Vingt septième Chimère

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Je me tenais dans un coin de la chambre d'Ha-na, à la fois spectateur et acteur, comme si mon corps s'était dédoublé.

Je me voyais avancer vers le futon posé au sol, où une silhouette parée de blanc était recroquevillée. Je vivais cette scène de l'intérieur en ayant accès aux sentiments de cet homme qui était moi.

Je sentis son cœur se serrer à l'écoute des sanglots étouffés qu'il percevait, comme à chaque fois qu'il mettait les pieds dans cette pièce depuis leur union.

Ce mariage, qu'il avait tellement souhaité et qui dorénavant, formait dans son cœur une plaie béante.

Il n'avait jamais pu l'approcher, ne serait-ce qu'un court instant. Elle s'enfuyait toujours, les yeux remplis d'une tristesse sans nom.

Pourtant, il ne renonçait pas. Il venait chaque soir, espérant qu'elle s'ouvrirait à lui pour lui faire part de cette tristesse qui l'accablait.

Il restait alors un moment à écouter ses pleurs, sans jamais oser faire un pas vers elle, puis repartait le cœur lourd et les yeux humides.

Mais aujourd'hui, il ne voulait pas partir.

Il s'avança vers elle et s'assit près de sa couche. Ses mains tremblaient, néanmoins il inspira profondément et tendit le bras. Il commença à caresser ses longs cheveux d'ébène en murmurant des paroles réconfortantes, comme on aurait consolé un enfant en détresse.

Les sanglots finirent par se tarir au bout d'un moment.

Une petite tête émergea de dessous la couverture de soie et il put enfin croiser le regard timide et effrayée de sa douce.

Ainsi commença leur histoire...

Chaque nuit, il venait s'asseoir près d'elle et consolait ses larmes.

Elle s'endormait alors sous ses égards rassurants.

Puis un jour, il vint et elle ne pleura pas.

Elle était assise sur son lit et tenait entre ses bras un coussin comme pour se protéger. Elle le regarda s'asseoir en face d'elle et il commença à parler.

Il lui rapportait les anecdotes de ce qui se passait au village. Il lui narrait ses souvenirs d'enfance. Il lui parlait de tout ce qu'il lui passait par la tête, mais jamais, il ne parlait d'eux.

Il apprivoisait le silence.

Il savait par les domestiques qu'elle parlait peu la journée, qu'elle était douce et gentille avec le personnel et qu'elle passait beaucoup de temps à lire alors, il lui parla des livres qu'il avait lus. Il lui raconta des histoires chimériques pour caresser son âme et qui sait, peut-être un jour son cœur.

Elle l'écoutait attentivement, son grand regard fixé sur lui. Elle ne parlait toujours pas, mais les sanglots s'étaient asséchés, pansant ainsi son cœur meurtri.

Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis leur union quand enfin, il entendit le doux son de sa voix. Il lui rapportait les histoires de la maison quand tout à coup, elle ouvrit la bouche, soufflant dans un murmure qu'il crut avoir imaginé.

- Je vous demande pardon.

Il releva brusquement la tête et plongea son regard dans le sien, ne sachant comment réagir à ce changement de comportement pour lequel il avait tant prié.

Elle se mordit les lèvres, indécise, mais ne baissa pas les yeux.

Elle répéta alors, après s'être mise sur les genoux et inclinée vers le sol.

𝕃𝕒 ℂ𝕒𝕤𝕥𝕖Où les histoires vivent. Découvrez maintenant