Il fallait que je trouve quelque chose pour dissiper les préjugés d'Irlanda. Je n'avais aucune envie qu'elle tire la gueule chaque fois que Laslo mettait un pied à la maison, encore moins qu'elle le surnomme jouet, détritus ou chaussette.
– Tu n'aurais pas une idée ? ai-je demandé alors que je grignotais à la cafet avec Bryan avant la réunion du comité.
– Un grand rassemblement permet toujours de fédérer les cœurs, a-t-il répondu en plongeant sa cuillère dans son pot de mousse au chocolat.
– Je ne parlais pas de la soirée du nouvel an, mais de mon problème avec Irlanda.
– Moi aussi. Il faut que tu organises une sortie de groupe. Un truc sympa comme un laser game. J'adore le laser game.
– Je ne sais pas si se tirer dessus est la meilleure option pour créer du lien.
– Alors un escape game. Mais pas de bowling, s'il te plaît. Je déteste le bowling.
– C'est ma sortie, je te rappelle.
– Oui, mais c'est moi qui vais t'aider à convaincre Irlanda que ce type mérite toute sa considération. Je vais chanter ses louanges toute la journée. « Oh, ce Lancelot, quel chevalier servant ! »
– C'est Laslo, pas Lancelot.
– Dommage. Mais t'inquiète. On va passer un super moment et, à la fin de la journée, la glace sera brisée.
Il a savouré sa bouchée avec un sourire de délectation. J'ai terminé mon sandwich, dubitative.
– Alors qu'est-ce que tu vas présenter comme thème pour la soirée ?
– Anachronisme.
Je lui ai lancé un regard interrogatif pour qu'il développe.
– Tu t'habilles à la mode mais avec une touche ancienne, comme une couronne de lauriers, une épée, des bottes de cow-boy, une perruque Louis XIV. Ou tu fais l'inverse, tu portes un costume d'époque avec un accessoire moderne. Ça donne des vikings avec des lunettes de skis et des courtisanes avec des baskets à plateformes.
– Je trouve ça pas mal.
– Et toi, tu as une piste ?
– Aucune. Je n'ai jamais eu beaucoup d'inspiration pour ce genre de fête. Chez moi, ça a toujours été une période déprimante.
– Pourquoi ?
– Parce que c'est censé être un moment qu'on partage en famille et que j'étais toute seule avec ma mère. Enfin moi ça ne me dérangeait pas, mais elle était toujours mélancolique, donc ça plombait l'ambiance.
– Moi, c'était totalement l'inverse. C'était le seul moment de l'année où je pouvais sortir une robe à paillettes sans que personne ne s'offusque parce que tout le monde était d'humeur festive. Maintenant que j'ai grandi, c'est un peu différent....
– Pourquoi ?
– Mon père me laissait faire quand j'avais six ans, mais maintenant ça le met mal à l'aise. Ma mère, elle accepte, mais elle ne m'a jamais fait de compliment quand je portais une robe alors qu'elle m'en fait systématiquement quand j'ai l'air d'un garçon. Même si je ne suis pas spécialement bien apprêté...
Il a haussé les épaules, l'air de dire « C'est comme ça. Tant pis. »
– Tu viens de me donner une idée de thème. Les filles pourraient s'habiller en garçons et les garçons en filles.
– Ce serait encore mieux si on mélangeait les deux. Soirée féminin-masculin. Les garçons pourraient se maquiller, les filles porter des costards, mais chacun choisirait l'élément féminin ou masculin qu'il veut mettre en avant.
J'ai hoché la tête.
– Merci. Grâce à toi, j'aurais quelque chose à présenter à la réunion. Tu es sûr que tu ne veux pas proposer cette idée toi-même ?
Il a secoué la tête.
– On pourrait m'accuser de parti pris. C'est un peu comme si une tortue proposait à tout le monde de porter une carapace. Ça passera mieux si ça vient de toi.
Bryan a rassemblé tout ce qui traînait sur la table et a emporté le plateau. Depuis qu'il était devenu mon ami, je me sentais davantage à ma place et j'avais arrêté de fréquenter les filles avec qui je traînais auparavant, qui me semblaient appartenir à un autre univers que moi. Je ne regardais pas les mêmes séries qu'elles, je ne lisais pas de romances, je ne me prenais pas la tête à sonder les méandres de mon cœur. Bryan n'avait pas la même opinion que moi sur l'amour, mais il tolérait mon discours anti-romantique et s'amusait de mes grimaces dès que le sujet devenait trop mielleux. Il ne cherchait pas à me convaincre que j'avais tort ni à comprendre pourquoi j'étais comme ça. Il m'acceptait avec mon cœur bunker comme on ne demande pas à une tortue d'ôter sa carapace.
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Bonjour,
Je profite de ce chapitre pour savoir ce que vous pensez du personnage de Bryan et surtout de son prénom. Je vous avoue qu'à priori je ne suis pas fan de ce prénom, mais c'est celui qui m'est venu à l'esprit au moment où elle le rencontre et depuis j'ai du mal à en imaginer un autre. Est-ce que ce prénom vous dérange ou pas du tout ?
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La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette Romans
RomanceQuand la douleur est trop brutale, on s'invente un cœur de métal. Elsa ne croit plus en l'Amour. Pour elle, l'amour est une construction sociale, un mirage inventé par notre société. Elle enchaîne les ruptures avec brio, fuyant dès que le garçon com...