Chapitre 32 - Muet comme une carpe

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Alya arrêta de marcher et regarder la silhouette carrée de Flavio rejoindre le campement des soldats. Elle sentit les larmes monter à ses yeux et elle les essuya du revers de sa main dans un geste rageur. Elle renifla bruyamment et essaya de reprendre ses esprits. Elle s'était visiblement trop attachée au jeune homme, qui ne semblait pas ressentir la même chose qu'elle. Elle s'était trop avancée et lui avait trop fait confiance. Et à présent, le chevalier avait un comportement odieux à son égard.

La jeune femme inspira et expira longuement. Il était hors de question que l'attitude à la limite de la bipolarité de Flavio lui fasse baisser sa garde. Elle gardait totalement en mémoire les enjeux de sa présence ici. Il ne fallait pas que qui que ce soit se rende compte qu'elle n'était pas un homme. Sinon, c'était la peine de mort qui l'attendait. Elle devait donc rester concentrée et attentive. Ce n'était pas le moment de se faire démasquer.

Elle rejoignit à son tour le campement des soldats, et elle aperçut au loin Flavio et Adams qui parlaient à voix basse. Un frisson parcourut la colonne vertébrale d'Alya. Le chevalier avait connaissance de son secret et, au vu de la situation actuelle, il semblait prêt à le révéler au roi. Elle déglutit et les ignora, ravalant son inquiétude.

Prêt du feu, elle vit Colin qui jouait avec un grand bâton. Elle sourit en admirant son innocence et sa capacité à faire abstraction des difficultés qui se présentaient à eux. Elle s'assit à côté du petit garçon, qui vint lui faire un câlin. Ses petits bras s'étaient agrippés à son cou. Il semblait ne jamais vouloir la lâcher. « Si seulement tu pouvais parler... », pensa Alya.

Soudain, une idée de génie lui traversa l'esprit. S'il ne pouvait pas lui parler, elle pouvait toujours lire dans ses pensées. Abasourdie de n'avoir jamais eu cet éclair de génie, elle se leva brusquement en poussant un petit cri d'excitation. Elle serra fort Colin dans ses bras, lorsqu'elle remarqua que plusieurs soldats avaient tourné la tête vers elle, visiblement surpris. Alya se racla la gorge, son cri avait dû être plus strident que ce dont ils avaient l'habitude. Depuis son départ du château de Ruthswald, elle avait remarqué que sa voix devenait de plus en plus aiguë, que sa poitrine prenait un volume plus important de jour en jour et que ses cheveux poussaient à la vitesse de l'éclair. A présent, elle était obligée de les couper tous les deux jours, et elle se forçait à parler avec la voix la plus grave possible pour ne pas être démasquée. Ces changements rapides de son corps lui faisait craindre le pire. Elle n'avait qu'une hâte : que la campagne contre le Comte Swan se termine au plus vite.

Elle fit abstraction des regards curieux des soldats et se tourna vers le petit garçon qu'elle tenait dans ses bras.

— Mon petit Colin, j'ai eu une idée de génie. Je sais que tu ne vas pas me répondre, mais j'ai eu l'idée d'essayer de lire dans tes pensées pour communiquer avec toi. Qu'en penses-tu ?

Le petit garçon sourit joyeusement en hochant la tête. Alya allait plonger ses yeux dans ceux de Colin, lorsqu'une voix grave retentit derrière elle.

— Tu ne vas pas y arriver.

La jeune femme se retourna et croisa le visage fatigué d'Auxence.

— Pourquoi ?

— Je n'ai jamais réussi à lire dans ses pensées. Son esprit y est totalement hermétique.

Alya baissa la tête déçue. Elle essaya quand même. Ses yeux bleus se plongèrent dans ceux du petit Colin. Mais elle n'y lut rien. Rien du tout. Un vide intersidéral.

— Comment est-ce possible ?

Auxence haussa les épaules. Le jeune mage n'en savait rien.

— Colin est un vrai mystère. Sous ses apparences de petit garçon normal, je pense qu'il cache bien des secrets. Secrets qu'on ne peut pas percer car il ne parle pas.

— Hector avait l'air de le connaître pourtant.

— Hector connaît tout le monde, répliqua Auxence.

Un long silence s'installa entre les deux jeunes gens. Chacun était plongé dans une réflexion profonde.

— Je suppose que, comme Colin, je suis un mystère, dit Alya d'une voix triste.

Auxence ne prit pas la peine de répondre. Il se contenta de hocher la tête, les yeux perdus dans le vide.

— J'aimerais sincèrement pouvoir t'aider, mais je ne crois pas être capable de le faire. Je me sens affreusement impuissant. Je suis désolé, Ali.

Alya secoua doucement la tête. Elle s'en doutait. Comprendre qui elle était vraiment, percer le secret de son identité, c'était à elle de le faire. Et à elle seule. Il fallait qu'elle retourne voir Hector.

Elle en avait la ferme résolution. Alya était convaincue que c'était la meilleure chose qu'elle puisse faire. Mais elle savait parfaitement que Flavio refuserait de la laisser partir seule. Surtout avec le danger environnant. Elle se souvint brusquement de l'homme au couteau qui avait bien failli l'assassiner. Elle passa la main sur sa joue, à l'endroit où la lame du poignard avait entaillé sa peau. Elle grimaça de douleur. Flavio lui avait sauvé la vie. Et il avait ensuite agi comme un goujat, à tel point que la jeune femme avait oublié de poser des questions sur l'homme qui avait essayé de la tuer.

Elle partit d'un pas leste vers le torrent. Elle retrouva sans difficulté le rocher sur lequel elle s'était installée quelques heures auparavant. Elle traversa le torrent, s'enfonçant jusqu'à la taille dans l'eau glaciale. Son but était de retrouver le corps de l'homme. Mais quand elle atteignit la rive, elle ne vit pas son cadavre. Pourtant, elle était persuadée qu'elle se trouvait à l'endroit exact où Flavio l'avait tué.

Alya se lécha nerveusement les lèvres. Elle écarta un peu les herbes, à la recherche d'un indice quelconque. Sur le sol, elle vit un morceau de métal briller à la lueur argentée de la lune. Un poignard. Peut-être celui qui aurait pu lui prendre sa vie. Elle le passa à sa ceinture, souhaitant l'examiner plus tard.

La disparition du corps de l'homme la mettait particulièrement mal à l'aise. D'autres hommes étaient sûrement dans les environs, et avaient récupéré le cadavre de leur camarade. Alya décida de faire demi-tour et de retourner au campement. Elle sentait que le danger l'entourait et l'oppressait. La nuit était à présent tombée depuis plus d'une heure, et l'obscurité ne l'aidait pas à se sentir à l'aise.

Elle allait partir lorsque son médaillon, accroché autour de son cou, se mit à chauffer et à briller d'une lumière dorée. Elle le couvrit de sa main et sentit son cœur battre plus fort. Une branche craqua derrière elle. Des pas. Des pas lourds d'un homme. Alya attrapa le poignard qu'elle avait ramassé quelques minutes plus tôt. Attentive au moindre bruit, elle scrutait les ombres menaçantes qui l'entouraient. Elle se mordit l'intérieur des joues et décida de prendre la fuite. Elle traversa à la vitesse de l'éclair le torrent et courut jusqu'au campement des soldats.

Elle y arriva essoufflée et fatiguée. La jeune femme vit que Flavio l'observait de loin. Mais, alors qu'elle pensait qu'il lui demanderait si tout allait bien, il ne lui dit rien. Il se contenta de tourner les talons et il alla s'installa près du feu avec Auxence. Alya soupira d'agacement. Elle reprit son souffle et constata que son médaillon ne luisait plus. Cet objet était un vrai mystère.

***

BON LES AMIS ! Comment ça va ? 

Je suis trop fière de mon rythme d'écriture en ce moment hehehehe

Qu'avez-vous pensé de ce nouveau chapitre ? 

Je vous préviens, de la grosse (grosse) action arrive bientôt !

J'attends vos hypothèses sur tous les mystères qui entourent notre petite Alya ;)

Je tenais aussi à vous remercier pour les 4000 vues sur cette histoire ! Franchement, c'est dingue, je ne pensais pas avoir autant de soutien et d'adorables commentaires avec cette histoire, que j'ai commencé à écrire sur un coup de tête total. 

J'ai commencé à écrire cette histoire à un moment où j'étais extrêmement mal dans ma vie, j'ai trouvé un moyen de remonter la pente dans l'écriture. Et vous n'imaginez pas à quel point ça compte pour moi de réussir à faire quelque chose de beau à partir des moments difficiles de ma vie. 

Je n'ai donc qu'un mot à vous dire : merci. Merci de faire vivre "Incompatibles". Merci de m'avoir aidé sans le savoir à sortir la tête de l'eau dans un moment difficile de ma vie. Gros bisous <3

IncompatiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant