Chapitre 2 - Retour à la case départ

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Après la mort d'Angus, les choses allèrent très vite pour Ali. Il souhaitait reprendre la tête du duché, mais le roi refusa. Il le considérait comme étant trop jeune. Selon lui, Ali ne pourrait pas supporter la pression de ce rôle, et il devrait attendre ses dix-huit ans pour être officiellement considéré comme le nouveau duc de Ruthswald. Le roi Adams décida donc de faire de l'oncle d'Ali le responsable du duché pour les deux années restantes.

Ali fut pris d'un immense désespoir. Son secret était tellement lourd à porter... Et au lieu de pouvoir asseoir son pouvoir au plus vite avant qu'il ne soit révélé au grand jour, il allait devoir attendre deux ans. Et il allait devoir laisser le pouvoir à Archibald, le frère d'Angus. A côté de son frère, Angus était un ange. Archibald était un homme cruel et avide de pouvoir, prêt à tout pour obtenir le titre de duc qui lui avait échappé à la naissance d'Ali.

Ali sortit de son lit. Il demanda à son serviteur de lui apporter son petit-déjeuner dans sa chambre, il ne voulait pas descendre à la salle à manger de peur de croiser Archibald.

Son petit-déjeuner arriva rapidement. Dès que le serviteur partit, Ali ferma la porte à clef et tira les rideaux de sa chambre. Il sortit de larges bandes de tissu de sa commode et ôta la chemise ample qui lui servait de pyjama, dévoilant une petite poitrine ronde. Ali soupira, sa poitrine se remarquait de plus en plus et, à force de la comprimer avec des bandes, sa peau s'irritait et brûlait. Ali enroula les bandes et les serra fortement autour de ses petits seins. Voilà quel était le grand secret d'Ali. Ali s'appelait en réalité Alya, et Alya était une jeune femme de seize ans.

Sa mère avait accouché d'une petite fille et non d'un petit garçon. Elvie, l'épouse d'Angus, avait eu de grandes difficultés à tomber enceinte, et au vu de son âge elle n'aurait plus d'enfant. La petite Alya ne pouvait hériter du titre de duc ainsi que du domaine, seul un garçon le pouvait. Angus modifia alors l'identité du bébé. Il en fit un petit garçon, prénommé Ali. Il l'éduqua comme un garçon, il apprit le combat à l'épée, il apprit comment gérer un domaine, il apprit à compter, à monter à cheval. Personne ne soupçonna jamais rien. Alya dissimulait du mieux qu'elle le pouvait ses quelques formes, mais elle craignait qu'à un moment son secret ne soit révélé. Comment réagiraient les paysans lorsqu'ils comprendraient qu'une femme régissait le domaine ?

Plongée dans ses pensées, Alya termina de s'habiller lorsque quelqu'un entra dans sa chambre sans toquer.

— Alors comme ça on ne vient pas dire bonjour à son tonton ? beugla un vieil homme bedonnant.

Alya lui lança un regard froid. Elle ne daigna même pas lui répondre.

— Allez, arrête de faire la tête un peu ! Viens avec moi, j'ai quelque chose à te montrer !

Alya foudroya son oncle du regard. Elle avança à grands pas vers lui.

— Sors de ma chambre, articula-t-elle. Tu n'as rien à me montrer dans mon propre château.

Archibald se mit à rire.

— Voyons Ali, nous allons devoir cohabiter pendant au moins deux ans, tu pourrais être un peu plus aimable et faire honneur au cadeau que je t'ai préparé !

La jeune fille soupira et passa devant Archibald en grognant.

— Bon, bouge-toi, emmène-moi là où tu veux, je ne veux plus entendre parler de toi après.

Un sourire triomphant illumina le visage de son oncle qui sortit de la chambre et se précipita dans le couloir, l'air tout excité. Alya leva les yeux au ciel et lui emboîta le pas. Cet homme était vraiment un malotru. Il était arrivé au château seulement quelques heures après la mort du père d'Alya et se présenta au roi Adams comme étant son tuteur légal. C'était en bonne partie à cause de lui qu'elle n'avait pas pu obtenir le titre de duc et qu'elle devait à présent attendre deux ans de plus.

Le seul point commun qu'elle avait avec son oncle était sa soif de pouvoir. Elle voulait reprendre le contrôle de sa vie, elle souhaitait devenir le duc du domaine, elle voulait pouvoir coordonner toutes ses personnes et gagner de l'argent grâce à son travail. Elle ne voulait plus être tributaire de qui que ce soit. Elle était avide de liberté et de pouvoir.

Même si elle se fichait de la mort de son père, Archibald n'avait même pas présenté ses condoléances à Alya pour son décès. Il s'était directement installé dans la chambre de son défunt frère et dormait dans son lit. Il semblait très heureux d'être débarrassé de son frère et d'obtenir enfin le pouvoir qui lui avait été arraché seize ans auparavant. Si Archibald apprenait qu'Alya n'était pas née homme, il sauterait au plafond de joie, c'était une certitude. Tous ses problèmes se règleraient en quelques secondes. Le seul héritier restant pour le titre de duc serait lui. Lui seul.

Malgré son embonpoint, Archibald montait drôlement vite les escaliers. Alya le suivait, montant les marches quatre à quatre pour ne pas le perdre de vue. Qu'avait-il bien bu concocter pour paraître aussi pressé et excité ? Alya était rarement sortie de sa chambre en seize ans, mais elle reconnaissait vaguement les lieux. Il l'emmenait au sommet de la tour nord, qui était la tour la plus haute du château. D'en haut, la vue était incroyable, mais à part cela rien d'exceptionnel ne pouvait l'attendre.

Après avoir gravi un nombre impressionnant de marches, ils atteignirent enfin le sommet de la tour. Archibald la regarda fièrement en ouvrant grand une porte.

— Vas-y, entre en premier, ta surprise est dedans.

Alya fronça légèrement les sourcils, ne sachant pas à quoi s'attendre. Elle pénétra dans une pièce circulaire, qui sentait le moisi à plein nez. Le sol et les murs étaient en pierre et il y faisait particulièrement froid. La pièce était vide. Totalement vide. Il n'y avait rien à voir là-dedans.

Alya se retourna pour demander à son oncle quel était l'intérêt de l'emmener ici. Elle eut tout juste le temps de voir le ciel bleu disparaître et la porte se claqua violemment. Elle se précipita contre la lourde porte en bois massif et la frappa de toute la force de ses poings.

— Espèce d'abruti, laisse-moi sortir ! hurla-t-elle. Ouvre cette porte tout de suite !

Elle entendit Archibald ricaner de l'autre côté de la porte.

— Tu vas rester ici, c'est moi qui te le dis. Tu risques pas de sortir de cette pièce de sitôt. Je vais enfin pouvoir avoir la paix pour gérer ce domaine comme je l'entends.

Alya fut prise d'une crise de rage. Ses poumons lui faisaient mal à force de hurler des insultes à son oncle, mais personne ne lui répondit. Il avait dû partir. Personne ne risquait de l'entendre, elle était au sommet d'une tour particulièrement haute. La jeune fille se blottit au fond de la pièce pour réfléchir. Aucune issue ne se présentait à elle. Une lumière blafarde venait d'une minuscule meurtrière, bien trop haute pour qu'elle puisse l'atteindre, et bien trop petite pour qu'elle puisse s'enfuir par ici.

Elle eut beau se creuser la tête, aucune idée ne lui vint à l'esprit. Elle devait simplement accepter son sort. La porte n'avait aucune faille, les murs et le sol non plus. Et elle n'avait même pas son épée. Elle appuya sa tête contre le mur en fermant les yeux. Quelle vie... A peine échappait-elle à un tyran qu'elle tombait entre les griffes d'un autre persécuteur. 

***

Nouveau chapiiiiiitre !!

Que pensez-vous d'Alya ? 

Et d'Archibald ? 

Et de son enfermement dans la tour nord ?? 

Merci de lire cette histoire, ça me fait trop trop plaisir, hésitez pas à liker et à commenter !!

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