Le lendemain, lorsque mon réveil a sonné, j'ai appuyé dessus pour l'éteindre.
– Allo ?
Mince ! Ce n'était peut-être pas l'alarme de mon réveil tout compte fait. Je suis restée blottie dans mon lit, muette, comme si j'étais toujours en train de dormir.
– Allo... ? Tu vas bien ? Qu'est-ce qui s'est passé hier ?
J'ai attrapé mon portable pour contempler l'écran. Le numéro ne me disait rien. La voix, en revanche, sonnait aussi désagréablement qu'un souvenir qu'on a enterré et qui, soudain, refait surface.
– Allo, ai-je articulé d'un ton contrarié.
Une rancune sourde grandissait au creux de ma poitrine. « Le soleil ne brillera plus jamais comme ça. » C'était censé être notre dernière phrase. Pourquoi cette conversation avait-elle lieu ? J'avais tout fait pour partir avec panache dans une aura de mystère et voilà qu'il m'imposait une dispute de si bon matin. Pourquoi est-il toujours nécessaire de justifier un départ alors qu'il est inutile de justifier une rencontre ? J'aurais aimé pouvoir me faufiler hors de sa vie aussi facilement que j'y étais entrée quatre mois plus tôt.
– Je crois qu'il y a un problème avec mon téléphone. Je n'arrive plus à te joindre. Je me suis tellement inquiété. J'ai emprunté le téléphone de ma voisine. Il faut absolument que je passe à la boutique pour réparer le mien.
J'ai inspiré un grand coup. Comment lui dire qu'il n'y avait rien à réparer, que j'avais déjà réduit en miettes tout ce qu'il restait de nous deux ?
Puis j'ai aperçu ma robe blanche qui, entre les battants de ma garde-robe, ressemblait à un rayon de soleil égaré. Le doute m'a pris à la gorge. L'envie de tout recommencer. Froisser ce brouillon de rupture pour en faire un chef d'œuvre.
– Ma mère m'a appelée. Elle avait du mal à respirer. J'ai été obligée de partir.
– Elle va bien ?
– Bof, comme d'habitude. Une crise d'angoisse. Mon portable était déchargé. C'est pour ça que tu n'as pas su me joindre.
– Ah, mais maintenant il est chargé. Pourquoi je n'arrive toujours pas à t'appeler à partir du mien ? J'ai essayé il y a cinq minutes.
– Aucune idée, ai-je dit en pianotant rapidement pour débloquer son numéro. Tu devrais réessayer. Je l'ai mis sur le chargeur il y a trois minutes à peine.
Il a raccroché. Puis son nom est apparu sur l'écran comme si la journée d'hier n'avait pas existé. Déjà tout s'effaçait, les canards s'enfuyaient, la fontaine s'éteignait, les érables lâchaient leurs feuilles au vent, comment avais-je pu choisir ce décor, cette tenue pour me servir d'emblème ? Cette rupture en catimini était ridicule. Il fallait tout recommencer. Voir les choses en grand.
– On se voit toujours demain soir ? a-t-il demandé d'une voix teintée d'excitation.
– Euh...
– C'est mon anniversaire, a-t-il précisé.
J'avais totalement oublié. Mais soudain tout m'est revenu en boomerang. La table d'angle au fond du restaurant, l'énorme plante ornementale qui créait un coin intime. « La table des privilégiés » m'avait dit le patron lorsque j'étais passée prendre la réservation un mois plus tôt. Je m'étais sentie coincée parce que son meilleur ami travaillait dans ce restaurant et qu'il m'avait suggéré – de façon légèrement insistante – que ce serait l'endroit idéal pour fêter les vingt ans de Mattéo. J'aurais dû noter dans mon bloc-notes « annuler restaurant ».
– Oui, bien sûr, attends-toi à la surprise du siècle.
– J'ai hâte d'y être, m'a-t-il répondu avec enthousiasme.
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La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette Romans
RomanceQuand la douleur est trop brutale, on s'invente un cœur de métal. Elsa ne croit plus en l'Amour. Pour elle, l'amour est une construction sociale, un mirage inventé par notre société. Elle enchaîne les ruptures avec brio, fuyant dès que le garçon com...