Chapitre 10 - Culpabilité

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Le roi Adams se réveilla d'une humeur massacrante. Son grand lit était vide. Il s'était disputé dans la nuit avec Iris Saint-Yves, qui lui avait reproché de ne pas passer assez de temps avec elle. Cette cruche n'avait donc pas compris qu'il ne ressentait rien pour elle. Adams l'avait donc congédiée, il ne comptait pas la revoir de sitôt. Tant pis, il se trouverait une autre fille avec qui s'amuser pendant ses heures de solitude.

Il sortit de sa chambre pour aller prendre un petit-déjeuner et se souvint brusquement qu'il allait devoir rencontrer de nouveau le fils de Ruthswald. Adams grimaça d'agacement. Tout le monde faisait en sorte qu'il passe de mauvaises journées en ce moment. Il remonta dans sa chambre et sonna un domestique. Il ne voulait surtout pas risquer de croiser Flavio. Il avait décidé de bouder son ami. Il fit servir son petit-déjeuner dans sa chambre.

Pendant ce temps, Alya se levait, la boule au ventre. En général, elle arrivait toujours à cacher ses angoisses et son inquiétude, mais en cet instant précis, elle en était totalement incapable. Théo monta lui apporter de quoi se nourrir, mais la jeune femme fut incapable d'ingérer quoi que ce soit. Son estomac était comme noué. Une partie de son avenir allait se jouer dans la journée, et sa capacité à convaincre le roi de sa bonne foi allait déterminer si elle pourrait ou non hériter du titre de duc de Ruthswald.

Dans la matinée, Flavio vint la chercher, Adams était prêt à la rencontrer. Le cœur d'Alya battait à cent à l'heure. Elle descendit dans une vaste salle de réunion, accompagnée de Flavio, le roi l'attendait, déjà installé dans un grand fauteuil. Il fit comme s'il ne l'avait pas vue quand elle entra. Alya s'inclina devant le roi pendant que Flavio partait s'asseoir à côté du roi de Lunaris.

Un silence lourd s'installa dans la salle. Adams avait fini par relever la tête et observait Alya de haut en bas. Son visage était fermé, ses sourcils froncés témoignaient de son énervement. Il finit par rompre le silence d'un air contrarié.

— Que fais-tu ici ?

Alya frissonna légèrement. Le roi n'avait pas l'air de vouloir lui faire le moindre cadeau.

— Votre Majesté, je vous prie de bien vouloir m'excuser pour tous les désagréments que j'ai pu causer. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que je n'en avais pas le choix. Après la mort de mon père, vous avez placé Archibald de Ruthswald à la tête du duché, est-ce que vous vous en souvenez ? Le contrat était que je pourrais obtenir le titre de duc à mes dix-huit ans.

Le roi hocha lentement la tête. Il se souvenait bien de tout cela.

— Il se trouve que mon oncle a fait le choix de m'enfermer au sommet d'une tour pendant ces deux dernières années.

Flavio sursauta en entendant ces mots. Il lança un regard indécryptable à Adams qui haussa les épaules d'incompréhension.

— Pour quelle raison a-t-il fait ça ? demanda le roi.

— Mon oncle est un homme cupide. Ma naissance lui avait retiré tout espoir d'être un jour duc de Ruthswald. Quand vous l'avez laissé gérer le domaine, il a compris que c'était son seul espoir d'avoir un peu de pouvoir et de profiter des richesses du duché. Mon oncle m'a laissé mourir de faim en haut de cette tour, je n'ai pas vu le soleil pendant deux ans. Il y a trois jours, il a essayé de m'assassiner. Je me suis défendu et il est mort. Un soldat a alors tenté de me tuer lui aussi. Je m'en suis débarrassé, puis je me suis enfui du château. Je ne sais pas quelle est la situation au duché de Ruthswald, mais je ne suis pas sûr d'y être le bienvenu.

Le cœur d'Adams se serra en entendant ces mots. En plaçant Archibald à la tête du domaine, il voulait créer des dissensions au sein de la famille et faire souffrir les Ruthswald. Son objectif avait été plus qu'atteint. Mais étrangement, cela ne lui faisait pas du bien d'entendre le récit d'Ali. Le roi se perdit dans ses pensées tout en observant le garçon qui se tenait en face de lui.

Son corps était affreusement frêle, prêt à se rompre au moindre choc. Chacune des parties de son corps était fine et fragile. Ses boucles blondes auréolaient son visage et lui donnaient l'apparence d'un ange. Mais le plus frappant dans le physique d'Ali était ses yeux bleus. Bleus et perçants. Les yeux d'Ali semblaient le scruter, le transpercer. Adams détourna brusquement le regard, pris d'une grande culpabilité.

Ali n'était qu'un enfant. Particulièrement courageux, certes, mais un enfant tout de même. Il était innocent et ne méritait pas qu'on lui fasse le moindre mal. Le roi ressentit le besoin soudain de protéger ce garçon qui se tenait si courageusement debout devant lui.

— Que puis-je faire pour t'aider ?

— J'ai besoin de votre appui pour reprendre mon titre de duc. Je pense que mon oncle a dit à la population que j'étais mort, et ils ne sont donc pas prêts à me considérer comme l'héritier légitime du domaine. Si vous m'aidez à retrouver ma position, je vous jure que vous n'entendrez plus jamais parler de moi.

Le roi hocha la tête doucement. Il se tourna vers Flavio et l'interrogea du regard.

— Ali, je vais parler quelques instants avec le roi, tu peux retourner à ta chambre.

Alya s'inclina et tourna les talons. Une fois sortie de la salle, elle courut à toutes jambes pour rejoindre sa chambre. Elle se jeta sur son lit, à bout de souffle. Ses mains tremblaient. Il lui semblait avoir perçu dans le regard du roi un semblant de compassion, mais Flavio et lui étaient si imprévisibles qu'elle ne savait pas à quoi s'attendre.

Elle sonna Théo et lui demanda si elle pouvait sortir faire du cheval. Elle avait grand besoin de se dépenser. Le serviteur lui répondit par l'affirmative, à la condition qu'elle reste dans la zone d'entraînement équestre du château.

Théo la mena jusqu'aux écuries et lui montra les différents chevaux disponibles. Elle opta pour une belle jument à la robe alezane. Elle semblait jeune et fougueuse, pleine d'énergie, tout comme Alya.

La jeune femme l'enfourcha et Théo lui indiqua où se trouvait la zone d'entraînement. Elle arriva dans un immense espace recouvert de sable. De nombreux obstacles étaient disposés dans la zone. Elle aperçut aussi des cibles pour s'entraîner au combat à l'épée au loin. Elle sourit et lança sa jument au galop dans l'immense espace. Elle la fit sauter quelques obstacles puis s'arrêta, profitant de cet instant de communion avec la jument. Elle mit pied à terre et passa ses bras autour de l'encolure de son cheval. Elle appuya son front contre le poil chaud de l'animal et se mit à pleurer. Depuis des mois, depuis des années, elle maîtrisait ses émotions, ses peurs, sa peine, mais aujourd'hui, elle n'était plus capable de les retenir.

Elle pleurait pour évacuer toutes les difficultés qui avaient été semées sur son chemin jusqu'à ce jour, elle pleurait aussi pour exprimer son soulagement de vivre de nouveau et elle pleurait aussi de joie. Elle sentait au fond d'elle que tout allait se régler et qu'elle allait retrouver une vie normale.


***

Hello !!! Trop contente de vous présenter ce nouveau chapitre !!

Est-ce que vous l'avez bien aimé ? 

Que sera la décision d'Adams et de Flavio à propos d'Alya ?

Merci à tous ceux qui lisent et commentent, ça me fait trop trop plaisir et ça m'encourage à continuer !

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