Chapitre 4

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La journée suivante s'est étirée telle une huitre qui résiste à s'ouvrir, rechignant à délivrer sa perle. À dix-huit heures, je suis arrivée d'un pas déterminé devant l'immeuble de Mattéo.

– C'est moi ! ai-je pépié à travers l'interphone, tout en songeant que bientôt ces mots ne voudraient plus rien dire.

Quand il a ouvert la porte, je me suis vue l'embrasser avec toute la douceur et la fougue qui se prêtaient aux circonstances.

– Tu es ravissante ! m'a-t-il complimentée. Cette robe est sublime. J'ai vraiment de la chance.

J'ai vu le sourire s'immiscer sur mon visage tandis que je faisais un tour sur moi-même pour qu'il puisse admirer les détails dorés ornant mes bretelles et mon dos nu échancré jusqu'aux reins. Je ressemblais à une vestale. Pure et innocente. Prête à jeter son cœur au feu.

Tandis que nous nous embrassions, j'observais nos corps enlacés, les baisers qu'il déposait dans mon cou, bien à l'abri derrière le plexiglas d'une photo qui représentait un voilier perdu au milieu de l'océan. Je n'étais pas là. J'étais dans chacun de ces cadres. J'étais derrière la vitre de l'ascenseur qui nous conduisait au rez-de-chaussée.

– Je peux savoir où on va ? s'est-il enquis d'un air excité.

– Chez Marco.

– Waouh ! Comment tu as fait pour obtenir une table ? C'est Donovan qui t'a pistonnée ?

– Même pas. Je m'y suis prise un mois à l'avance.

Un mois durant lequel j'étais censé te larguer.

– Merci.

Le mot a éclaboussé la vitre sans m'atteindre. Je ne ressentais rien. J'étais l'ampoule grésillante au coin de la rue. Je sautais de réverbère en réverbère pour suivre ces deux silhouettes qui ressemblaient à un jeune couple très amoureux. L'illusion était parfaite. Comme ces milliers de couples qui parcouraient les rues du monde entier, consumant les célibataires de jalousie, les induisant en erreur.

– Mes parents veulent bien nous laisser la maison dans le Sud l'été prochain, a-t-il déclaré alors que je venais de démarrer ; c'était la voiture d'Irlanda, mais elle me laissait l'utiliser quand bon me semblait.

La maison en question se situait en Occitanie, une région où il fait beau trois cent soixante jours par an, selon la rumeur. J'avais toujours rêvé d'y aller. D'ordinaire elle était louée en saison estivale. J'ai eu un pincement au cœur en pensant à ces fabuleux paysages que je ne verrais jamais. Il était optimiste tout de même pour penser que nous serions encore ensemble l'année prochaine.

– C'est ton cadeau d'anniversaire ?

J'espérais que non. Car passer ses vacances tout seul dans un petit village rural, loin de sa famille et de ses amis, devait être un peu déprimant. Quand bien même le soleil brillerait sans répit.

– Ils veulent nous faire plaisir maintenant que ça commence à devenir sérieux...

J'ai vu mon reflet, furieux, tambouriner dans le rétroviseur, hurlant que c'était le bon moment pour prononcer la phrase fatidique. Je l'ai ignoré.

– Peut-être qu'une fois que tu y auras mis les pieds, tu auras envie d'y rester.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Il paraît qu'il y a des régions qui nous ensorcellent. L'autre jour, j'ai vu un reportage sur un type qui était parti en vacances en Islande pour quinze jours et qui n'en est jamais revenu. Il a épousé une Islandaise et maintenant il fait du cheval au milieu des volcans.

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant