La balade avait pour thématique : « À la découverte du tétras lyre. » Ce nom m'évoquait une créature tout droit sortie d'un film d'Harry Potter, jusqu'à ce que la mère de Laslo nous informe qu'il s'agissait d'un oiseau galliforme, également surnommé coq ou poule de bruyère.
– Il y a peu de chances que nous en observions aujourd'hui. Ils sont très farouches et ont tendance à se cacher, surtout en hiver, mais vous les entendrez peut-être roucouler.
La visite a commencé par la traversée d'une vaste étendue d'herbes jaunes et de bruyères, où se trouvaient quelques tourbières qui s'étaient formées dix mille ans plus tôt, à la fin de la dernière glaciation.
– Lorsqu'il gèle, le tétras lyre construit de petits igloos sous la neige, a mentionné la mère de Laslo, les mains glissées dans sa grosse doudoune verte.
Deux kilomètres plus loin, nous avons découvert un attroupement de bouleaux, le seul arbre capable de s'implanter dans ces sols acides. Notre guide nous a montré les petites inflorescences qui pendaient le long des branches et qui constituaient la nourriture du tétras lyre en hiver. Puis elle nous a expliqué pourquoi l'espèce était en déclin, notamment à cause des variations climatiques, le tétras lyre étant incapable de réguler sa température corporelle.
– Il y a aussi eu un feu de forêt qui a dévasté la région en 2011 et décimé la population de tétras lyres.
J'ai ressenti un petit choc dans ma poitrine. Ça me faisait toujours cet effet quand on évoquait une catastrophe naturelle. La grandeur de la nature s'exprimait de bien des façons : par sa beauté, tout comme par sa force de destruction.
Ma mère écoutait attentivement toutes ces informations. Elle ne s'était pas plainte une seule fois depuis le début de la promenade, mais je n'aurais su dire si elle prenait sur elle ou si elle passait un bon moment. De tourbières en bocages, nous avons atteint de petits pontons qui serpentaient par-dessus des marécages. « Plusieurs loups ont été aperçus par ici », nous a informés notre guide en désignant l'immense vallée ourlée par une sombre forêt.
Soudain, au détour d'un chemin, Irlanda m'a tirée par la manche en me désignant des broussailles :
– C'est le moment de s'éclipser.
– Quoi ?
Elle a tapoté l'épaule de ma mère.
– On va faire quelques selfies par là. Ne nous attendez pas. On vous rattrapera.
Ma mère a à peine eu le temps de balbutier quelque chose qu'on avait déjà décampé.
– Bon maintenant, c'est quoi le plan ? ai-je demandé alors qu'on était perdues au milieu de nulle part.
– On attend que le groupe s'éloigne. Et on laisse faire le destin.
– Hein ?
Qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? Que ma mère allait tomber amoureuse et repartir à l'aventure comme lorsqu'elle avait vingt ans ? Il était temps qu'Irlanda redescende de son petit nuage. On ne rencontrait pas l'amour au détour d'un sentier de randonnée et ce n'était pas le remède à tout.
– Ça guérit plus de choses que tu ne le crois ! m'a-t-elle rétorqué. Mais je n'espère pas qu'elle rencontre l'amour. Je sais qu'il y a une chance sur un milliard pour qu'elle le trouve ici. Je veux juste lui laisser l'occasion de faire connaissance avec des gens de son âge et elle ne le fera pas si elle nous a dans les pattes.
– Et nous, comment on va faire pour rentrer ? Je ne me rappelle déjà plus comment on est arrivées jusqu'ici. Tu as entendu qu'il y avait des loups ?
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La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette Romans
RomanceQuand la douleur est trop brutale, on s'invente un cœur de métal. Elsa ne croit plus en l'Amour. Pour elle, l'amour est une construction sociale, un mirage inventé par notre société. Elle enchaîne les ruptures avec brio, fuyant dès que le garçon com...