38. T'es un grand malade !

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-Nous sommes samedi début d'après midi, heure où les locations de vacances se libèrent, et c'est le week-end du 15 août. Un peu plus haut il y a au moins 6 gîtes ruraux, un grand hôtel et 2 campings. Autrement dit, la route qui en temps normale est peu fréquentée, va être envahie dans les deux sens par des voitures surchargées conduites par des connards qui ne savent pas gérer la conduite en montagne. Et cet amour s'est garé sur le bas côté à flanc de coteau, juste avant un virage en épingle à cheveux et sur une pente d'au moins 15%. JE PEUX AVOIR LA CLÉ, MAINTENANT ?

Et il partit en courant, la clé à la main, Arnaud à ses trousses.

Le souffle coupé, Éric Antoine tourna la tête et croisa le regard de Laura.

***

chapitre 38

T'es un grand malade 

***

Cinq minutes après, samedi 13 août, 15h, sur la route à 200m des Cigales,

Ils n'eurent pas encore franchi le portail que déjà Jérémy lançait :

-- Mais t'es complètement inconscient ?! Mais qui a l'idée de se garer là, bordel ! Tu aurais pu te tuer ! M' enfin c'est pas possible !

– Jérémy, rends moi mes clés et dégage. J'ai pas fait huit heures de route pour me faire gueuler dessus, putain ! Tu changeras jamais ! Mais quelle idée j'ai eu de venir !... J'aurais dû juste faire une visio, mais qu'est ce que je suis allé me faire chier ! Donne-moi mes clés, je me casse d'ici. Tu me blesses en permanence ! Tu n'as rien compris ! DÉGAGE ! JE T'AI DÉJÀ DIT DE NE PLUS M'ADRESSER LA PAROLE. !

Arnaud était dans une telle fureur que Jérémy resta cloué sur place. Arnaud en profita pour reprendre ses clés et, sans un mot, partit en courant vers à voiture. Alarmé, son ami le suivit aussitôt.

Ils arrivèrent à hauteur de la voiture, essouflés.

Les craintes de Jérémy étaient justifiées.

La voiture avait été déplacée sur plusieurs mètres, sans doute par un véhicule qui en croisait une autre à cet endroit précis. Côté ravin, la rambarde de sécurité avait cédé et dégringolé trente mètres plus bas, la roue arrière droite se retrouvait dans le vide, la roue avant droite se tenait en équilibre sur le bord du fossé.

– Oh putain ! lâcha Arnaud.

Il dévérouilla la voiture et posa sa main sur la poignée de la portière côté conducteur.

– Mais t'es un grand malade, qu'est-ce que tu fais ?!

– Je te l'ai dit, je m'en vais. Je rentre à Paris.

– MAIS T'ES... MAIS... PUTAIN ARNAUD !

Jérémy tremblait de colère. Il retenait Arnaud qui cherchait à ouvrir déspespéremment la voiture.

– Regarde ! Regarde ta voiture ! Elle a deux roues dans le vide ! Tu veux dégringoler avec ? T'en as marre de vivre ?

Arnaud se débattait, hystérique, en proie à une prise de panique. Dans la confusion, Arnaud avait commencé à s'asseoir au volant.

– Mais Jérém, casse-toi ! lâche-moi ! Je veux la récupérer ! Je rentrer ! Lâche-moi je te dis ! Lache-moi ! Jérém !

Jérémy avait entouré son bras puissant autour des épaules d'Arnaud et, réussit à le sortir de la voiture. Il s'agrippait à ses poignets pour l'immobiliser.

– Arnaud ! Arnaud ! Arnaud calme-toi ! Ecoute-moi. Tu fais ce que tu veux après, mais tu ne touche pas à cette voiture. Arnaud... Arnaud... Ecoute-moi... fais pas ça... s'il te plait... calme-toi... fais pas ça... fais pas ça...

Et pour éviter qu'Arnaud ne tente une nouvelle fois de se mettre au volant, ayant les deux mains prises, il donna un violent coup de pied dans la portière pour la fermer.

La puissance fut telle que la voiture, en équilibre précaire, chancela dangereusement. Les deux hommes retenaient leur souffle. Dans des secondes qui paraissaient des heures, la voiture pivota lentement vers l'arrière droit, là où elle ne reposait déjà plus sur le sol. La roue avant-droite perdit son appui sur le sol. Ce qui devait arriver arriva. La voiture bascula inexorablement dans le vide.

Dans une situation pareille, un homme ordinaire se serait reculé. Mais Arnaud n'était pas un homme ordinaire.

Dans l'énergie du désespoir, Arnaud ne se contrôla plus. Il se précipita pour la retenir. Il posa la main sur la poignée de la portière au moment où le poids du véhicule se déplaçait vers le précipice. Il sentit alors son corps perdre l'équilibre et vit ses pieds s'approcher du bord du ravin, dont la rambarde avait disparu. Alors seulement il comprit l'inconscience dont il avait fait preuve. Il comprit en un millième de seconde qu'il allait plonger, cent mètres plus bas, dans le ravin, rejoignant sa voiture qui serait comme son cercueil.

Il sentit alors une grande douleur dans la main et tomba lourdement en arrière. Sa tête failli heurter le sol mais une main se plaça avec adresse entre son crâne et le bitume. Il sentit des larmes qui n'étaient pas les siennes lui mouiller le visage. Il ouvrit les yeux et vit le visage livide de Jérémy au-dessus de lui. Ses grands yeux noirs étaient plongés dans les siens.

– Arnaud POURQUOI... POURQUOI T'AS FAIT ÇA...T"ES UN GRAND MALADE... J'ai f...On a failli te perdre... Arnaud, jure-moi que tu ne feras plus jamais ça... Jérémy se mit à parler vite, entre deux sanglots. Pardon Arnaud... Pardon pour tout le mal que je t'ai fait, que je t'ai dit... Arnaud, j'ai cru que tu ne viendrais pas, tellement tu as des raisons de m'en vouloir... Je comprends que tu veuilles repartir... Je t'ai encore hurlé dessus, j'avais tellement peur, tu peux comprendre, ça ? Tu peux comprendre ? ...

Jérémy marqua un silence puis reprit :

– Deux mois c'était long, putain... J'ai respecté ton silence, même si je te jure, j'ai eu envie de te vanner quand j'ai vu des passer des photos de toi cet été en cycliste fluo moulant...

Jérémy pleurait et riait en même temps.

Son ami le regarda d'abord fixement, puis détourna la tête, le visage fermé. Il se contenta de déglutir quand Jérémy dit en chuchotant, les yeux embués de larmes:

– Mais Arnaud, quand tu t'habilles normalement, on tient à toi... Reste, s'il te plaît...

– Dégage.

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant