5. Faut-il te dire...

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Arnaud se souvint alors qu'il y avait un joli petit village au bord de l'autoroute, une dizaine de kilomètres plus loin. Il décida d'y faire une halte afin de se lancer, enfin. Jérémy adorerait son bar avec les transats sous l'olivier, ça lui rappellera sûrement sa maison de vacances dans laquelle il se rendait tous les étés.

Clignotant à droite.

***

chapitre 5

Faut-il te dire...

***

Jérémy se réveilla quand la voiture rouge ralentit. Il regarda Arnaud l'air interrogateur, encore ensommeillé.

-Mais qu'est-ce que tu fous ? On vient de faire le plein !

-Tu verras bien, répondit Arnaud.

Il se gara devant l'unique café de la place du village et passa  commande, puis s'installa sur un transat à l'ombre d'un olivier, Jérémy sur ses talons. Celui-ci s'installa à sa droite sans comprendre. Mais qu'est ce qu'Arnaud a derrière la tête ?

- On est pas bien, là ? Fit-il tandis que l'employé du bar apportait des limonades fraîches.

- Bon Arnaud, tu vas m'expliquer ce qu'il t'arrive ?

- L'olivier, les transats... ça ne te rappelle rien ? Je me suis dit que ça serait sympa, non ?

Arnaud pensait à l'été 2020, où lui et Jérémy avait posté un live sur Instagram à deux, sur des transats similaires, à l'ombre d'un olivier semblable, dans la maison de vacances que louait Jérémy chaque été, où il avait invité Arnaud à y passer quelques jours. 

- Oui... c'est cool. Effectivement, on dirait les Cigales dans le Var. fit Jérémy avec patience. Bon, et ...?

- Quoi, j'avais envie de faire une pause, c'est tout...

-Arrête de me prendre pour un con et crache le morceau.

- Bon voilà Jérémy, tu as raison... j'ai quelque chose d'important à te dire, et même à te donner.

Il avait dit cela d'un ton enjoué.

Jërémy était maintenant curieux. On ne s'ennuyait jamais avec Arnaud. Il lui sembla soudain que Arnaud est l'être avec lequel il s'ennuyait le moins.

Il chassa aussitôt cette pensée de la tête.

Arnaud avait accompagné les paroles "à te donner" par un geste, dont Jérémy ne pu déterminer le sens, s'il posait sa main contre son cœur ou s'il tapotait la poche intérieure de son blouson.

Jérémy eut soudain un pressentiment qui le mit mal à l'aise. Dans un élan de protection, Il se répéta son mantra "ESFEINTAC".

En effet, Arnaud changea radicalement de ton. Il se redressa et déclara lentement, en fixant Jérémy dans les yeux:

- C'est pas facile pour moi, reprit-il anxieux, mais c'est important que tu saches ce qui me trotte dans la tête depuis longtemps. Ce que je te cache, mais que je ne vais plus pouvoir te cacher bien longtemps. Si tu me ris au nez, alors je saurais, je tournerai la page et je pourrais avancer.

Le mauvais pressentiment de Jérémy ne fit qu'augmenter. Il détourna le regard. Vite, feinter... trouver une vanne pour détendre l'atmosphère...

- Te rire au nez...! T'as conscience que dit comme ça, y'a de grandes chances que tu puisses tourner la page, c'est ça qui est cool, répondit Jérémy. Il riait mais une ombre passait dans ses yeux.

-OK, tu sais quoi, laisse tomber, dit Arnaud d'un air grave.

Jérémy ravala une deuxième vanne qui s'apprêtait à faire et devint extrêmement tendu.

-Pardon Arnaud. Allez je t'écoute. Je suis ton pote tu peux tout me dire.

Il n'échappa pas à Arnaud que Jérémy angoissait tout autant que lui. Manifestement Jérémy, mâchoire et poings crispés, regard fuyant, n'avait aucune envie d'écouter des confidences.

Cela rendit Arnaud extrêmement mal à l'aise. Il changea d'avis subitement. Non, tout compte-fait, ce n'était pas le moment... Il se frotta les cheveux énergiquement puis enfila ses lunettes de soleil. Vite, une idée. Son regard fixa un point et son visage s'éclaira soudain. "ça alors, quelle coïncidence frappante !" pensait-il.

-Donne-moi ta main.

-Arnaud arrête tes conneries.

-Donne-moi ta main, je te dis.

Jérémy obtempéra de mauvaise grâce. Il tendit la main droite et détourna la tête. Il sentit la main chaude d'Arnaud et frissonna. A sa gauche, Arnaud s'affairait contre sa main, mais à quoi ? Jérémy voulait fuir ce moment si gênant. Ce geste qui remettrait trop de choses en questions.

-Voilà, Jérémy !

Il jeta un coup d'œil sur sa main. Au bout de son majeur, une petite bête rouge à deux points noirs battait des ailes et lui chatouillait l'épiderme.

 Au bout de son majeur, une petite bête rouge à deux points noirs battait des ailes et lui chatouillait l'épiderme

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-Quoi, une coccinelle ?!!

-Oui. Je te dois bien ça, vu que j'ai abîmé la carrosserie de ta coccinelle l'an dernier.

- Pour la dernière fois, ma voiture n'est pas une coccinelle mais une Audi A3.

Puis il réalisa :

- Attends, tu as fait un détour dans ce patelin paumé pour me filer une COCCINELLE ! ? Tout ça pour faire une blague par rapport à la voiture ?? fit Jérémy incrédule et explosant de rire. Mais tu l'as depuis combien de temps dans ta poche de blouson ? Tu l'as mis dans un flacon avec des trous pour respirer ?

- Comment tu le sais que c'était dans ma poche de blouson ? dit Arnaud, faisant croire qu'il avait prémédité alors qu'il venait de la trouver sur sa jambe quelques secondes plus tôt.

- Je l'ai vu tout à l'heure, tu m'as dit "j'ai quelque chose à te donner", et tu as mis la main dans ta poche intérieure de blouson.

Jérémy regardait, soulagé et amusé, la coccinelle se baladant sur son doigt. L'atmosphère devint d'un coup plus légère.

-Bon Arnaud c'est bien joli, mais tu sais que je relâche toujours les animaux, que ce soit des truites, des coccinelles ou des ragondins, énonça Jérémy.

Ils étaient maintenant tous les deux, la tête adossée contre leur transat, observant la coccinelle qui n'en finissait pas de descendre du doigt de Jérémy. La tension était retombée...

-Bon, elle en met du temps, la coccinelle ! 

-Allez mamie, oust, bouge ton cul !

-En même temps c'est normal qu'elle prenne son temps : elle a pas envie de se faire flasher.

- Qu'est-ce que tu racontes encore... 

-Bin oui, elle n'a plus que deux points sur son permis !

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant