Vingt quatrième Chimère

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Je regagnais ma voiture à petits pas, perdue dans mes pensées.

Je m'arrêtais un instant sur le trottoir et levais les yeux vers le ciel qui avait perdu en luminosité. Plusieurs heures s'étaient écoulées, sans même que je vois le temps passer, depuis que j'étais arrivé chez Yoongi. 

J'inspirais profondément l'air froid dans une tentative de purifier le trop-plein de mon esprit, essayant de faire abstraction de tout, hormis de cette senteur de neige qui imprégnait l'air.

Je souris en sentant un minuscule flocon atterrir sur ma joue. Je me sentais bizarrement heureuse. Le poids que j'avais sur les épaules depuis des jours s'était légèrement allégé.

Je savais pertinemment que rien n'était réglé, que tout restait à venir et pourtant ma discussion avec mon tuteur m'avait rendu heureuse, car à travers ses mots et ses émotions, j'avais enfin admis la présence d'Ha-na à mes côtés.

J'avais accepté qu'elle fut moi, il y a bien longtemps. J'avais accueilli ses fantômes et ses peurs, mais aussi ses amours.

Et maintenant ? 

Est-ce que le destin reproduirait le même schéma ou étais-je destinée à le changer pour que cette partie de moi puisse trouver la paix ?

Car si nous avions partagé le même corps et le même cœur, nous étions avant tout une même âme.

Forte de cette révélation, je me demandais si cette mélancolie que je sentais par moment au fond de moi depuis ma plus tendre enfance sans en connaître la signification, avait été le premier appel à l'aide d'Ha-na ou une cicatrice qu'elle avait gravée dans notre âme pour que jamais, je n'oublie que quelqu'un, quelque part, m'était destiné.

Je murmurais pour moi-même ou plutôt pour elle

- "Je n'oublierai pas "

Je sentis une douce chaleur se répandre en moi et repris ma marche.

J'arrivais non loin du Pickup quand quelqu'un me bouscula. Un homme, qui marchait en sens inverse, venait de me percuter avec son épaule. Je me retournais un peu étourdie par le coup pour lui faire face.

Il s'inclina respectueusement pour s'excuser de sa maladresse. J'allais lui répondre que ce n'était rien quand il se redressa et que je croisais ses yeux noirs.

J'eus une impression de déjà-vu. Vous savez, ce sentiment que l'on a déjà vécu une scène sans arriver à vous rappeler dans quel endroit ou à quel moment elle s'était produite.

- Veuillez accepter mes excuses, je n'ai pas fait attention. J'espère que je ne vous ai pas fait mal.

J'observais cet individu, incapable de répondre.

C'était un très bel homme, grand et mince, proche de la perfection. Ses cheveux bruns parfaitement coupés encadraient un visage à la symétrie troublante. Une aura dorée brillait autour de lui, comme si un projecteur de lumière céleste l'éclairait à contre-jour, cependant ce n'était pas ce qui attira mon attention.

L'or dans une aura était une couleur assez rare qui dénotait une personnalité majestueuse, fière, voire obsessionnelle, pourtant c'étaient ses yeux qui me troublaient, de grands yeux bruns bordés de longs cils qui avaient quelque chose de féminin.

- Ce n'est rien, articulais-je difficilement, tout à mon observation.

Il s'inclina une dernière fois et tourna les talons pour reprendre sa marche.

Je le regardais s'éloigner un instant puis repris moi-même mon chemin. J'avais le sentiment d'avoir omis quelque chose, car ses yeux, je les connaissais, je les avais déjà vus, restait à savoir où.

𝕃𝕒 ℂ𝕒𝕤𝕥𝕖Où les histoires vivent. Découvrez maintenant