7. Du sable sur tes lèvres

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Arnaud se tordait de rire en grimpant, mais à présent, à bout de force, il glissait dans le sable... Jeremy soupira. Plus endurant et plus stable sur ses appuis, il n'avait pas d'autre choix que d'aider son ami s'il ne voulait ne pas y passer la semaine. Il se plaça derrière lui, le poussant en bas du dos et bloquant son pied avec ses mollets.

Ils avaient pratiquement atteint le sommet de la dune, quand soudain Jérémy s'arrêta net, forçant Arnaud à se retourner. 

***

chapitre 7 

Du sable sur tes lèvres 

***

Lundi 13 mai 17h, en haut de la Dune du Pilat  ( Bassin d'Arcachon)

– Ah putain je sais !

Jérémy prit son temps pour ménager son effet, savourant sa trouvaille.

.- Il y a deux ans, fit-il lentement. Tu es entré dans mon bureau, à la production.

Et là, tu m'as demandé un truc que tu ne m'as jamais rendu.

Un truc que tu me dois, donc.

Un truc pour accrocher l'affiche de ton spectacle pour faire un sketch de promo.

Est-ce que tu te souviens ?

– Heu oui...

– Et avec quoi on accroche un poster au mur ...? Allez un petit effort, Sherlock Holmes, c'est aussi le nom d'un insecte.

Arnaud s'arrêta et le regarda dans les yeux, réfléchissant. Puis il eut un petit sourire malicieux.

– T'es trop fort, on peut rien te cacher, dit-il finalement en souriant, tout en faisant mine de se tapoter la poche de chemise.

Il tapota et fouilla ses poches de plus en plus vite l'air soudain affolé, puis balaya du regard le sol. Fouillant dans le sable, il appela :

– Attends, merde, qu'est ce que j'en ai fait... Pupuce ! PUPUCE !!!

En grand comédien qu'il était, il était parvenu à faire se retourner les touristes avec son air catastrophé. Devant un Jérémy médusé et admiratif, ceux-ci s'approchèrent et se mirent aussi à chercher - ils ne savaient pas quoi au juste.

– Bon, on a compris Arnaud, fit Jérémy sans y mettre beaucoup de force. Comme il le faisait sur scène, il essayait de calmer la folie de son ami, mais le fit avec d'autant moins de conviction qu'il était peu à peu gagné par le fou-rire.

Se laissant aller, Jérémy se renversa en arrière, son corps secoué par les rires, la main sur la bouche. Les touristes, après un bref moment de sidération, riaient eux aussi.. Arnaud se tenait les côtes et s'essuyait le coin des yeux, ses pieds tremblants sur le sol instable. Déséquilibré, il s'accrocha à son ami dans le but d'éviter la chute.

Ce qui devait arriver arriva ; ils s'entremêlent dans un roulé-boulé, l'un cherchant à se rattraper à l'autre, et se précipitèrent mutuellement vers le bas de la dune. Quand ils se retrouvèrent enfin immobiles, Jérémy était allongé sur son ami, l'oreille contre son torse. Le fou-rire était parti comme il était venu, aussi soudainement qu'un vol de coccinelle.

Quel délice c'était pour Arnaud de sentir le poids de son corps en toute innocence, juste après l'avoir fait rire aux éclats. Les deux hommes haletaient. Arnaud sentait la tête de son ami se lever et s'abaisser au rythme de sa propre respiration.

Puis Jérémy se redressa pour se relever, ses deux bras tendus de chaque côté de la tête d'Arnaud comme s'il s'apprêtait à entamer une série de pompes. Au lieu de cela, il planta son regard intense dans celui d'Arnaud. Oh mon Dieu, pensa-il, serait possible qu'il.... Arnaud retenait son souffle.

Jérémy, insondable, scruta longuement son visage, son cou et – Arnaud en était sûr à présent – ses lèvres. Ce n'est pas vrai... si Jérémy avait envie de l'embrasser, il ne l'aurait pas regardé autrement... Non Arnaud. Tu te fais des idées.

Puis Jérémy lança :

- Tu es couvert de sable, c'est dégueulasse.

Arnaud eut un petit rire nerveux et dégagea machinalement sa main pour se frotter. Avant qu'elle n'atteigne son visage, Jérémy empoigna son poignet et le plaqua sur le sol.

-Attends, surtout ne fais pas ça. Ne bouge pas.

Jérémy se roula sur le côté d'Arnaud, libérant ainsi un bras, et frotta doucement le visage et le cou d'Arnaud avec le pouce, avec un soin méticuleux.

Se faisant, il comptait lentement à voix haute. Un, deux, trois...

Surpris, Arnaud jeta un regard furtif à son soigneur et se figea. Jérémy avait la mâchoire crispée. Ses yeux fixes, d'un noir profond, le regardaient intensément. Arnaud détourna le regard, n'osant à peine respirer.

Puis quand il arriva à "quinze", sans crier gare, Jérémy s'arrêta et se mit debout.

Arnaud reprit contenance et déclara, un brin aguicheur :

-Ça y est, ce n'est plus dégueulasse pour monsieur Jérémy ?

Jérémy se frotta vigoureusement les mains, se contenta de tendre sa main pour relever Arnaud, sans mot dire, puis s'éloigna sous son regard médusé.

- Bon, tu viens ? dit Jérémy. Gabriel va nous attendre.

Le prochain chapitre s'appelle "les bouchons" et il est à retrouver vendredi 17h !

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant