66 .Méta

72 13 24
                                    

-- Bon, et tu peux nous en dire plus ? ça a été écrit il y a combien de temps ? D'abord, c'est quoi, comme genre de roman. ça a pas l'air d'être de l'héroïc fantaisy ? C'est une romance, un policier, une autobiographie ? C'est publié chez Grasset, chez Flamarion ?

-- Non, chez Skyblog. C'est une fanfic Army.

-- Une quoi ? 

***

chapitre 66

Méta

***

... une fanfic army. 

 Certains spectateurs poussèrent des cris, d'autres se tournaient vers son voisin pour se faire répéter le mot, parce qu'ils n'avaient pas compris un traître mot de ce que "faneficarmi" signifiait. 

Laura Laune expliqua ce mot. Elle parla de ces écrivains d'un jour, écrivaines pour l'écrasante majorité. Elle parla de ses histoires qui courent depuis plus de dix ans, elle parla de cet exercice particulier qui consistait à créer du suspense autour d'une fin pourtant attendue. 

Elle parla de l'homosexualité, présente dans des fictions, surtout celles entre hétéros dans la vraie vie. Une manière de transgresser, peut-être. 

Elle parla de la vie privée des humoristes qui était toujours respectée, malgré les apparences. Car les écrivaines de fanfic ne se basaient que sur les éléments de leur vie qu'ils avaient eux-même dévoilés, taisant ou modifiant soigneusement d'autres informations qu'elles auraient pu apprendre de façon plus confidentielle. 

 Elle expliqua le mot "lemon". 

-- Le lemon, c'est à cause de la loi 34, dit Eric-Antoine.

-- la loi 34, c'est à dire ? 

-- La loi 34 est la loi la plus célèbre sur internet, selon la CNN en 2013. ça dit la chose suivante, je te traduis en français " Si ça existe, alors il y a une version porno. Aucune exception". 

Elle parla ensuite des tics de langage, des clichés. Par exemple, elle avait même fait des stats sur le nombre de fois où l'expression "son coeur loupa un battement" était employé, où le personnage principal avait un accident, devenait sourd, ou se droguait, embrassait l'autre contre un mur. Elle parla des multiples dénominations des protagonistes, l'homme au cheveux fous, l'ardennais, l'homme à l'humour absurde, l'homme à l'humour noir, le grand, le petit, le bouclé, le musclé. 

Elle avait allumé un écran et, telle une conférencière, avait illustré ses stats avec des camemberts sur les surnoms d'Arnaud ou le nombre de fois où Jérémy fait une fellation dans les fics. 

 Laura prenait son temps, savourait son effet.  Elle citait des passages, et Eric-Antoine, jouant parfaitement le gars conquis, en citait également. 

Le public était comme scotché à son siège, n'en perdant pas une miette. Certaines rougissaient et se ratatinaient sur place, comme pris en flagrant délit de savoir très bien de quoi Laura  parlait. Une petite brune à lunettes, cachée derrière sa frange, souriait à sa voisine.  Elle  reconnaissait peut être quelque chose de lu ou peut être d'écrit par elle. D'autres au contraire ouvraient la bouche de surprise et regardaient autour d'eux. Ils tombaient des nues. Comment est-il possible que tout cela existe sans qu'ils n'en aient entendu parler ? 

Peu à peu, la curiosité laissait place à une vraie fébrilité, disons-le, une attente : C'est bien beau, de lire, mais les principaux concernés, ils en disent quoi, eux ? Le musclé ( 37 %) et l'homme aux cheveux fous ( 15 %) ? 

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant