Chapitre 35

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Laslo dansait toujours près du feu avec une jolie brune. Je me suis approchée avec l'envie de les séparer et de reprendre ma place. Mais j'étais consciente qu'il ne me devait plus rien. J'avais eu ma chance ; je l'avais laissé partir. Il ne me devait plus rien, mais moi je lui devais des explications.

Dès qu'il m'a aperçue, il a lâché sa conquête et m'a dévisagée d'un air plutôt surpris.

– Je peux te parler une seconde ? ai-je demandé tout en me préparant à me faire envoyer balader.

Après tout, je l'avais bien cherché. J'aurais mérité qu'il me balance une punchline que j'aurais ensuite pu noter dans mon bottin des phrases impardonnables. Je lui avais fait du mal ; la logique aurait voulu qu'il me retourne le coup.

Mais Laslo a esquissé un sourire maladroit.

– Je te présente Eva, a-t-il dit en me désignant la jolie brune qui lui tenait compagnie.

– Oh...

Eva, c'était le nom de sa soeur. Je n'ai pas pu dissimuler mon soulagement et je l'ai prise dans mes bras, même si ça paraissait un peu excessif. Lorsque je me suis écartée, j'ai réalisé qu'elle n'avait pas l'air aussi ravie que moi. Je devinais un soupçon de méfiance dans son regard.

– Je peux te l'emprunter une minute ?

Elle a acquiescé d'un air compréhensif. C'est seulement après que je me suis rappelé qu'elle était sourde et qu'avec cette musique elle n'avait pas pu m'entendre. Mais nos regards s'étaient compris.

Nous avons esquissé quelques pas dans l'herbe pour nous éloigner. La nuit avait paré le ciel d'une armure impénétrable que même les étoiles peinaient à transpercer. Le feu paraissait d'autant plus précieux maintenant qu'il était le seul à nous éclairer.

– Je te dois la vérité, ai-je commencé, prenant mon courage à deux mains. J'ai appris ce que signifiait ton au revoir personnalisé et ça m'a fait paniquer. J'ai un peu de mal avec ces mots. Ils ont tendance à me faire fuir. Mais ça n'a rien à voir avec toi.

– Comment tu l'as découvert ?

– Par madame Henkle. Pourquoi tu me l'as dit de cette façon ?

– J'ai voulu te le dire de vive voix, mais ce jour-là, tu as fait ta tête d'hippopotame furieux, alors j'ai compris que je venais de découvrir ton point faible. Tu ne voulais pas de déclaration. Donc j'ai changé de sujet.

– C'était ce jour où tu m'as emmenée sur un banc en pleine nature ?

Il a acquiescé.

– Je t'avais acheté un bracelet. Je comptais te l'offrir et te dire ce que je ressentais pour toi, mais tu m'en as dissuadé.

– Tu savais pourtant que je n'aimais pas les trucs romantiques...

– Oui, mais je pensais que c'était un genre que tu te donnais parce que tu étais un peu gênée. Je pensais qu'on avait dépassé ce stade. Et puis j'ai compris que non.

– Alors toute cette histoire de chèvres...

– Je n'ai pas de cousin en Haute-Savoie.

J'ai souri en repensant à toute cette histoire qui était vraiment improbable.

– Le problème, c'est que j'avais vraiment besoin d'exprimer mes sentiments, même si tu ne voulais rien entendre. Alors quand on s'est retrouvé dans le hall juste à côté de la salle où j'apprends la langue des signes, ça m'a paru évident. C'était la seule façon de te le dire sans te brusquer. Tu m'en veux d'avoir utilisé un langage codé ?

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant