Chapitre 23

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Le mot « Chalet » avait légèrement été surestimé. Il s'agissait plutôt de petites cabanes sur pilotis, dépourvues d'eau mais équipées de toilettes sèches. Fort heureusement, il y avait des sanitaires traditionnels accessibles jusqu'à 20 heures au stand d'accueil.

– C'est pas si mal, ai-je dit en m'affalant sur le lit double dont la housse de couette ressemblait à un guide pour reconnaître les champignons de la forêt – ça pouvait toujours être utile, cela dit, pour celui qui se réveillait avec une fringale au milieu de la nuit.

J'avais réservé une cabane pour moi et Laslo. Irlanda et Bryan n'avait pas encore fait leur choix. Bryan s'est assis sur le lit comme pour tester le niveau de confort, puis a dévisagé la lampe d'un air consterné – elle était en forme de champignon elle aussi, rouge à pois blancs, dans le genre hideux qu'on imagine forcément vénéneux. Juste au-dessus, il y avait un dessin avec un petit lapin qui aurait pu rehausser le niveau, si l'animal n'avait pas été représenté de dos si bien qu'on ne voyait que son derrière. Je ne sais pas qui avait imaginé la décoration, mais il fallait que je trouve quelque chose pour la faire oublier.

– Oh, vous avez vu, cet écureuil ? me suis-je extasiée en regardant vers la fenêtre où il n'y avait que des branches dénudées. Cet endroit est vraiment trop romantique.

Irlanda m'a jeté un regard interloqué – elle n'avait pas l'habitude d'entendre ce mot sortir de ma bouche. Elle s'est tout de même approchée de la fenêtre, à la recherche de l'écureuil invisible.

– C'est vrai que c'est joli, a-t-elle constaté.

J'ai décoché un sourire à Bryan, tout en lui signifiant par un regard qu'il avait intérêt à ne pas gâcher mon plan. Je n'étais pas certaine que l'expérience du pont dangereux ait été suffisamment concluante.

Bryan s'est levé et a glissé son bras par-dessus l'épaule de sa copine.

– Et si on restait dormir nous aussi ? a-t-il glissé d'une voix pleine de tendresse, au point que je n'aurais su dire s'il le faisait pour elle ou pour moi. En plus, je meurs de faim. J'ai trop hâte d'attraper cet écureuil pour le faire rôtir.

Tout le monde a rigolé, puis on a décidé d'aller prendre une douche avant le feu de camp. Et, là, miracle, en sortant j'ai vraiment vu un écureuil super mignon traverser une branche. Mais, cette fois, personne ne m'a cru.

– C'est bon, on reste, m'a rétorqué Bryan, tu peux arrêter avec tes histoires d'écureuils.

– Non, mais je te jure qu'il y en avait un.

– Oh, vous avez vu cette magnifique mouflette, m'a-t-il charriée en désignant un buisson. Incroyable !

– J'ai plus incroyable, a déclaré Laslo. Ça fait deux minutes qu'une araignée se balade dans les cheveux d'Elsa et elle ne l'a même pas remarquée.

Toute la forêt a tremblé sous mon cri.

*

Le ciel était d'un bleu glacé ténébreux lorsque nous avons pris place autour du feu qui venait d'être allumé dans une clairière. Il y avait des rondins disposés en guise de sièges ainsi que des couvertures. Tout était supervisé par le moniteur qui nous a apporté la nourriture. « Au moins, nous n'aurons pas à chasser », l'a remercié Bryan. Ensuite, il s'est éloigné pour nous laisser tranquilles, venant de temps en temps rajouter une bûche et vérifier que tout se passait bien.

Une fois rassasiés, j'ai proposé de jouer au dilemme impossible. J'ai résumé les règles pour Bryan et Laslo. En gros, il s'agissait de trancher entre deux choses impossibles à départager. Le véritable dilemme ne consistait pas à choisir, mais à justifier son choix de façon convaincante. J'ai commencé à poser une question à Irlanda pour qu'ils saisissent le principe.

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant