53. Golliséam

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- Rien. Ecoute, on ne va pas se prendre la tête ce soir. J'ai peur de faire, de dire des conneries, ajouta-t-il en voyant Andy au loin faire la bise à Artus. Je pars demain pour le Sénégal en tournage. Je vais faire de la lutte sénégalaise. Je pars trois semaines un mois, il faut qu'on boucle le film. Et là-bas, on m'a prévenu que la connexion internet était mauvaise et que je n'aur... Qu'est-ce que tu fais, Arnaud ?

Arnaud faisait ce qu'il était tout-à-fait raisonnable de faire quand un ami partait si loin, si longtemps, pour un sport si violent. Jérémy fut extirpé de la voiture et n'opposa aucune résistance quand Arnaud vient le prendre dans ses bras et le serrer fort. Il sentait décidément très bon.

-- Bon, on y va ? prononça la voix glaciale d'Andy qui s'approchait.

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chapitre 53

Golliséam

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Joal-Fadiouth, sud-est de Dakar, Sénégal (1)

Sur la plage, deux hommes uniquement vêtus de pagne piétinaient le sable, se faisaient face. Les pieds semblaient danser, sans cesse en mouvement. Leur corps musclé était arqué en avant. Mains tendues, bras fléchis, ils cherchaient le meilleur moment pour s'agripper par surprise à son adversaire.

L'un était noir, chauve. Il mesurait dans les deux mètres et possédait une imposante musculature ébène. Mamady Ndiaye, de son nom, était lutteur professionnel et c'était une célébrité locale.

L'autre était blanc, cheveux bruns. Nerveux, tonique, son dos sans cesse en mouvement et sa mine concentrée montraient bien qu'il n'était pas arrivé de France hier pour boire des mojitos face au coucher du soleil sur la mer.

-- Travaille encore un peu ta respiration et ta cardio, et demain on va pouvoir passer aux choses sérieuses.

La journée avait été à la fois éreintante et merveilleuse pour Jérémy. À son arrivée à Dakar, la production du film avait pris en charge un chauffeur et un guide qui l'avaient conduit ici, à deux heures de route. Il avait ensuite emprunté en courant le pont qui reliait la grande commune de Jaoul, au bord de la mer, à l'île touristique de Fadiouth, surnommée l'île aux coquillages.

-- Putain, mais y'en a vraiment partout ! s'était-il exclamé, en coinçant un bout de coquille cassée dans sa tong.

-- Tout le sol de l'île en est recouvert.

-- Sans déconner ? Et c'est naturel ?

-- Pas du tout, ce sont les déchets de l'homme depuis l'Antiquité. C'est calculé, c'est pour gagner sur la mer...

-- Mais c'est des porcs !!!

Heureusement, le guide touristique de l'île n'avait pas pris cela pour une insulte, et pour cause : au moment où Jérémy prononçait la phase, une truie et son porcelet surgirent d'une petite rue. Jérémy s'esclaffa, comment est-ce possible ?

Imperturbable, le sénégalais avait répondu :

-- Bien vu ! Il y a beaucoup de cochons sur l'ile parce que c'est une population catholique alors que le Sénégal est en majorité musulman (2).

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Il fallut à peine quarante-huit heures à Jérémy pour être prêt à disputer les combats, filmés à la saison des pluies pour les besoins du scénario, ce qui expliquait pourquoi il avait été contraint de lâcher la préparation des Duos 10 pour s'envoler et vivre son rêve d'acteur en septembre.

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant