13. Le portefeuille

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Quelques secondes après, le piano fut refermé brusquement par deux paires de mains fébriles et Jérémy avait mieux à faire que de retrouver la suite de la mélodie.

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 chapitre 13 : 

Le portefeuille

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Le lendemain, Mercredi 15 juin, Chez Jérémy, 7h

Jérémy regarda Andy enfiler ses escarpins rouges en fredonnant. Il sourit à la vue de son sac à main surdimensionné, tellement disproportionné en comparaison à sa silhouette fluette et élancée, son petit pantalon arrivant au-dessus de la cheville, son blazer d'hôtesse de l'air et sa chemise impeccable, sa valise à roulettes. Comment fait-elle pour ne pas se déséquilibrer en marchant, avec ses talons de douze ? Il mordait dans sa tartine de confiture quand elle s'approcha de la table pour attraper ses clés qu'elle avait oubliées. Il caressa distraitement la main d'Andy avec le dos de la sienne tandis qu'elle se saisissait des clés.

-A demain, ma fourmi, sourit-elle.

-A demain ma Cigale. Bon vol. Tu m'appelles quand tu es arrivée à l'hôtel.

Ladite fourmi, dixit Jérémy, avait en effet une journée bien chargée comme il les aimait. Cela avait commencé par une séance de cardio avant son petit déjeuner. À présent, comme à son habitude, Il s' occupa de ses chiens adorés, de ses poissons avant ses rendez-vous de la journée.

Joker, tout fou, essayait d'attraper les oiseaux. Jérémy riait, sa vaporeuse à la main, et veillait à ne pas laisser son chien s'approcher du bassin où des carpes bullaient, au milieu du jardin.

La main sur le museau de son chien, il contemplait tour à tour les poissons, les murs de sa bâtisse, le vent qui jouait avec les arbustes, les plates-bandes qui fleurissaient. Il prit conscience qu'à cette heure-ci, dix ans en arrière, il aurait sûrement été en train de décuver, ou encore endormi, ou pire, en train de s'envoyer son premier verre de la journée. Il n'aurait pas vu toute cette beauté, ni ressenti toute cette fierté.

Il regarda l'heure. Ayant encore quelques minutes devant lui, il retourna au salon, s'installa à son piano et égrena doucement les notes qu'il avait réussi à retrouver hier. Il recommença la chaîne d'accords et tenta d'y superposer la mélodie enivrante, qu'il fredonna. Après quelques ajustements, il parvint à faire se coïncider parfaitement sa voix murmurée avec les arpèges du piano. La mélodie n'en paraissait que plus belle, plus mélancolique.

Il fallait qu'il fasse écouter cela au téléphone à sa Cigale ce soir.

Bordeaux, 9h

C'était le dernier jour de son séjour à Bordeaux, et après un petit déjeuner copieux et un dernier coup de balai (rapport aux cendres de la grand-mère dans l'aspirateur), Arnaud venait de quitter le fameux logement bordelais.

Il avait souri une dernière fois devant les coussins poilus, la moquette orange miteuse. Il n'avait pas eu le courage de vider la poubelle contenant le vase en miettes. Il avait fourré dans sa poche les billets laissés par Jérémy pour régler sa partie d'hébergement ainsi que son mot. JTTF, avait écrit Jérémy sur son mot. Oui, moi aussi, avait pensé Arnaud, JTTF.

Il arrivait maintenant rue Sainte Catherine sous la brise fraîche direction la gare, en cherchant des yeux un magasin bien précis dans cette grande rue commerçante. La valise à roulettes à la main et un sac sur l'épaule, il s'arrêta dans une papeterie à la recherche d'un article de bureau.

C'était en voyant un bac à sable à quelques pas de l'appartement qu'il avait eu cette idée bien débile. Une idée qui nécessitait cette boîte de cinquante exemplaires, qualité supérieure, à deux euros quatre-vingts, là, en face de lui. Une idée qu'il comptait bien mettre à exécution tout de suite, pour faire sourire Jérémy. Et un peu aussi pour faire passer le temps, car son train n'était que dans deux heures.

Il attrapa l'objet convoité, ajouta quelques magazines pour le trajet Bordeaux-Paris et se rendit à la caisse, la main cherchant son portefeuille. Qu'est-ce qu'il en a fait ? Paniqué, Il fouilla ses poches, régla ses achats avec un des billets de Jérémy - une aubaine !- et sortit de la papeterie... Mais où était donc son portefeuille ?

Une fois dans la rue, il chercha fébrilement dans son sac. En vain. Il retourna à la location - heureusement le code d'accès fonctionnait encore- et fouilla chaque pièce sans succès. Il appela la salle de spectacle et les régisseurs. Rien non plus.

Il paniqua. Pétard ! Ses billets de train ! Non, ouf, ils étaient électroniques, sur son téléphone.

Il s'imposa le calme et réfléchit. La dernière fois qu'il a dû s'en servir, c'était au resto chinois, pour régler l'addition. En claquant la porte du logement, il avisa de nouveau le tas de sable en face du trottoir et repensa à sa petite blagounette.

Son portefeuille attendra. "Allons-y jusqu'au bout, je n'aurais pas perdu toute ma matinée" se dit Arnaud en sortant la petite boîte achetée tout à l'heure. Voyons.. Sous cet angle... Parfait. Une fois sa photo prise, il se hâta de l'envoyer à Jérémy.

"Bien, maintenant, direction le resto chinois à la recherche de mon portefeuille

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"Bien, maintenant, direction le resto chinois à la recherche de mon portefeuille. Au pas de course, il me reste 50 minutes avant mon train...Il est sûrement là bas..."

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant