Chapitre 13

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Deux ans plus tôt...

Le message de Tristan disait :

Je vais bien. Je suis dans un gymnase. On a été évacué en bateau par l'armée. Mais on n'a pas pu prendre Tyra. Elle est toujours au premier étage. J'espère que l'eau ne montera pas jusque-là.

J'ai ressenti un pincement au cœur en songeant au chien de Tristan qui ne devait pas comprendre ce qui lui arrivait. Même les humains ne comprenaient pas.

Néanmoins, j'avais le cœur plus léger, l'estomac moins noué. Je pouvais enfin respirer à plein poumons, maintenant que mon esprit pouvait se répéter, non comme une prière mais comme une affirmation : Il va bien.

J'ai commencé à taper ma réponse.

Je suis tellement contente que tu ailles bien. De mon côté, l'eau est redescendue aussi vite qu'elle était montée. Je suppose que ce sera pareil dans ton quartier et que tu pourras vite retourner chez toi et retrouver Tyra. Je t'aime.

J'ai regardé ces derniers mots qui étaient les seuls que j'aurais voulu écrire. Les seuls qui résumaient véritablement ma pensée. Nous ne nous l'étions jamais dit. Pourtant nous sortions ensemble depuis un an. Ça me paraissait le bon moment pour lui ouvrir mon cœur. Bien sûr qu'on s'aimait, je n'en avais aucun doute, mais l'urgence des mots tremblait tout à coup au fond de ma gorge, au bout de mes doigts. Mon amour était si puissant qu'il réclamait d'exploser au grand jour. Néanmoins, j'ai effacé la dernière phrase, car le portable d'Irlanda n'affichait plus que trois pour cent de batterie et que je n'étais pas sûre d'être capable d'attendre la réaction de Tristan pendant des jours. Peut-être que je préférais qu'on se le dise en face. Je sentais qu'il était imminent ce moment où, après avoir frôlé la catastrophe, on se jetterait dans les bras l'un de l'autre et, sans même s'en apercevoir, un « Je t'aime » s'échapperait de nos bouches comme une simple respiration.

Trois jours après le début des inondations, le soleil s'est mis à briller royalement. Tout le monde a levé la tête avec ahurissement. Ça paraissait surréaliste tout ce bleu au-dessus de toutes ces ruines, cette soudaine clémence du ciel qui semblait n'avoir plus une larme à verser.

L'été était enfin arrivé.

Mais il débarquait un peu trop tard.

Plus personne n'avait le cœur à en profiter.

Les rues ressemblaient à une vaste brocante d'objets abîmés. Tout le monde sortait ses meubles pour les faire sécher ou pour s'en débarrasser. Un voisin, qui possédait une cave à vin, a eu l'idée de déboucher toutes ses bouteilles qui avaient été noyées pour ne pas gâcher un si beau millésime. Jusque tard dans la nuit on entendait des gens rire et chanter. Il fallait bien rire et chanter pour oublier la moisissure, le salon ravagé, la voiture emportée, l'assurance qui ne couvrirait pas la moitié des dégâts.

Lorsque l'électricité a enfin été rétablie, j'ai pu avoir Tristan de vive voix. Il m'a appris qu'il était hébergé dans une chambre d'hôtel avec sa famille parce que sa maison était insalubre. Tyra allait bien, mais elle avait dû être placée en pension, car l'hôtel n'acceptait pas les animaux.

J'ai voulu aller le voir, mais beaucoup de routes étaient barrées et les bus ne circulaient pas jusque-là. De toute façon, Tristan m'a fait comprendre que ce n'était pas vraiment le bon moment. La situation était trop tendue, trop compliquée.

À la fin de l'été, il m'a téléphoné pour m'annoncer que les services sociaux leur avaient trouvé une maison avec jardin. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une bonne nouvelle.

– C'est super. Tu vas pouvoir retrouver Tyra.

– Oui, c'est bien, a-t-il répondu d'un ton beaucoup moins emballé que le mien. Mais c'est loin. Je vais devoir changer de lycée.

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant