𝕃𝕒 ℂ𝕒𝕤𝕥𝕖

Trente troisième Chimère

Je jetais un coup d'œil dans le rétroviseur depuis l'arrière du pickup où je me trouvais et croisais le reflet de Jimin dont le visage était fermé.

Je savais qu'il m'en voulait de la décision de ramener Jungkook avec nous, même si c'est quelque chose que nous avions prévu.

Il avait peur, mais plus que tout, c'étaient les réactions contradictoires qu'il avait envers ce gamin qui semblait le miner.

Le jeune homme en question était plongé dans un profond sommeil dû aux calmants que lui avait prodigué son frère avant notre départ pour atténuer la douleur, le temps que Hope puisse le soulager.

Namjoon s'inquiétait pour son frère, cependant il n'était pas allé contre sa décision de nous suivre. Même si je craignais le loup qui vivait en lui, je comprenais que l'on puisse s'attacher à ce gosse. Il paraissait plus victime de lui-même que consentant dans son malheur et le nôtre par la même occasion.

De nombreuses questions restaient en suspens, cependant nous avions pu avoir une discussion avec Namjoon concernant son cadet, juste après que Jimin l'ait harnaché dans la voiture comme si c'était un tueur en série.

Ce qui n'était pas complètement faux, d'ailleurs.

L'aîné m'avait fait part des difficultés de son frère depuis son plus jeune âge, depuis son statut de bâtard, ramené au sein d'un foyer qui l'avait rejeté, à son départ non voulu.

Le seul ami qu'il avait pu trouver dans ces murs à son arrivée était son grand frère.

Né d'une aventure de son père avec une femme, avec qui il travaillait, il avait été ramené dans la demeure familiale à la mort de celle-ci. Il avait dû alors faire face au rejet de son père qui se voyait devenir responsable d'un rejeton qu'il n'avait jamais voulu et d'une belle-mère qui ne le regardait même pas.

Comme s'il portait en lui la pire des hontes.

Un équilibre s'était ainsi instauré dans l'ignorance des uns et l'amour de celui qui était devenu le seul repère du garçon.

Cependant, quand il avait commencé à avoir des troubles de la personnalité, Namjoon avait dû se résoudre à éloigner son frère en l'envoyant aux États-Unis, autant pour sa protection que celle des autres.

Jungkook était devenu de plus en plus instable.

Il parlait de voix qui ne cessaient de le harceler, l'enfermant dans une spirale infernale de troubles mentaux et de crises de colère envers les autres, quand il ne s'en prenait pas à lui-même.

Les symptômes s'étaient calmés lors de ce séjour outre manche où il avait pu être pris en charge par des professionnels, néanmoins lors de son retour, à la mort de leur père, tout avait recommencé.

Namjoon m'avait dit qu'il se transformait de plus en plus et pouvait disparaître des journées entières, et quand il lui demandait où il était, il refusait de lui parler.

L'aîné avait donc demandé à Yoongi de s'entretenir avec lui, car le cadet gardait un bon souvenir de celui qui avait été son tuteur.

Mais d'après Namjoon, Jungkook n'avait jamais rien dit des démons qui l'emprisonnaient...

Jusqu'à hier, où son frère l'avait trouvé à moitié mort dans le hall de l'entrée, baignant dans une flaque de sang.

Il l'avait porté à l'étage en l'absence des domestiques et avait essayé de soigner sa plaie. C'est à ce moment-là que le jeune homme avait repris connaissance et avait parlé de nous.

Il avait raconté les affres qu'il traversait à travers ses sanglots et dit à son frère que nous viendrons le chercher, et qu'il devrait le laisser partir avec nous.