatisés parmi la population, aidant notre prochain, partageant nos connaissances, mais l'homme de par sa nature, est vil et envieux, insatisfait de son sort. Il aime détruire ce qu'il ne comprend pas à défaut de pouvoir se l'approprier.

À une époque, les incidents contre les initiés se multiplièrent, à tel point qu'il fut décidé par les élus que les pouvoirs devaient être dissimulés. Nous devions nous effacer afin de ne pas disparaître.