Chapitre 19

1.6K 246 73
                                    

Deux jours plus tard, n'ayant toujours pas reçu le verdict de madame Henkle, j'ai décidé d'aller la trouver. J'ai pris soin de me placer face à elle et de parler calmement – et poliment –, même si cette histoire de plante verte me restait toujours en travers de la gorge.

– Quand est-ce qu'on aura les résultats du speed dating ?

– Je les ai envoyés hier soir, a-t-elle répondu sèchement.

Je ne sais pas pourquoi elle ne paraissait pas de très bonne humeur, comme si j'avais rétrogradé dans son estime.

– Hier soir ? Il y a dû y avoir une erreur avec mon adresse mail. Je n'ai toujours rien reçu. Vous pouvez vérifier que vous avez bien la bonne adresse ?

Elle est restée stoïque.

– Vous pouvez vérifier que vous avez bien la bonne adresse ? ai-je répété en prenant soin de détacher mes syllabes.

– Il n'y a pas d'erreur. Vous avez passé votre temps à parler, donc je vous ai disqualifiée.

– Quoi ? Mais c'est injuste !

– Écoutez, je ne sais pas pourquoi vous vous êtes inscrite, mais vous devriez prendre tout ça un peu plus au sérieux. Trouver l'amour n'est pas un jeu.

– Je prends ça très au sérieux. C'est bien pour ça que je suis très contrariée de ne pas avoir le numéro de mon futur mari ! ai-je lancé, pleine d'aplomb.

Elle m'a adressé un regard dédaigneux. La guerre était officiellement déclarée.

– Irlanda m'avait prévenue que vous étiez un sacré numéro. Elle m'avait dissuadée de vous accepter. J'ai voulu vous laisser votre chance. Vous ne l'avez pas saisie.

– Vous m'avez appris des phrases complètement absurdes !

– Si vous vous étiez intéressée un tant soit peu à la langue des signes, vous vous seriez rendu compte par vous-mêmes que ces phrases étaient inappropriées. Je ne suis pas responsable si vous vous êtes contentée de reproduire mes gestes sans tenter de comprendre ce qu'ils signifiaient. Vous auriez pu au minimum apprendre l'alphabet. C'est bien la preuve que vous n'étiez pas suffisamment impliquée.

D'accord, elle avait peut-être raison. Je n'avais fait aucun effort. Mais qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire de me donner son numéro ? À moins qu'il ne m'ait pas validée ou qu'il ait matché avec une autre fille. Je préférais ne pas envisager ces possibilités.

– Très bien. Vous ne voulez pas me donner ses coordonnées ? Je m'en fous. C'est l'un de vos élèves, alors il ne sera pas très difficile à retrouver.

Elle a esquissé un geste qui donnait l'impression qu'elle poussait une charrue. J'ai froncé les sourcils. Madame Henkle avait le don de me laisser sans voix.

J'ai passé la journée assise en haut des escaliers à guetter toutes les personnes qui poussaient la porte d'entrée. Vers 10 heures, Irlanda m'a demandé si j'attendais un courrier important. J'ai secoué la tête, tout en gardant un œil sur la porte.

– Tu as mal quelque part ? On dirait que tu n'arrives plus à te lever.

J'ai démenti d'un signe de tête, les fesses toujours collées aux escaliers, tout en détaillant chaque personne du groupe qui venait de s'engouffrer dans le vestibule.

– Qu'est-ce tu fais exactement ?

Evidemment je ne pouvais pas lui dire que j'attendais le mec sur lequel j'avais flashé au speed dating, puisqu'elle n'était toujours pas au courant de ma participation.

– Je médite. Ça te dérangerait de m'apporter un sandwich ?

Mes munitions – à savoir deux sachets de biscuits – étaient épuisées. Je ne sais pas pourquoi j'avais cru qu'il se pointerait à la première heure pour me retrouver. Bon, en même temps, il ne savait pas que j'habitais ici...

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant