Chapitre 5

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Une fois dans la voiture, j'ai sélectionné la piste douze et j'ai poussé le volume à fond. La voix de Madonna s'est élevée telle une incantation.

You were my lesson I had to learn.

I was your fortress you had to burn.

Tu étais ma leçon à apprendre.

J'étais ta forteresse à brûler.

La pluie s'est mise à tomber. Pourtant le ciel était d'un calme olympien. La pluie déferlait de mon propre corps, comme si ma mémoire avait fait sauter le verrou où toute cette eau était contenue et maintenant elle remplissait les douves de mes glandes lacrymales. Pourquoi ? J'étais satisfaite, soulagée de cette rupture. Je n'aimais pas Mattéo. Alors pourquoi est-ce que je pleurais ? Ce n'était pas une pluie tambourinante, c'était une bruine discrète qui glissait sur mes joues comme un souvenir qui se faufile et dont l'écho s'intensifiait au gré de certains mots :

Learn to say good-bye

I yearn to say good-bye

Apprends à dire au revoir

Je languis de pouvoir dire au revoir.

Oui, j'avais appris à dire au revoir. C'était ma leçon à apprendre. Et maintenant cela ne me faisait plus ni chaud ni froid. Matteo n'était rien d'autre qu'une distraction. Comme Liam. Comme Thomas. Les garçons n'étaient rien d'autres que des vagues sur lesquelles on surfe avant de passer à une autre. Des vagues qui vous soulèvent un instant de la terre ferme, qui vous font frissonner l'espace d'une seconde, qui capturent dans leurs flots quelques éclats de soleil avant de retomber aussitôt. Toutes les distractions ont une fin.

There's no greater power than the power of good-bye

Il n'existe pas de plus grand pouvoir que le pouvoir des au revoir.

Ce pouvoir, j'en avais fait les frais. Maintenant je le détenais. Et je venais probablement de le transmettre à Mattéo. Il ne serait plus dupe désormais. Il était armé pour la vie. Il allait devenir un garçon au cœur bunker, tout comme j'étais devenue une fille au cœur bunker. Un jour, il comprendrait que je lui avais rendu un grand service.

There's nothing left to lose

There's no more heart to bruise

Il n'y a plus rien à perdre

Il n'y a plus aucun cœur à briser.

À travers mon rideau de larmes, j'ai vu apparaître dans le rétroviseur une jeune fille aux cheveux longs. Elle s'est mise à courir derrière la voiture en hurlant, comme si elle voulait que je fasse demi-tour, que je l'invite à monter à bord. J'entendais vaguement des phrases qui parlaient d'amour éternel, des bribes de poèmes mielleux et un prénom qui revenait telle une mélodie douloureuse et lancinante, se superposant à la chanson : Tristan... J'ai augmenté le volume de l'autoradio pour la faire taire, je ne voulais pas écouter ce qu'elle avait à me dire. Le sort a été rompu, je t'ai tellement aimé. La phrase m'a agrippée la poitrine. Je ne savais plus qui l'avait prononcée. Madonna ou cette adolescente qui me ressemblait trait pour trait et qui courait tellement vite comme si elle refusait que je l'abandonne.

Soudain elle a sauté sur le capot et m'a dévisagée avec des yeux remplis d'innocence et de naïveté. La voiture a ralenti un instant comme hypnotisée par ces milliers de rêves et d'illusions qui dansaient sur ce visage qui avait été le mien, agitant ma mémoire, accentuant le déluge.

Puis j'ai essuyé mes larmes d'un revers de main, et la jeune fille a décollé pour rejoindre le bas-côté telle une colombe brisée.

Je n'étais plus cette adolescente qui croyait à l'amour.

Je ne voulais plus jamais l'être.

______________

Bonjour,

J'ai une question très importante. Est-ce que vous avez compris le passage avec la jeune fille ?

Est-ce que c'est clair qu'il n'y a pas réellement une jeune fille qui saute sur son capot ?

La théorie des cœurs bunkers - Sous contrat d'édition Hachette RomansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant