Chapitre 9 - Lucia

173 45 97
                                    

Alya se tortilla en tous sens sur l'épaule de Flavio pour qu'il la lâche. Ce dernier renforça sa prise sur le corps de la jeune femme et se dirigea vers les escaliers.

— En effet, Adams, tu as raison, j'ai toujours eu un faible pour les hommes.

Une expression amusée apparut sur le visage du roi, tandis qu'Alya se débattait. Elle voulut interpeller Adams pour rétablir la vérité, mais Flavio la fusilla du regard.

— Si tu ouvres ta bouche, je te jure que je te jette en pâture aux chiens sauvages, lui susurra-t-il.

La jeune femme ne répondit rien, persuadée que Flavio en était capable. De plus, elle ne connaissait pas le roi et ne voulait pas le froisser inutilement. Elle décida donc d'attendre que Flavio lui en dise plus avant d'agir.

— Amusez-vous bien ! lança le roi en riant.

Alya entendit Flavio soupirer d'agacement. Il la ramena jusqu'à sa chambre et ferma la porte à clef. Il se tourna vers elle et la foudroya du regard. Elle recula un peu pour s'éloigner de lui, impressionnée par la manière dont il la regardait. Il la dominait de toute sa hauteur et paraissait réellement en colère.

— Tu fais n'importe quoi, lâcha-t-il, la mâchoire serrée.

— Personne ne m'a dit que je ne devais pas quitter ma chambre, je suis arrivée hier soir, je ne connais pas les us et coutumes de votre château.

— Tu as dormi deux jours, donc tu n'es pas arrivée hier soir.

— Cela ne change rien au fait que je n'étais pas au courant que je ne pouvais pas sortir.

Flavio ne répondit rien. Il se dirigea vers la fenêtre de la chambre et contempla quelques instants les jardins.

— Il y a deux ans, le roi m'a demandé de ne jamais laisser qui que ce soit de la famille de Ruthswald entrer dans le domaine de Lunaris.

Il n'ajouta rien de plus et se perdit de nouveau dans son observation de l'espace extérieur. Voir ce gamin, Ali, lui rappelait tellement de choses, tellement de souffrance. Alya ne lui posa pas de question. Elle voyait bien que Flavio avait quelque chose à dire et elle ne voulait pas le braquer, pas maintenant. L'homme se retourna vers elle et s'appuya contre le mur en croisant les bras.

— Ton père a commis des crimes irréparables et impardonnables.

Alya baissa la tête. Son père... Elle aurait tant aimé ne pas être associée à cet homme profondément mauvais. Mais toute sa vie, elle aurait à porter le fardeau des erreurs de son père. Elle se souvenait parfaitement de ce qu'avait dit Flavio avant de tuer son père. Angus avait tué son père et violé sa mère, qui s'était ensuite suicidée. Elle imaginait à quel point sa seule présence devait ranimer en Flavio des souvenirs douloureux, qu'il aurait préféré oublier pour toujours.

— Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à eux, ajouta Flavio à mi-voix.

La jeune femme hocha la tête doucement. Elle savait qu'il parlait de ses parents. Pour la première fois, Alya perçut sous le masque de froideur et de cruauté de Flavio un semblant d'humanité.

— Ils seraient fiers de toi, dit doucement Alya.

Flavio haussa les épaules, l'air dubitatif. Il changea brusquement de sujet.

— Les Ruthswald ne sont pas les bienvenus ici. Tu n'aurais jamais dû sortir de manière aussi imprudente.

Alya ouvrit la bouche pour protester lorsque des coups violents retentirent contre la porte de sa chambre. Sans même attendre de réponse, Adams entra, un air furieux plaqué sur son visage.

— En effet, les Ruthswald ne sont pas les bienvenus à Lunaris. Pars d'ici, tout de suite.

Flavio ne bougea pas d'un centimètre et regarda son ami droit dans les yeux.

— Depuis quand écoutes-tu aux portes ?

— Là n'est pas le problème, je suis chez moi donc je fais ce que je veux.

— Je ne partirai pas d'ici tant que je ne vous aurai pas expliqué la raison de ma présence. Après cela, vous pourrez me dire de partir.

Un long silence suivit les paroles d'Alya. Adams la regardait avec dégoût.

— C'est d'accord. Nous en parlerons demain.

Et le roi tourna les talons. Au moment où il allait sortir de la chambre d'Alya, il se retourna et lâcha avec une froideur exceptionnelle :

— Tu as l'interdiction de te rendre dans les jardins.

Et il partit. Alya s'assit lourdement sur son lit en lâchant un long soupir de soulagement. Elle se redressa sur ses coudes et regarda Flavio.

— Pourquoi m'interdit-il d'aller dans les jardins ?

— Je ne suis pas le seul à avoir souffert de la cruauté et de la soif de sang de ton père. Il a tué quelqu'un qui comptait énormément pour Adams.

— Qui était-ce ?

— Sa fiancée, Lucia. C'était elle qui s'occupait des jardins en général, Adams lui avait fait construire une gigantesque serre, mais malheureusement elle est morte avant de la voir. Depuis son décès, Adams a laissé les jardins se détériorer petit à petit, il interdit qu'on y mette les pieds.

Le cœur d'Alya se pinça. Son père avait fait souffrir tant de monde et elle, par sa seule présence, elle ravivait tous ces souvenirs affreux. Elle regrettait d'être sortie de sa chambre.

— Tu as intérêt à être convaincant demain, lâcha Flavio.

Et il partit, laissant Alya seule avec ses sombres pensées et ses remords.

Adams était retourné dans son bureau, furieux. Il se sentait trahi et abandonné par celui qu'il considérait comme son plus proche allié. La première fois qu'il avait vu Ali, le jour où Angus était mort, il ne savait pas encore que Lucia avait été assassinée par le cruel duc de Ruthswald. Il avait alors su se montrer courtois à l'égard de celui qu'il considérait comme un enfant. Ensuite, il avait appris la mort de sa fiancée, Lucia.

Archibald de Ruthswald s'était alors présenté au château de Lunaris, réclamant sa place à la tête du duché, place qui devait normalement revenir à Ali. Fou de rage et de douleur, le roi avait laissé Archibald prendre la tête du duché, souhaitant ainsi créer des dissensions au sein de la famille et mener à la disparition de la lignée des Ruthswald.

Il ignorait ce qu'Ali faisait à Lunaris, mais cela ne présageait rien de bon. Pendant deux ans, il n'avait pas entendu parler du jeune garçon, il recevait simplement de régulières plaintes de paysans se plaignant qu'Archibald gérait mal le domaine et dilapidait l'argent. Adams ne s'était jamais attardé sur ces questions. Il avait fini par ignorer les Ruthswald et c'était mieux ainsi.

Mais voir Ali avait ravivé en lui des souvenirs affreusement douloureux. Il aimait Lucia à la folie, il avait failli mourir de chagrin en apprenant son assassinat. Il aimerait tellement faire souffrir toute la descendance des Ruthswald autant qu'il avait lui-même souffert, mais il savait que c'était injuste.

Ali n'avait rien fait, il avait lui-même reconnut que son père n'était rien de plus qu'un malotru violent et cruel. Il n'était pas responsable et ne devait donc pas payer pour les actes de son père.

Quelqu'un frappa doucement à la porte. Le roi se composa un sourire de façade et fit entrer Iris Saint-Yves dans son bureau. Il la prit par la main pour la mener vers sa chambre. Il allait enfin pouvoir se détendre après cette dure matinée.

***

Bon deux chapitres dans la journée, c'est exceptionnel hahaha !

Mais c'est pour vous remercier de lire mon histoire, de la commenter, de m'encourager et de m'envoyer autant d'amour 🥰

Je n'ai qu'une seule chose à vous dire : merci ❤

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

IncompatiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant