Une semaine était passée. Je n'avais pas cherché à recontacter Laslo. Emmurée dans ma fierté et mes certitudes, j'avais laissé nos chemins se séparer. Notre rupture était donc bel et bien entérinée.
Je ne l'avais pas revu une seule fois. Je m'assurais toujours que la voie soit libre pour sortir de l'immeuble. Néanmoins parfois, en passant devant le cours de madame Henkle, malgré le silence absolu qui régnait, j'avais l'impression de sentir sa présence. Son regard s'accrochait quelques instants à ma silhouette et je sentais un minuscule interrupteur s'allumer quelque part en moi, mais je percevais davantage tous les milliers d'interrupteurs qui étaient éteints.
Il y avait comme un vide en moi. C'était probablement à cause de l'ocytocine, cette hormone de l'attachement qui vous donne l'impression que certaines personnes sont indispensables à votre vie. L'ocytocine créé un phénomène de dépendance, c'est bien connu. Tout finirait par rentrer dans l'ordre. Il fallait juste attendre que mon corps retrouve son fonctionnement normal.
J'avais aussi un problème avec mon hippocampe, ce petit chef d'orchestre de la mémoire, qui avait, semblait-il, emmagasiné trop d'informations. Je n'arrivais pas à faire table rase comme d'habitude, à élire les souvenirs que je souhaitais garder et à balayer les autres. Si seulement j'avais pu remplacer le sourire de Laslo par la grosse tête de Rosa l'hippopotame.... Mais je me souvenais de tout. Des premiers mots échangés au dernier regard. De chaque instant de complicité, de la moindre caresse, de la façon dont il était habillé chaque fois que je l'avais embrassé, de toutes les nuances de regards que nous avions échangés, des ambiances électriques aux rires communicatifs, de la façon dont ses cheveux partaient en chaos quand il se réveillait et de la façon dont sa voix prenait une teinte suave quand il me désirait, tout était là dans ma mémoire, telle une mosaïque que je pourrais contempler en permanence. Tout paraissait présent. Le temps refusait de faire son travail, d'imprimer le sceau du passé et d'archiver cette histoire dans des tréfonds inaccessibles. Quelque chose avait dû bugger, mais ça finirait par passer. Le corps humain est prévu pour s'autoréguler. Il fallait juste faire preuve de patience. Tout du moins, je l'espérais.
Heureusement la fête de Beltane approchait à grand pas, occupant une grande partie de mon temps libre. J'avais réussi à convaincre Irlanda de participer à l'organisation. Avec l'arrivée du beau temps, beaucoup de membres du comité avaient déserté, préférant se prélasser dehors. Nous avions peu de temps devant nous et besoin de petites mains.
– Hé ! Tu peux me passer le scotch ?
Louisa regardait en direction d'Irlanda qui, appliquée à réaliser sa couronne de fleurs, ne l'avait pas entendue. On avait opté pour des marguerites jaunes pour symboliser la lumière du soleil, agrémentées de quelques branches de thym et de feuilles de laurier pour le clin d'œil aux fées.
– Irlanda ! l'ai-je interpellée, ce qui l'a immédiatement fait sursauter. Tu peux passer le scotch ?
– Tu t'appelles Irlanda ? a relevé Trevor, occupé à poncer le mât pour enlever les petites irrégularités de l'écorce. Je parie qu'il y a une longue histoire derrière ce prénom...
J'ai frémi. Il était clairement en train de la draguer, totalement inconscient que c'était la pire manière de s'y prendre. Si nous avions été dans une bande-dessinée, on aurait pu voir de la fumée sortir des oreilles d'Irlanda. Elle s'est levée et s'est approchée comme si elle avait l'intention de le ficeler au mât avec un morceau de scotch sur la bouche.
– Et toi pourquoi tu es grand ? Tu as mangé beaucoup de soupe quand tu étais petit ? Tu comptes des géants parmi tes ancêtres ? Et pourquoi tu es blond ? Tu viens de Finlande, de Norvège, de Suède ? Tu as des origines vikings ?
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La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette Romans
RomanceQuand la douleur est trop brutale, on s'invente un cœur de métal. Elsa ne croit plus en l'Amour. Pour elle, l'amour est une construction sociale, un mirage inventé par notre société. Elle enchaîne les ruptures avec brio, fuyant dès que le garçon com...