Quatrième Chimère

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À l'instant même où je ferma les yeux, des visions me parvinrent.

Au début, il s'agissait d'images sans suite, comme un film que l'on rembobine à grande vitesse. J'avais l'impression de visionner une vidéo en time-lapse, mais celle-ci passait à l'envers.

Cela dura un bref instant puis l'image se stabilisa.

"J'étais dans un endroit inconnu. Mes pieds reposaient sur de la terre battue. Je relevais la tête et distinguais un lac bordé de cerisiers en fleurs. Cela me parut étrange car nous étions à la fin de l'automne.

Des pétales blanches virevoltaient autour de moi, pourtant je ne sentais aucune brise sur ma peau. Les faibles rayons du soleil, qui brillaient devant mes yeux, ne me réchauffaient pas.

Un pont de bois enjambait l'étendue d'eau pour rejoindre un Hanok, une maison traditionnelle coréenne dont la taille semblait immense, à l'instar des grandes habitations bourgeoises de l'époque Joseon. Elle était identique à ce que l'on pouvait voir sur les clichés touristiques des sites historiques de Corée.

Le bâtiment était fait de bois sombre, posé sur une esplanade en pierre que l'on pouvait rejoindre en montant une volée de marches.

Des personnes déambulaient dans une cour. La plupart portaient des tenues claires, des sortes de hanboks faits de coton bleu ciel. Ils marchaient tête baissée en petits groupes, il s'agissait essentiellement de femmes.

Je regardais autour de moi et distinguais des murs d'enceinte faits de pierres surmontées de tuiles qui délimitaient l'espace. Certains étaient percés de grandes arches en bois rouge qui formaient des ouvertures sur d'autres cours.

L'endroit était gigantesque.

Mon esprit se dirigea vers le pont sans même que j'ai l'impression de me déplacer, comme une caméra qui faisait un travelling avant.

Le point de vue de cet endroit était bien meilleur. Il se situait en hauteur et je pouvais distinguer d'autres personnes au-delà de la première enceinte, par-delà les murs.

Le Hanok se divisait en plusieurs parties qui étaient séparées par des murets plus ou moins hauts.

L'une était un jardin potager où des hommes, en tenue de coton brut, étaient accroupis en train de travailler la terre. Une autre contenait des habitations beaucoup moins élaborées que la grande bâtisse qui me faisait face.

Les quartiers des domestiques, peut-être ?

Je me demandais d'où me venait cette information.

Je n'étais ni surprise ni effrayée de me trouver là.

J'avais seulement l'impression d'être spectatrice d'un film historique, étrangement détachée de cette situation inhabituelle et pourtant familière.

Mon regard se porta sur l'entrée de la maison principale et sans que je comprenne comment, je me retrouvais à l'intérieur d'un couloir.

Comment étais-je entrée dans la maison?

Comme la première fois, je n'avais pas souvenir d'avoir marché.

Le couloir, dont le sol était fait de bois ciré, était étonnement long. Un pan de murs sur ma gauche était recouvert de portes coulissantes faites de petites carreaux de papier de soie blanc.

À ma droite se trouvait un patio, dans lequel une végétation luxuriante s'épanouissait autour d'une fontaine dont j'entendais le clapotis.

Au-delà de cette explosion de plantes et de fleurs, je pouvais distinguer un autre couloir identique à celui où je me trouvais.

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